Connaissez-vous Monsieur Chen ?

Connaissez-vous Monsieur Chen ?

M. Chen est un Chinois de Hong Kong où il possède un superbe et vaste appartement qui domine toute la baie. Il roule en Rolls Royce, autant qu’on puisse rouler à Hong Kong. Il dispose aussi de quelques Mercedes d’appoint et, bien sûr, d’une importante domesticité stylée et tout de blanc vêtue. C’est que M. Chen est milliardaire en dollars. Il est à la tête d’une importante société d’armement maritime et d’une non moins importante société d’import-export. Il est de plus actionnaire majoritaire de l’une des principales compagnies aériennes d’Extrême Orient

Pour M. Chen, le monde compte trois grands pays : la Chine, les États-Unis et le Japon, avec lesquels il fait la moitié de son chiffre d’affaires. Il fait également des affaires très rentables avec ce qu’il appelle « l’arc d’or » : la Corée, l’Asie du Sud-Est, Taïwan et l’Australie. Pour autant, M. Chen n’ignore pas l’Europe. Il se rend assez souvent à Londres, deuxième place financière de la planète où se trouve une représentation de ses sociétés. Il se rend également en Allemagne où il est acheteur de machines-outils et de véhicules et parfois en France où il achète du cognac.

Ce n’est pas dire que M. Chen est un bon connaisseur de notre pays. De tous les chefs d’État qui s’y sont succédé depuis 1945, il ne peut citer que le général de Gaulle. Les autres, dit-il, n’ont exercé aucune influence sur le sort du monde. Cependant, il est en mesure de citer le prénom de la « première dame de France » dont la photo « très déshabillée » achetée par un compatriote chinois 91 000 dollars à une vente récente aux enchères chez Christie’s à New York suscite un vif intérêt dans toute la Chine… Mais, comme M. Chen a le sens des convenances, il n’insiste pas.

Pour M. Chen, Paris est une belle ville. Les immeubles sont ravalés et l’on sent bien, dit-il, que Paris est la capitale de ce qui fut autrefois une grande puissance. En revanche, M. Chen est stupéfait par le stationnement anarchique des voitures qui enlaidit la capitale et contribue à asphyxier la circulation. Des avenues, des boulevards, des rues, qui ont trois voies, n’en comptent plus qu’une car deux voies sur trois sont utilisées comme garage permanent.

Les trottoirs sont souvent très sales et encombrés de mendiants, ce qui me rappelle dit M. Chen, la Chine du moyen âge. Je fais observer à M. Chen qu’en Chine au temps des Ming (1368-1644) les trottoirs étaient peut-être très sales mais on n’y roulait pas en moto à toute allure, ce qui fait l’une des originalités de l’anarchie de Paris. M. Chen trouve aussi que dans notre ville-capitale, peuplée à l’origine de Français de race blanche, on voit beaucoup de noirs.

Je fais remarquer à M. Chen que dans certains quartiers de Paris, on voit aussi beaucoup de Chinois. M. Chen se met à rire : « De quoi vous plaignez-vous ? dit-il, vous faites tout pour les attirer. Mais ne pleurez pas. Lorsque la France comptera 30 millions de mes compatriotes, elle sera alors au travail 7 jours sur 7 toute l’année, ce qui, me semble-t-il, n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui. Et c’est sans doute pourquoi, sauf le respect que je vous dois, vous êtes en faillite. »

On voit donc que M. Chen a une vue assez juste de la France. En revanche, M. Chen ne parvient pas à comprendre ce qu’est l’Union Européenne. Ce n’est pas un État unitaire, ni une fédération, ni une confédération. C’est une sorte de conglomérat qui n’a même pas de langue commune, qui en compte en réalité plus de 20, qui n’a pas d’armée commune, pas de législation commune et une fiscalité très disparate et qui, de surcroît, abrite et nourrit désormais quelque 50 millions d’immigrés africains, orientaux, musulmans et autres. Certains pays européens ne font pas partie de l’UE ; d’autres bénéficient d’un régime spécial comme la Grande-Bretagne. Qu’y a-t-il de commun, ajoute M. Chen, entre l’île de Malte et l’Estonie ? Et pour couronner le tout, la machinerie de cette Union souvent désunie – ses institutions – est d’une complexité aussi effroyable que coûteuse.

Pour M. Chen, l’UE n’a donc pas grand avenir. La France, l’Italie, l’Espagne seront à terme les premiers pays à disparaître, non pas géographiquement, mais par perte de leur identité. Pourvu, dit-il, qu’ils conservent leurs musées qui sont très riches. L’Allemagne et la Grande-Bretagne tiendront plus longtemps.
Et un jour viendra où la Russie perdra la Sibérie qui n’est pas slave. Je fais remarquer à M. Chen que les États-Unis subissent une évolution analogue. En 2050, les blancs seront minoritaires aux USA. Mais, sourit M. Chen, les Chinois, eux, ne seront pas minoritaires en Chine et ils domineront le monde.

Je me permets encore d’ajouter que le régime chinois n’est peut-être pas un modèle de démocratie. M. Chen me répond ceci : « Vous savez bien que la Chine de tout temps est menacée par des forces centrifuges. Sans pouvoir fort, on en reviendrait aux Royaumes Combattants ou aux seigneurs de la guerre. L’empereur aujourd’hui, c’est le Parti communiste. Mais il s’est produit un miracle. Le Parti s’est mis au service du grand capital, un miracle aux effets positifs fulgurants. La Chine compte désormais 415 000 millionnaires en dollars et elle s’est constitué des excédents financiers considérables. Pour autant, la civilisation chinoise, qui est la plus grande civilisation qu’ait connue l’humanité avec la civilisation chrétienne occidentale, n’a pas disparu. »

Sur ce constat rassurant, M. Chen prend congé. Il doit se rendre à Genève – la Suisse qui n’est pas dans l’Union européenne est un pays sérieux – d’où il repartira pour Hong Kong sur un vol de sa compagnie aérienne, la première du monde par la qualité de son personnel et elle n’est jamais en grève…

Christian Lambert
Ancien Ambassadeur de France

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Comments (9)

  • breton_de_brest Répondre

    Monsieur Chen ne represent il pas l’elite de la Chine et sa pensee ?
    A en croire ses paroles la Chine voudrait envahir la Sibérie qui appartient a la Russie depuis plusieurs siecles. Cette terre  est donc slave. Si  les chinois veulent envahir la  Sibérie autant qu’il delcenche la 3 eme guerre mondiale !!!

    Si les chinois deviennent la premiere puissance économique ils s’imaginent sans doute qu’ils pourront imposer leur mode de vie ? Travailleur 7j/7j.. Décidement ce type ets bien antipathique et arrogant. Je ne pense pas que les choses changeront de toute facon et si l’Europe devient un bloc puissant et fort on pourra devenir une puissance mondiale… Il faudrait que l’Europe devienne une fédération a l’allemande !

    19 juillet 2008 à 23 h 56 min
  • Antoine Répondre

    M. Chen est un Chinois de Hong Kong où il possède un superbe et vaste appartement qui domine toute la baie. Il roule en Rolls Royce,

    Il en a de la chance Mr Chen -et il est riche- car, à Hong Kong, un "appartement" de 20m2 se loue $ 600,00 par mois et les "hommes-cages" sont évidemment en deça dans le sordide : ils vivent pour $ 120 mensuels dans des cages -d´où leur nom- empilées dans des grandes pièces fétides.

    S´appuyer sur la vie de Mr Chen pour décrire la vie à Hong Kong a autant de valeur que si un journaliste chinois venait voir comment on vit en France en suivant pas à pas Nadine de Rothschild.

    En revanche, M. Chen est stupéfait par le stationnement anarchique des voitures qui enlaidit la capitale et contribue à asphyxier la circulation

    Je ne peux m´empêcher de rire : Mr Chen vit-il vraiment à Hong Kong ?

    A part ça, pour se déplacer vite à Kowloon ou Central, Mr Chen serait bien inspiré de troquer la Rolls pour le métro. Bien entendu, ce moyen de transports est peuplé du sous-prolétariat ignoré par Mr Chen…

    Mr. Chen trouve aussi que dans notre ville-capitale, peuplée à l’origine de Français de race blanche, on voit beaucoup de noirs.

    Re-LOL. Mr Chen est décidemment très observateur : à Londres (où il se rend si souvent) il aura remarqué sans nul doute la présence des ex-sujets de Sa Majesté que sont les pakistanais et autres indiens ?

    Vite : expliquez à Mr Chen que le monde se globalise et que ce phénomène n´oublie pas les populations. Que Mr Chen aille à Vancouver : il sera étonné du nombre de chinois qui y vivent et trouvera sans doute la ville changée de ce point de vue là si sa dernière visite remonte à 1970…

    En revanche, M. Chen ne parvient pas à comprendre ce qu’est l’Union Européenne.

    Et ça se prétend homme d´affaires ? Capitaliste ? L´UE est avant tout un grand marché commun : la quasi totalité de notre commerce extérieur -hors énergie- se fait dans l´espace intra-européen.

    La France, l’Italie, l’Espagne seront à terme les premiers pays à disparaître, non pas géographiquement, mais par perte de leur identité. Pourvu, dit-il, qu’ils conservent leurs musées qui sont très riches. L’Allemagne et la Grande-Bretagne tiendront plus longtemps.

    LOL Mr Chen est un grand comique. Sûr que l´identité de Hong Kong, Shanghaï est très chinoise…

     

    Quant à mettre les français au boulot 7/7, Mr Chen devrait se présenter aux élections -libres chez nous- et il verrait combien le mode de (non)vie à la chinoise attirent les foules chez nous…

     

     

     

     

     

     

    13 juillet 2008 à 20 h 58 min
  • Pierre-Yvon Lescuyer Répondre

    M. Chen est un pragmatique, il se perd pas dans les détails. Ses remarques sont justes. Hélas !

    10 juillet 2008 à 1 h 28 min
  • Kim Jong Ilien Répondre

    La Chine est misérable. La France est en avance sur la Chine dans tous les domaines.

    8 juillet 2008 à 8 h 33 min
  • ozone Répondre

    "Les capitalistes nous vendrons la corde avec laquelle on les pendra"

     

    Lenin

    5 juillet 2008 à 0 h 33 min
  • Rich Répondre

    “La France, l’Italie, l’Espagne seront à terme les premiers pays à disparaître, non pas géographiquement, mais par perte de leur identité.” Ben tiens, et moi qui croyait que la Grande Bretagne était en train de chariariser (mettre en conformité avec la loi islamique) une partie de son économie… avec la bénédiction du premier sinitre, de l’église et d’une partie de la magistrature. Quand à la richesse en dollar, quelle blague avec un dollar qui a perdu plus de la moitié de sa valeur et les banques centrales qui font tout leur possible pour le détruire afin de réduire la dette…

    4 juillet 2008 à 21 h 05 min
  • VITRUVE Répondre

    AVE
    …   disent-ils en tapant sur un clavier, relié à un ordinateur et envoyant le message par une box,  toutes choses "made in china" …
    Florin, si j’ai bien compris, il ne vous reste plus que la cigüe….
    Mais restons sérieux, en quelques années, les chinois ont remonté 4 siècles de notre histoire, ils en sont aujourd’hui aux années 50 ( reférence aux restos crasseux , aux chiottes sur le palier, et à la bassine d’eau chaude du bain hebdomadaire de nos campagnes…)gaffe à nous! dans quelques années c’est nous qui serons en retard si on ne se bouge pas le train rapidement et que nous ne cessons pas de leur exporter pour des gains immédiats des technologies qu’ils vont nous re-balancer dans quelques mois.
    Voyez la vitesse  avec laquelle ils ont commencé par copier nos voitures que nous allons nous empresser d’acheter comme nous l’avons fait pour leurs vélos et leurs scooters…entr’autres biens de consommation.
    dictature du porte-monnaie, panier de la ménagère etc chacun voit midi à sa porte…
    VALE

    3 juillet 2008 à 18 h 45 min
  • IOSA Répondre

    Comme quoi le communisme a du bon, il nous rend riche comme un capitaliste…

    Et pourtant personne ne semble comprendre que l’invasion chinoise a déjà commencé.

    C’est comme dans le feuilleton " les envahisseurs" , ils ont le même aspect que nous ( richesse), mais ont ils le petit doigt raide ?

    Pour ma part, je pense qu’ils l’ont, mais j’imagine aussi ce qu’ils comptent vraiment en faire….pour nous !

    2 juillet 2008 à 22 h 06 min
  • Florin Répondre

    Moi aussi j’aurais voulu rencontrer M. Chen.

    Pour lui dire qu’à New York, le quartier chinois brille par sa saleté répugnante, les vitrines des restos chinois sont éclaboussées de graisse jusqu’à hauteur d’homme, et l’odeur y est nauséabonde.

    Pour lui dire que, bosser 7j/7 pour 100 euros par mois, comme ses compatriotes, non merci ; plutôt prendre les armes et le descendre, lui et ses domestiques gantées de blanc.

    Pour lui dire que la Chine a déséquilibré la planète entière, y compris par la pollution démentielle qu’elle engendre.

    Pour lui dire que, avec ou sans ses millions ou milliards, je n’accepterais jamais d’habiter une ville comme Hong-Kong.

    Et que si un jour toute la Terre devrait ressembler à la Chine, j’espère crever bien avant.

    2 juillet 2008 à 16 h 07 min

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