Farid, 15 ans : “Vous voulez qu’on tape qui à part la police ?”

Farid, 15 ans : “Vous voulez qu’on tape qui à part la police ?”

Il développe ses larges épaules à la boxe thaïe cinq fois par semaine. Il a les yeux d’un beau marron, c’est tout ce qu’on verra de son visage, dissimulé sous un foulard et une capuche. Depuis vendredi, Farid* est chaque matin au lycée Joliot-Curie de Nanterre. L’établissement est au cœur de la protestation lycéenne contre la réforme des retraites.

Et, comme à Lyon, il fédère aussi des jeunes plus intéressés par la casse que par la lutte sociale. Farid est de ceux-là, casseur à 15 ans. « Je le fais à moitié pour la retraite, à moitié parce que j’ai envie de me venger contre la police », tranche-t-il, déçu qu’hier la bagarre n’ait pas pris.

Capable d’aller « au contact »

C’est lui qui a mis le feu à la première voiture, une Clio rouge. « On l’a mise sur le toit. L’essence coulait, quelqu’un m’a passé un briquet. » Pas de fanfaronnade, mais tout de même : en s’attaquant à des grosses cibles, Farid dit être des 50 casseurs, sur un groupe qu’il estime à 800, capables d’aller « au contact ».
« Un panneau publicitaire, c’est facile, il suffit de prendre une barre ou un brise-vitre dans le bus. Le cran au-dessus, c’est la voiture de police. Et le plus fort s’attaque aux policiers. » Il n’emploie pas les mots « guerre » ou « haine » comme d’autres. Il « réagit » contre les lois trop dures qui dominent à ses yeux le rapport entre cités et forces de l’ordre. Il dit souffrir des contrôles d’identité dans son propre quartier qu’il ne quitte guère, des fouilles dès qu’un voisin se plaint.
« Vous voulez qu’on tape qui à part la police? C’est le seul moyen. » « Ils tirent au flash-ball sur des gens qui n’ont rien fait, détaille-t-il plus tard. Ceux qui ont tué Zyed et Bouna (NDLR : les enfants morts électrocutés à Clichy-sous-bois, alors qu’ils étaient poursuivis par la police), on les a pas entendus, s’emporte-t-il. Alors que nous, si on tue un policier, on fait vingt ans de prison. »
En quittant l’appartement familial, hier matin, Farid a enfilé des vêtements chauds, des chaussures souples pour courir facilement. Il les a lacées avec soin, doublant le nœud. Ses yeux se brident, trahissant un sourire. Il l’admet, c’est « un peu » excitant de se mettre ainsi en danger.
« Mais on le fait pour quelque chose, on ne fait pas ça gratuitement. » Il le sait pourtant, de nouveaux problèmes avec la police, après avoir écopé de mesures éducatives pour une tentative d’étranglement et un vol, lui coûteraient son projet d’avenir : travailler dans une association d’aide aux handicapés. Il y a fait un stage, le travail lui a plu. Il attend ses 16 ans, dans trois mois, pour gagner son salaire. A moins qu’il ne dérape. « Je zigzague, je sais pas trop. Je ne vais plus au lycée. » Le gamin de Nanterre n’a pas le goût des études, et à cause de son passif, a été envoyé au lycée professionnel à Asnières, la ville rivale. « Je parle avec personne. »
Ses parents se doutent qu’il est en train de basculer dans la délinquance. Sa mère, qui élève sept enfants, et son père, chef d’équipe dans une usine, sont inquiets. Mais Farid ne veut rien entendre, sauf quand ses frères lui disent : « Touche pas à la drogue. »

(via )

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Comments (1)

  • tueursnet Répondre

    « Des couilles en or pour les gens d’en haut
    Et des nouilles encore, pour les gens d’en bas »

    C’est le nouveau refrain des lycéens
    Le genre de slogan qu’on utilise quand on ne porte pas de gants
    Mais il est empreint d’envie, et de mépris.
    Non, je ne vous la fais pas à l’ancienne
    Je fus, j’étais, je serais toujours lycéenne, avec les vices et les vertus d’une bohémienne

    http://www.tueursnet.com/index.php?journal=Balle%20de%20nouilles

    24 octobre 2010 à 16 h 10 min

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