Le confiscatoire, on arrête quand ?

Le confiscatoire, on arrête quand ?

La relance du débat, récemment, par le Conseil d’analyse économique (CAE), service dépendant de Matignon, tendant à une remise à plat de la fiscalité du patrimoine, notamment s’agissant des droits de succession, est révélatrice de l’état de la réflexion fiscale en France dans les sommets de l’État.

Le confiscatoire n’est jamais bien loin !

Le patrimoine est une source de richesse à préserver car il est l’un des fondements d’une économie prospère.

C’est là où on en arrive aux préconisations du CAE.

Très clairement, il en ressort que les droits de succession sont appréhendés comme un instrument de redistribution.

La réorganisation envisagée de leur régime autour du renforcement de leur progressivité et, le cas échéant, de la globalisation des patrimoines, conduira nécessairement à la hausse de la contribution pour nombre de redevables.

C’est d’ailleurs probablement ce qui est recherché – ramasser plus – avec pour alibi un appui à l’égalité des chances. Le pari affiché est que, si M. Dubois, grâce à la refonte envisagée a hérité moins que ce qu’il aurait dû, symétriquement M. Dupont qui, lui, n’a pas, ou moins d’héritage, aura plus de chance de s’en sortir dans la vie. On conviendra que la corrélation n’est pas évidente … sauf, bien sûr, si l’on adhère les yeux fermés à la dogmatique bourdieusienne du déterminisme social développée au début des années 70 : si tu n’es pas un héritier, tu ne peux pas réussir !

Certes, si on peut, grâce à son héritage, financer ses études dans des établissements huppés, ce n’est pas un handicap.

Mais, le jeu, de nos jours, est plus ouvert qu’il y a 50 ans.

Des institutions d’enseignement supérieur ont été créées en nombre ; les bourses d’État sont plus nombreuses et plus élevées ; il y a aussi le système des prêts étudiants. Enfin, l’égalité des chances ne se réalise pas que par l’institutionnel, elle est également affaire de dynamisme personnel, de capacités – et de chance aussi, car c’est un aspect de la condition humaine.

La progressivité des droits de succession nous paraît, dès lors, entretenir un rapport lointain, avec ce sujet. Étant rappelé que dans les années 60, 30 % des étudiants de l’École polytechnique n’étaient pas issus des classes dites favorisées.

Pour tout dire, la perspective envisagée par le CAE n’apparaît pas s’inscrire dans la veine de la fiscalité de projet dont la France a besoin, à savoir que se mette en place une véritable fiscalité de l’investissement.

Une fiscalité de promotion du capital, car il est le carburant de l’économie.

Que le dispositif Dutreil, mais aussi l’assurance-vie, semblent poser question au sein dudit service, est révélateur du dogmatisme partageux qui perdure dans certaines sphères étatiques.

Si l’on veut conserver des entreprises familiales, il faut, à l’évidence, alléger le prélèvement au stade de leur transmission, et non pas revenir sur cet acquis, à parfaire au demeurant, cela évitera bien des délocalisations. Ne le mesure-t-on pas ?

Les droits des succession sont un impôt double peine et, pour ce motif, dans leur principe, à proscrire.

C’était déjà la même logique contre-productive avec l’ISF, resté en vigueur longtemps, et que d’aucuns voudraient rétablir !

L’économiste Jacques Marseille a, dans les années 2000, démontré par ses recherches que la France est l’un des pays parmi les plus égalitaires du monde.

Néanmoins, la règle de la progressivité demeure un credo dans les coursives de l’État profond, alors qu’à bien y réfléchir, elle n’est plus si justifiée, compte tenu du rapprochement sensible des conditions entre les Français.

Et demeure une vraie question : la France, ballottée dans la compétition internationale, surendettée, décrochant dans l’échelle du revenu par habitant, peut-elle se redresser, voire recoller au peloton des nations de tête ?

Soyons clairs : ce sera compliqué si elle n’évacue pas l’approche gabelou, qui, de longue date, égare sa réflexion en matière fiscale et que le CAE, à travers sa lecture si conformiste de l’imposition du patrimoine, tend à relégitimer.

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