Les illusions de la paix avec le monde arabe

Les illusions de la paix avec le monde arabe

 (Acheter maintenant) Les éditions Page après page viennent de rééditer un livre qui est indispensable pour quiconque entend comprendre le monde arabe, ses problèmes récurrents et presque insolubles et les soubassements du conflit israélo-arabe. Le livre a été écrit voici dix ans. Il était épuisé depuis longtemps. Le remettre en circulation est une décision de salubrité publique.
La première chose qui frappe en relisant le livre, aujourd’hui, est que, à quelques infimes détails près, il n’a pas pris la moindre ride. Son auteur, le grand islamologue Fereydoun Hoveyda, y décrit une société bloquée, et engluée dans des rêves délétères : cette société reste tout aussi bloquée et engluée dans des rêves délétères aujourd’hui. Les raisons du blocage sont énoncées et définies sans fard : tout ce qui peut être considéré comme un affront se lave dans le sang et « le devoir de vengeance se transmet de génération en génération », il existe dans la mentalité arabe un cycle humiliation-honneur qui a des allures de cercle vicieux. Il existe dans tout le monde arabe et au Proche-Orient en particulier un « syndrome de Saladin » : aucune part du dar el-islam ancien ne doit rester entre des mains infidèles et « il convient d’attendre qu’Allah suscite un sauveur » qui serait à même de restaurer un âge d’or disparu depuis longtemps, et dont la disparition est ressentie comme d’autant plus frustrante qu’il est impossible jusqu’à ce jour, dans le monde arabe, de lui donner une explication rationnelle.
Fereydoun Hoveyda déduit de tout cela un certain nombre de points qu’il serait utile de méditer d’urgence.
D’abord, nous dit-il, parler de paix entre Israël et le monde arabe tel qu’il est aujourd’hui relève de l’illusion : le monde arabe ne pourrait admettre vraiment l’existence d’Israël qu’en se reniant profondément ou en renonçant à sa religion qui est aussi son principe central d’organisation politique. La seule paix ne peut être qu’une paix armée, vigilante et intransigeante.
Ensuite, ajoute-t-il, les Occidentaux qui pensent qu’abandonner Israël suffirait à apaiser le monde arabe se trompent profondément : l’humiliation est là, irrationnelle, elle implique pour que l’honneur soit rétabli une victoire, un écrasement de l’adversaire qui ne saurait se limiter au simple territoire d’Israël. Le monde occidental tout entier doit rester vigilant et intransigeant et, surtout, ne pas céder d’un pouce.
Enfin, dimension qui peut paraître plus inquiétante – et que j’ai moi-même récemment soulevée dans « Qui a peur de l’islam ! » – le monde arabe est très difficilement compatible avec la démocratie : les Arabes restent attachés « à l’idée d’un régime fort, voire dictatorial ». « Tout se passe comme si les masses arabes conservaient dans les plis de leur mémoire le rêve messianique de l’homme exceptionnel, du héros inégalé, désigné ou investi par Dieu pour les sauver de tous leurs malheurs, du sous-développement, de la grande conspiration des infidèles ».
Y a-t-il la moindre lueur d’espoir ? Les rares dissidents, note Fereydoun Hoveyda, « pour échapper aux poursuites et souvent à la mort, s’expatrient vers l’Occident », et ces dissidents eux-mêmes « mettent l’honneur et la dignité au-dessus de tous leurs désirs, même leur rêve de libertés ». Règne parmi eux, comme au sein des populations de leurs pays d’origine le « fantasme de la conspiration » : comment le monde a-t-il pu devenir « l’enfer des fidèles et le paradis des infidèles » ?
Il existe dans le monde arabe aujourd’hui, conclut Hoveyda, une « bataille entre la tolérance et le fanatisme », et tout ou presque montre que la tolérance est fort loin d’avoir gagné. Tout ou presque montre au contraire qu’elle est en très mauvaise posture. En restant lucide, fort, déterminé, l’Occident pourra se rendre à lui-même le service de survivre et rendre par là même au monde arabe le service de comprendre qu’il est dans une impasse par sa propre faute.

Fereydoun Hoveyda
Que veulent les Arabes ?
Éditions Page après page
253 pages – 15 euros

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Comments (5)

  • R. Ed. Répondre

    En réponse à Charles Martel: l’Islam un naufrage ,oui, et ils sont de plus en plus nombreux sur le bateau .Quatre cents millions dans les années ’80 ,un milliard deux cents millions d’adeptes actuellement et cela continue !

    15 mai 2004 à 11 h 15 min
  • Sendrowicz Paulette Répondre

    A l’attention de M. Guy Millière, Je suis bien contente d’avoir trouvé un site me permettant de vous écrire, car j’avais l’intention de le faire, venant de terminer votre livre “Qui a peur de l’Islam”. Je voulais vous féliciter d’avoir eu le courage d’écrire un tel livre, d’autant plus que ces derniers jours nous avons vraiment eu affaire à des “cannibales” ici en Israël. La lecture de votre livre m’a laissée très pessimiste sur notre avenir ici et celui de nos petits-enfants. Nous allons vers des jours difficiles. J’aime beaucoup lire vos papiers, ils sont réconfortants pour moi. Merci. Salutations Paulette Sendrowicz

    14 mai 2004 à 23 h 07 min
  • Charles Martel Répondre

    Il est clair que le monde arabe, et, au delà, le monde musulman, est dans l’impasse. la ligue arabe : 22 pays. Pas une seule démocratie. Des dictatures partout, plus ou moins agressives. Sur le plan intellectuel : le désert. Pas un prix nobel, pas un savant de renommée mondiale, que des copistes (comme le père de la bombe pakistanaise). Sur le plan économique, les précieuses rentrées financières issues de l’exploitation des peuples occidentaux, qui surpaient le pétrole, sont englouties dans des dépenses somptuaires ou dans des armements. Sur le plan militaire : un désastre. En dépit des sommes colossales consacrées à l’armement, a-t-on vu une armée arabe gagner une guerre depuis un siècle ? Les arabes en sont encore à guerroyer avec un petit Etat trois fois moins peuplé que la banlieue du Caire (Israel). Sur le plan scientifique, la mise à l’écart de la moitié de la population (les femmes) pèse lourd dans le maintien de l’arriération de la société. Sur le plan démographique, une prolifération à visée hégémonique qui ne peut aboutir qu’à la catastrophe, le jour où les puits seront secs. L’Islam ? Un naufrage.

    14 mai 2004 à 21 h 58 min
  • Jef Répondre

    Sans vouloir entrer dans un débat théologique, et exprimant mon opinion personelle, je pense que l’erreur de l’Islam vient d’une seule erreur de jugement. Car là ou le christianisme a placé Dieu dans le coeur de chaque homme, et le rend responsable de ses actions sur le monde (le Christ encourageait les hommes à “s’élever”, car c’était le plus bel hommage à rendre à la divinité), l’Islam l’a malheureusement placé en dehors de ce monde. Du coup, peu importe les pêchés ou les crimes que l’on commet, “les hommes sont faibles” et “seul Dieu est sans pêchés”. Tout travers trouve alors sa justification, et peu importe que l’on tue au nom de Dieu, au pire il est si facile de justifier son erreur puisque l’on croyait bien faire… (sic)

    14 mai 2004 à 14 h 47 min
  • cast Répondre

    Ce n’est pas le monde arabe qui est incompatible avec la démocratie,c’est l’Islam ,même modéré.En dehors de la lecture du Coran,que je recommande à tous les sceptiques,le mot même de musulman est tout à fait parlant:il signifie “soumis”.Ainsi il est du devoir de tout musulman de se soumettre (à Dieu).Mais cette soumission lui donne le droit et le devoir de soumettre à son tour.La tolérance n’est qu’un slogan destiné à rassurer les autruches occidentales.

    11 mai 2004 à 13 h 27 min

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