Xavier Bébin : La « prison école du crime », une idée démentie par les faits !

Xavier Bébin : La « prison école du crime », une idée démentie par les faits !

 Xavier Bébin est Secrétaire général de l’Institut pour la justice et auteur de Quand la Justice crée l’insécurité.

 4 Vérités : L’affaire du « mur des cons » a reposé la question de l’idéologie permissive à laquelle souscrivent certains magistrats. Avons-nous une justice intellectuellement libre ou conditionnée par des préjugés de nature politique. Quels sont les rapports entre le pouvoir judiciaire et la pensée politiquement correct telle qu’on peut la voir dans la presse et dans le monde politique par exemple ?

Xavier Bébin : Il existe dans le monde judiciaire – et cela, bien au-delà du syndicat de la magistrature – toute une série de mythes concernant l’efficacité de la prison, qui serait l’école du crime, sur les causes de la criminalité prétendument liées à la pauvreté, sur l’efficacité de certaines mesures de réinsertion… Ces idées, véhiculées par les médias et très largement partagées parmi les magistrats, les avocats et les responsables politiques, conditionnent la réflexion sur les principes de la justice, sur les lois et sur les réformes, ainsi que sur les jugements rendus par les magistrats. Si l’on pense que la criminalité résulte de causes uniquement sociales, de nature économique – la pauvreté ou le chômage –, il est évident qu’on appréhendera la nécessité d’une réponse pénale ferme de façon très différente. Si on se trompe sur le risque de récidive sexuel – on prétend souvent qu’il est très bas, de 2 ou 3 %, alors qu’en réalité il s’élève à 25 % en moyenne et atteint 70 % pour certains profils de délinquants sexuels –, on va penser que les cas de récidive grave relèvent de la malchance, mais que le risque zéro n’existe pas et qu’il n’y a donc pas lieu de prendre des mesures de fermeté pour des cas aussi rares. Il en va de même si l’on pense que la prison est l’école du crime.

Est-ce le cas ?

C’est l’idée reçue la plus répandue, or elle est complètement démentie par les faits. Je prendrai deux exemple : ainsi, la criminalité a augmenté de 20 % au cours de l’année qui a suivi l’amnistie Badinter de 1981, qui avait remis en liberté 5 000 détenus condamnés à de courtes peines et considérés comme de petits délinquants. Cette augmentation n’a pas seulement porté sur des délits mineurs, mais aussi sur les crimes : le nombre des homicides s’est accru de 15% et celui des viols de 13 %. Au contraire, dans les années 1980, les Etats-Unis, pour remédier à la hausse de la criminalité, ont fait le choix (sans doute excessif) du « tout carcéral ». Selon la thèse de la prison « école du crime », la criminalité aurait du exploser ; or, après la mise en place de cette politique de fermeté, les violences aux personnes et les homicides ont été divisés par deux en 20 ans.

Toutes ces idées reçues ressortent d’une pensée unique, politiquement correcte, qui traverse l’ensemble des courants politiques et que l’on rencontre chez beaucoup de responsables politiques et de magistrats, de droite comme de gauche. En revanche, le mur des cons révèle une idéologie particulièrement pernicieuse, qui a cours parmi une minorité de magistrats représentée par le syndicat de la magistrature.

Existe-t-il au sein de la magistrature une résistance à cette pensée unique ?

Un magistrat, Alexandra Onfray, a créé un mouvement Magistrats pour la justice, qui rompt avec cette pensée unique en s’appuyant sur des fondements philosophiques et criminologiques beaucoup plus solides. Mais de nombreux magistrats, qui partagent pourtant ces idées, craignent de les exprimer.

Le syndicat de la magistrature est clairement politisé, mais qu’en est-il de l’Ecole Nationale de la Magistrature ?

Le discours radical du syndicat de la magistrature, qui professe que la justice doit être partiale, qu’il faut privilégier la parole du voleur contre celle du policier, celle du locataire contre celle du propriétaire, etc., n’a pas cours à l’ENM, pour autant que je sache. En revanche, la pensée unique et le judiciairement correct y règnent sans partage, ainsi que l’inculture criminologique : en France, les magistrats sont formés et sélectionnés sur des critères purement juridiques, après être passés par le moule de la faculté de droit, puis par celui de l’ENM, ce qui explique en grande partie que les juges soient aussi déconnectés des attentes des Français. Ils manquent de culture générale, d’expérience et de connaissance du phénomène criminel, ce qui ne les prédispose pas à faire de bons juges pénaux C’est pourquoi je demande, dans mon livre, que l’on supprime l’ENM et que l’on s’inspire de ce qui existe dans d’autres pays européens, où l’on n’accède au statut de magistrat qu’après avoir travaillé pendant plusieurs années dans un métier du droit. Cette réforme permettrait de restaurer le prestige et l’honneur de la profession de magistrat, qui assure une mission fondamentale, mais dont l’autorité est aujourd’hui menacée par la paupérisation de la justice, par la politisation et par son système de recrutement.

Propos recueillis par Pierre Menou

Xavier Bébin, Quand la justice crée l’insécurité, Fayard, 19 € 

Acheter en ligne : http://www.les4verites-diffusion.fr/home/235-quand-la-justice-cree-l-insecurite.html

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Comments (8)

  • clarck913 Répondre

    Il n’y a plus de justice en France. Thémis (déesse de la Justice) est aveugle, mais elle vient de devenir sourde !
    Il y a quelques années, à l’époque de la Halde, j’avais appelé pour signaler que je m’étais fait insulté “sale française, sale blanche”. La Halde avait refusé de prendre en compte ma plainte (ce qui ne m’avait pas vraiement étonné).
    Quelques casseurs du Tocadéro (3 ou 4) ont pris entre deux et 4 mois de prison ferme (certains avec mandat de dpôt, c’est à dire incarcération immédiate), les “jeunes” de Grigny ont tous été relaxés suite à l’attaque d’un train. Les violeurs prennent quelques mois de prison, voir quelques années pour les violeurs d’enfants.
    Par contre, un manifestant pacifique, comme Nicolas, qui est un des créateurs des Veilleurs, peut aller en prison pour crime politique, dans un pays qui se rcélame comme pays des droits de l’homme. Un pays où le Gouvernement demande la libération des Femens en Tunisie, laisse ces mêmes harpie libres (une heure de GAV) suite à l’intrusion dans une basilique (lieu sacré pour les chrétiens), cassé le bras d’un gardien, volé un morceau d’or sur une cloche (dégradation du patrimoine national en plus du vol). Interdiction du port du tee-shirt LMPT (bein que rien dans la loi ne l’interdise), qui représente une famille, arrestation arbitraire près des lieux où se rendent les ministres, près des lieux de pouvoir (assemblée, sénat, palais de justice, et surtout l’Elysée), même sans aucun signe distinctif, (drapeau LMPT ou drapeau français, tee-shirt, badge prisonnier politique…), ce qui m’est arrivé il y a 15 jours.

    20 juin 2013 à 16 h 56 min
    • Jaures Répondre

      On a ici typiquement le dépit envers une justice que l’on souhaiterait à son image: magnanime envers ceux qui nous sont proches, intraitable avec les autres: le bagne pour des punkies, la prison pour des ouvriers licenciés qui perdent un peu leur sang-froid mais la mansuétude pour celui qui tue à coup de poing un autre jeune ou le manifestant récidiviste condamné pour rébellion.
      Moi même je suis souvent circonspect devant les décisions de justice (notamment aux prud’hommes) mais il y a des lois et pour les changer il faut voter et en attendant il faut les respecter.

      20 juin 2013 à 22 h 04 min
    • Dr H. Répondre

      La HALDE, nouveau Saint-Office, était présidée par Louis Schweitzer, condamné par la justice belge pour la fermeture de Renault-Vilvorde, et par la française dans l’affaire des écoutes de l’Elysée. La cour de cassation avait considéré qu’il y avait eu “faute détachable du service de l’Etat” : en commettant des “faits illégaux relevant d’un système institutionnalisé” ces personnes ont ” jeté le discrédit sur l’ensemble de la fonction publique civile et militaire (…) au seul profit d’intérêts particuliers n’excluant nullement leurs propres intérêts de carrière”.
      Et ce genre de type était censé nous faire la morale…

      21 juin 2013 à 0 h 55 min
  • Apéro 64 Répondre

    Le livre orange mécanique vaut le détour et montre bien que la justice n est pas la même sur tout le territoire et n est pas la même suivant que l on soit français de souche ou issu de l immigration. D ailleurs le port d’un pull avec le symbole d une famille est interdit en France et les juges vous condamnent!!!!!! Démocratie française?

    19 juin 2013 à 20 h 51 min
  • Jaures Répondre

    Nous sommes là face à une évidente manipulation de chiffres. Le taux de criminalité augmente bien de 1981 à 1982, mais c’était le cas régulièrement depuis 1975. C’est même à partir des années 80 que le taux de criminalité va cesser de croitre pour baisser au début des années 2000.
    On observe exactement la même évolution pour les homicides: en hausse régulière depuis le milieu des années 70, il stagne peu à peu pour décroitre au milieu des années 80 (source Cesdip). Mais surtout, la France n’est pas isolée. Son évolution a suivi celle des autres pays européens. Elle est aujourd’hui avec l’Allemagne ou la Belgique parmi les moins criminogènes de l’U.E.
    En ce qui concerne les viols, si le taux de récidive était de 25% comme affirmé, le nombre de viol augmenterait de manière exponentielle. Ce n’est évidemment pas le cas car on confond récidive et réitération (reproduction du même délit). Un ex violeur pourra être condamné pour vol, conduite en état d’ivresse, violences, exhibitionnisme,…Il sera alors considéré comme récidiviste. Le problème premier du viol est sa dénonciation: la plupart ont lieu dans le cercle de la famille (30% au sein du couple) et des proches et seul 1 sur 10 est révélé.
    Quant aux Etats-Unis, avec leur “tout carcéral” et leur règle des 3 coups, ils sont le pays occidental où le taux d’homicides est le plus élevé, et de loin! (près de 5 fois supérieur au français).
    Il n’existe pas une “pensée unique” de l’incarcération. L’incarcération est un moyen parmi d’autres de lutter contre la délinquance. La pauvreté explique une part de la délinquance, pas toute. Chaque société crée sa propre délinquance laquelle existe parfois sans être nommée comme telle (on pouvait ainsi tuer sur la route il y a 30 ans sans risquer grand-chose).
    Enfin, on peut copier le modèle anglo-saxon mais pourquoi ? Le taux de criminalité et d’homicides est loin d’être meilleur dans ces pays. D’accord pour lutter contre les idées reçues, à condition de ne pas les remplacer par de nouvelles.

    19 juin 2013 à 17 h 24 min
    • HansImSchnoggeLoch Répondre

      Jaures nous bassine avec ses stats de l’insee et wikipédia.fr. Quand on sait combien de cas criminels sont réellement traités dans ce pays laxiste on ne peut qu’en sourire.

      20 juin 2013 à 9 h 00 min
  • ROSA EL Répondre

    L’enfer est pavé de bonnes intentions : l’oeuvre de Victor Hugo” Les Misérables” et “Journal d’un condamné” ont servi de fondement idéologique à la suppression de la peine de mort et du bagne; cette oeuvre a suggéré les causes sociologiques et économiques de la délinquance, elle en a imprégné toute la société française.
    Enfermer le criminel est certes une peine rude mais elle est salutaire: la justice a un devoir de protection envers les victimes et un devoir de châtiment envers les coupables.

    19 juin 2013 à 11 h 59 min
  • Dr H. Répondre

    Ajoutons à ce portrait peu flatteur mais bien réel des juges, une bousouflure de l’ego qui n’est d’égalée dans aucune profession…

    19 juin 2013 à 8 h 01 min

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