Une loi garantit l’impunité des dirigeants français

Une loi garantit l’impunité des dirigeants français

Ni coupables, ni responsablesEn arrivant au tribunal correctionnel de Bonneville (Haute Savoie) le 31 janvier dernier, Rémy Chardon, président de la société des Autoroutes et Tunnel du Mont Blanc (ATMB), mis en examen après l’incendie du 24 mars 1999 qui coûta la vie à 39 personnes, avait l’air serein. Il semblait même avoir retrouvé son habituel air faraud… Non pas que ses très hautes relations politiques puissent l’assurer de quelque impunité. Son maître, Jacques Chirac, dans la circonstance, ne peut plus grand-chose pour lui. Mais il sait, mieux que personne, qu’il bénéficiera de la « loi Fauchon », votée discrètement par le Parlement le 10 juillet 2000 qui pose le principe de l’irresponsabilité civile des dirigeants des sociétés. Sauf quand on peut leur reprocher une responsabilité « directe ».
D’ailleurs, on aura noté que M. Chardon ne plaidait absolument pas sur le terrain de l’irresponsabilité, mais seulement sur le caractère indirect de celle-ci. Il a dit n’avoir jamais été alerté de manière « explicite » sur une défaillance des moyens de sécurité dans le tunnel.
Sauf imprévu – toujours possible en matière judiciaire mais, alors, une procédure d’appel serait certainement engagée –, le président de l’ATMB, à l’issue du procès devrait donc s’en tirer par… une relaxe.
Pourtant, on a en mémoire des antécédents fameux où des chefs d’entreprise, par exemple, furent condamnés à des peines sévères à la suite d’un accident du travail. Mais c’était avant la « loi Fauchon »… Cette loi, du point de vue de la responsabilité civile des dirigeants, a complètement changé la donne. En distinguant les auteurs « directs » d’un accident et les auteurs « indirects », la loi Fauchon a abouti à une quasi impunité de l’ensemble des dirigeants. Une loi d’ancien régime.
C’est l’histoire de cette loi et l’examen de ses conséquences que nous raconte Guillaume Perrault, journaliste, responsable de la rubrique judiciaire au « Figaro » dans un ouvrage intitulé « Ni coupables, ni responsables ».
Au départ, il s’agissait de protéger les élus locaux, dont la responsabilité pouvait être engagée pour des faits qui, souvent, pouvaient paraître éloignés d’une véritable implication personnelle : un panneau de basket tombant sur un enfant, une branche d’arbre blessant un passant…
À la fin des années quatre-vingt-dix, une véritable psychose semblait s’être emparée des élus locaux, orchestrée par la puissante Association des Maires de France (AMF) et relayée par de nombreux médias. Pourtant, il s’agissait bel et bien d’une campagne, basée sur une réalité très exagérée. Qu’on en juge : de 1995 à 1999, seuls quatorze maires sur 36 000 avaient été condamnés pour homicide involontaire, et encore, les sanctions avaient-elles été légères puisqu’aucun maire n’avait été emprisonné, seulement condamné à une amende ou à une peine de prison avec sursis.
Néanmoins, les élus locaux réclamaient une loi d’immunité. Le Sénat est en première ligne et c’est le sénateur Fauchon, avocat de formation, qui se charge de présenter un texte. Comme il n’est pas possible, sans scandale, de réserver cette immunité aux seuls élus, on l’étend tout simplement à l’ensemble des dirigeants, dans tous les domaines. Guillaume Perrault nous raconte dans le détail les dessous de l’adoption de cette « loi Fauchon ». Car, si elle fut adoptée à l’unanimité – et on sait que les lois votées à l’unanimité sont souvent des textes suspects –, quelques hommes politiques furent scandalisés par cette impunité. Élisabeth Guigou, alors Garde des Sceaux, n’y était pas favorable. Mais elle s’y résolut, préparant son passage au ministère des Affaires sociales. Le Premier ministre Lionel Jospin n’y est pas favorable non plus, mais il n’est plus au moment des faits, en situation de s’opposer à la loi qui fait l’unanimité à droite et, à gauche, rassemble aussi bien Laurent Fabius que Robert Badinter. La démission, le 2 novembre 1999, de Dominique Strauss-Khan, alors ministre des Finances et mis en cause dans l’affaire de la MNEF, fait le reste : l’ensemble de la classe politique prend peur. Huit mois plus tard, l’immunité quasi-totale des élus sera mise en place. Élargie à l’ensemble des dirigeants des entreprises, elle aboutit, selon l’auteur, à une impunité de fait des élites…

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Comments (14)

  • Roz Répondre

    M. J. RESJAU, Bravo pour votre commentaire et votre réponse à M. ORLOWSKI. En effet, il faut savoir raison garder. La fonction publique comporte de nombreux profils et il est parfaitement malhonnête de mettre tous les fonctionnaires dans le même sac. On crie contre ces derniers mais on aimerait bien avoir plus de policiers pour prendre des balles en ces temps d’insécurité. On crache sur les politiciens mais qui parmi nous est prêt à mouiller sa chemise en rencontrant les gens, en organisant des think tanks, etc. Le tout à l’avenant. Personnellement, j’ai plus d’estime pour l’infirmière, le chercheur, le flic ou le professeur qui fait honnêtement un travail pas toujours facile que pour le PDG qui peut partir avec un parachute doré de X millions d’Euro après avoir ruiné son entreprise. De la même facon, j’ai plus d’estime pour le directeur d’une PME qui bosse dur que pour un fonctionnaire “ripou”. Regardons l’homme, pas la fonction. Il fut un lieu et une époque où des hommes ont été massacrés pour avoir été des paysans un peu plus riches que les autres. Ces victimes furent les Koulaks que Staline extermina par haine de classe. N’importons pas une idéologie aussi barbare ! Roz

    25 février 2005 à 1 h 16 min
  • J.RESJAU Répondre

    A M. ORLOWSKI Je ne suis pas fonctionnaire, mais je ne suis pas Poujadiste ! Force est de constater que vous faites un amalgame dangereux entre la haute fonction publique et le fonctionnaire de base. Mon épouse est infirmière dans un grand centre hospitalier régional, après trois ans et demi d’étude et plus de 20 ans d’ancienneté, elle est rémunérée 1900 euros net (primes comprises)! Elle travaille un week-end sur deux et assure une semaine de nuit toutes les trois semaines. Selon vous, elle est une privilégiée, elle ne mérite que votre mépris… Ce sera peut-être cette “tique” de la société qui apaisera vos souffrances quand vous serez transferé d’urgence dans son service d’urgence, elle ne vous demandera pas votre carte de crédit, ou d’assurances avant de vous prodiguer des soins, ni de vous faire signer une décharge en responsabilité. C’est cette mésavanture qui m’est arrivé lors d’un voyage aux Etats-Unis. Avant cela j’avais les mêmes jugements de valeurs sur notre fonction publique, tout n’est pas rose, tout n’est pas noir dans chaque système politique et économique. Il faut raison garder en toute chose, vos idées de révolution libérale ont été mises en application ailleur avec des résultats mitigés. Il me semble que votre vision de notre société soit trop manichéenne. Nous vivons dans une démocratie, si le système ne fonctionne pas correctement, il convient d’essayer de la changer par les urnes et non par une révolution, qu’elle soit de droite ou de gauche.

    20 février 2005 à 9 h 53 min
  • R. Ed. Répondre

    Je veux rectifier le tir de Malko: “dans les pays de l’Est c’est aussi le bordel, avec les maffias en prime!” Nous ne sommes pas en reste à propos de maffias, mais dans nos pays de l’Ouest, les nôtres de maffias elles sont plutôt en col blanc. Elles préfèrent faire parler l’encre au bas des documents plutôt que la balle dans la tête du concurrent mais au final, cela revient pratiquement au même.

    19 février 2005 à 12 h 30 min
  • sas Répondre

    a mr orlowsky, votre démonstration forte avérée n’est pas une “lapalissabe” mais plutot un pléonasme vu que les politiciens sont souvent….des fonctionnaires….et de ceux qui ont le plus de temps libre , et dont la compétence professionnelle eclate au grand jour….CEUX DE L EDUCATION NATIONALE…..un Millière a de toute évidence “le savoir” et le profil pour une telle carrière politique… pâuvre france…car ce modèle n’existait que dans les anciens pays de l’est …qui l’on abandonné SAS

    17 février 2005 à 13 h 51 min
  • Thierry Orlowski Répondre

    Cher Lecteur, Cher Mr. Marc, Vous avez tout a fait raison en m’imaginant trépigner sur mon clavier…Je plaide coupable. Voici l’explication derriere la trépignation : Toutes les administrations (pas seulement en France d’ailleurs) fonctionnent sur la base d’un budget annuel. Si l’administration a été efficace, et donc performante, alors son budget est réduit l’année suivante. En revanche, si le gaspillage a été massif, alors cette administration bénéficie d’une plus grosse envloppe l’année suivante. C’est la raison pour laquelle les fonctionnaires sont différents : moins ils travaillent, moins ils sont performants, plus ils ont de rentrées d’argents. Alors que le contraire s’applique dans le privé. Ceci montre qu’il y a bien deux sortes de citoyens : Les fonctionnaires, et les autres. Ainsi que le démontre l’article, on peut y ajouter un troisieme type : le politicien. Le politicien aime autant la « glandouille » que le fonctionnaire régulier (n’oubliez pas : c’est son interet!!!) mais en plus, il est au dessus des lois. Merci aux differentes personnes qui ont réagis a mon texte. Cordialement, Thierry Orlowski PS: Mes excuses a tous ceux qui considerent cette intervention comme une Lapalissade.

    16 février 2005 à 18 h 07 min
  • SAS Répondre

    a mr orlowski,comme vous je suis également un ancien fonctionnaire honteux reconverti au modèle economique privé…non sans affres non plus a ce jour je suis désormais tributaire de l’oisiveté,la fumisterie,la médiocrité de mes anciens collègues et pour tous mes actes professionnels…une punition tva,douanes,gendarmerie et police,securite sociale,inspection du travail…..l’horreur totale dont les résultats financiers du privé dépendes en permanence et cerise sur le gateau du fonctionnement de la justice notament du commerce…. ….d’où le gros bordel généralqui s’emplifit au fil du temps sas

    15 février 2005 à 22 h 53 min
  • marc Répondre

    mr Orlowski m’amuse quand il parle des fonctionnaires…je l’imagine suant , eructant , tapant comme un sourd sur son clavier… une petite remarque en passant : il parle d ‘”infécondité” à propos des fonctionnaires; en quoi un coiffeur est’il plus “fécond ” lorsqu’il coupe les cheveux à un instit que cet instit qui a appris à lire et à compter (si si ça existe) à son gamin ?

    15 février 2005 à 20 h 26 min
  • Thierry Orlowski Répondre

    Cher Mr.Guillermo, Vous m’avez écris: “Si vous êtes de la base, restez-y ! De toutes façons, à l’évidence, vous n’êtes pas assez malin pour mériter mieux.” Merci de vos commentaires qui m’ont fait bien rire.. Alors Mr.le Fonctionnaire….dérangé dans votre petit confort de privilégié ? Toujours en train d’accuser la “Machine” libéral d’être responsable de tous vos maux? J’ai été Fonctionnaire Mr. Guillermo, mais je n’ai pas supporté cette étroitesse d’esprit si caractéristique des gens de votre castre. La honte a fini par me gagner et j’ai eu la décence de fuir l’infécondité plutôt que de me résigner a vivre a rien foutre, en attendant un argent qui fut si difficilement gagné par d’autres. Un jour viendra, Mr. Guillermo, ou la révolution capitaliste finira par renverser les gens qui, comme vous, ont profité toute leur vie de d’acquis illégitimes et de droits immérités….Profitez-en bien: l’injustice engendré par votre castre de privillégié sera renversé….Tôt ou tard!!! D’ici-la, priez pour votre retraite, Mr. le Fonctionnaire, a force de pillages, il y en aura pas pour tout le monde!!! Cordialement, Thierry Orlowski

    15 février 2005 à 18 h 47 min
  • sas Répondre

    a lestoret la france n’est plus gouverne depuis le depart de DEGAULLE, gouverner c’est prévoir….l’équipe de branquignoles en place,initiés,cooptés et fonctionnaires quand pas droits communs (souvent car ils ont du temps pour les multiactivitees)s’engraissent et ne pensent qu’aux elections a vennir pour rester en place et s’engraisser….la politique n’est et ne sera jamais un métier surtout si il n y a jamais de comptes financiers à rendre… …le dernier des cons peut conduire la france “à vue”comme c’est fait depuis 30 ans ,les resultats se mesurent journalièrement , mais n’ayez crainte a un moment ou un autre l’addition va nous etre présentée…collectivement SAS

    13 février 2005 à 13 h 42 min
  • Guillermo Répondre

    A Mr ORLOWSKI – Eh non, vous n’avez vraiment rien compris. C’est parce qu’à la base de ce pays il y a trop de gens comme vous que, sauf troubles sociaux importants, le pays restera ce qu’il est, avec ses injustices immondes et son tiers-mondisme de moins en moins larvé. Vous n’avez donc pas compris que le cloisonnement est surtout vertical. Vous n’avez pas compris que le politicien de base n’a rien à voir avec un sénateur. Vous n’avez pas compris qu’un fonctionnaire de base est à des années lumières de l’inspecteur de finances ou de certains autres parasites “méritants” comme les conseillers d’Etat ou autres politiciens qui passent leur temps à pinailler sur les congés de leur personnel. Pendant que l’on jete en pature à l’opinion certains qui ont de menus avantages on en oublie ceux qui sont restés aux temps des rois. Il y en a trop comme vous qui se croient malins et se laissent abuser par le premier chiffon rouge tendu. Si vous êtes de la base, restez-y ! De toutes façons, à l’évidence, vous n’êtes pas assez malin pour mériter mieux.

    13 février 2005 à 10 h 55 min
  • lestoret Répondre

    A Mr ORLOWSKI – Eh oui, c’est bien cela, vous avez bien présenté le problème avec vos trois catégories de citoyens dans notre République démocratique. Mais s’il en était autrement, le pays pourrait-il être gouverné ? même avec le peu d’efficacité qu’on constate aujourd’hui ? Voyez vous vraiment tous les citoyens égaux devant la loi ?

    11 février 2005 à 10 h 34 min
  • Thierry Orlowski Répondre

    Cher lecteurs, Ce bel article démontre l’existence de trois types de citoyens Francais : 1) Le citoyen normal: fondamentalement c’est un pov’type : Celui-la represente la majorité des Francais, ceux qui doivent payer des impots outrancier, voter pour des referendums sans importances, élire des politiciens qui n’ont rien a dire. Le citoyen ordinaire peut se faire virer n’importe quand et doit considérer qu’il peut rester des mois ou des années au chomage avant de retrouver autre chose…… 2) Le fonctionnaire, c’est un super-citoyen : Il prends sa retraite avant le citoyen normal, beneficie de plein d’avantage, de la securité d’emploi, souvent syndicaliste il bénéficie de sourires de complaisances quant il brave la loi devant ses petits copains pendant les manifs… 3) Le politicien, c’est le super-super citoyen : Il a tous les avantages du super-citoyen….Il commence ses activités comme parlementaire, si il a des bons copains au bon moment, il devient ministre et finit sa « carriere »(peut-on parler de carriere pour quelqu’un qui n’a jamais travaillé ???) au sénat ou il termine ses nuits. Non seulement il a des avantages extraordinaire, mais en plus il est au-dessus des lois. Vous pouvez assasinner des centaines de gens comme Mr. Fabius et vous en sortir comme une fleur….Grace a un tribunal fabriqué de toute piece, sur mesure, uniquement pour vous blanchire !!! C’est beau la politique en France….Êtes-vous certain qu’il y a eu une révolution en 1789 ?? Parce que vu d’ici, il n’en reste pas grand chose…. Cordialement, Thierry Orlowski

    10 février 2005 à 21 h 29 min
  • SAS Répondre

    toucher du ble :oui,remplir les poches des actionnaires :rarement et encore moins lorsque c’est une semaf ou epic bref une sociétée avec l’etat comme actionnaire…. Pour la gouverne de tous ,un passage à l ENA,L inspection des finances ou quelques autres grandes ecoles de notre ripoublique sont le garant d’une totale impunite pour les delits financiers,la drogue,les moeurs….c’est cela notre justice ou plus exactement le déviance auto-atteinte par cette administration qui ne sert plus les citoyens.. cqfd….trichet,messier,dufoi,fabius,chirac…… sas nb qu’ils touche du blé no problemeo…..MAIS SI EMBROUILLES QU ILS SOIENT RESPONSABLES SUR LEURS COUILLES tout comme nos artisans en france.

    9 février 2005 à 13 h 55 min
  • Revenge Répondre

    Sont là pour faire du fric et remplir les poches des actionnaires. Vous voulez les empêcher de faire du fric en rond en les stressant avec des responsabilités tout à fait secondaires comme la sécurité des personnes? Que leur tunnel soit potentiellement un combiné “Chambre à..fumée/Crématoire” n’est pas leur problème mais celui des lampistes.

    9 février 2005 à 8 h 59 min

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