Burqa : éclaircissements par un universitaire musulman (III)

Burqa : éclaircissements par un universitaire musulman (III)

Nous terminons ici notre publication de l’audition de l’universitaireAbdelwahab Meddeb, commencée
ici et poursuivie , par la commission de l’Assemblée nationale sur le port de la
burqa.

Le chercheur témoigne d’une stratégie mise en place pour attaquer notre société
ouverte :
Nous estimons aussi qu’avec la burqa, nous nous confrontons à une stratégie du grignotage. Au-delà des cas isolés et singuliers, au-delà des converties zélées, il ne
faut jamais perdre de vue que des islamistes, mais aussi de pieux salafistes, appliquent les recommandations du Conseil européen de la fetwa – dirigé par le prédicateur
al-Qardhâwî, ex-frère musulman égyptien qui agit à l’horizon du monde en parlant depuis le Qatar, précisément de la tribune que lui offre la chaîne satellitaire al-Jazira
. Dans
cette instance, dont les dernières réunions annuelles se sont tenues en Irlande, les militants sont exhortés à agir avec agilité et dans la légalité afin de gagner en Europe des parcelles
de visibilité en faveur de la loi islamique.
C’est donc le dispositif juridique séculier qui est visé par l’affaire de la burqa. C’est comme si l’instrumentation de sa
radicalité rendait plus digne, plus acceptable le hijâb. Ne tombons pas dans ce piège.
À nous de voir s’il faut répondre ponctuellement par une loi ou s’il faut mobiliser les
ressources déjà existantes du droit en lesquelles nous avons à puiser en élaborant une ligne stratégique face à ces assauts répétés – eux-mêmes s’inscrivant dans une
stratégie.

 

Il rappelle que des autorités musulmanes s’élèvent contre la burqa :
En visite d’inspection dans une institution universitaire de filles, le cheikh d’Al-Azhar a été très surpris, et même scandalisé, d’y voir un nombre impressionnant de burqas et a
immédiatement demandé qu’elles soient retirées.
Son argument a tenu en deux points : d’une part, a-t-il dit aux jeunes filles, votre exemple est très mauvais pour les
petites parce qu’il est le signe d’une pratique radicale et extrême de votre religion
 ; d’autre part, il y a un vrai danger, car qui me dit qu’un poseur de bombe ne se
déguiserait pas sous l’une de vos burqas ?

 

Il s’agit bien d’une lutte selon le chercheur, qui n’hésite pas sur son sens :
“Comment lutter contre ce fameux al-Qardhâwî, également chef du Conseil européen de la fetwa qui, deux heures par semaine sur la chaîne al-Jazira, reçoit des questions du monde
entier – la moitié provenant d’Amérique et d’Europe, dont beaucoup de France ! – et profère ses fatwas ?

J’estime que nous avons à défendre fortement l’histoire, la
particularité de ce pays, la singularité française.
L’idée canadienne des accommodements raisonnables me met en colère : le terme même ne correspond pas à l’esprit du droit
français !

Il y a deux ans, j’ai personnellement combattu, avec d’autres, comme un beau diable car ces
accommodements ont failli aboutir à l’application de la charia dans quelques villages là-bas
– comme le droit coutumier indien invoqué par les tenants de la loi islamique ! Et ce
sont des émigrés musulmans d’origine iranienne qui ont mobilisé, dans le monde entier, les musulmans libéraux notamment.


Dans cette lutte, Abdelwahab Meddeb rappelle à quel point la France
est handicapée par la nullité de ses médias :
Et regardez l’état misérable de nos médias !

[…], j’ignore ce qu’il faut faire, car
je n’arrive même pas à regarder la télévision française dont la médiocrité me terrorise ! La puissance d’al-Jazira est qu’elle pense le monde, elle maîtrise
intégralement
la sémiologie du médiatique – même France 24, créée à la
hauteur de cette chaîne, n’a pas la même rhétorique, la même puissance de frappe. Al-Jazira a réussi à faire passer son discours crypto-islamiste grâce notamment au tsunami en envoyant trente ou
quarante correspondants sur place pour recevoir les images originales les plus spectaculaires ! Voilà un exemple !

Je le répète : il est très important de penser local et mondial, singularité française et
géopolitique
.


Voilà le discours d’un homme lucide, mais ce n’est certainement pas lui que nos “grands médias” inviteront pour le 20 heures ! Le plus dramatique est sans doute justement de
voir que de telles personnes existent, qu’elles sont entendues par des commissions à l’Assemblée et que les Français continuent à être désinformés à longueur de journée par le discours
lénifiant de la presse et de la télévision.

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