Devoir de réserve ou devoir de parler ? – Version publique

Devoir de réserve ou devoir de parler ? – Version publique

Le Figaro publiait le 12 mai, le jour de la comparution du général Piquemal de­vant le tribunal, un article intitulé « Un autre officier de haut rang menacé de sanctions ».

Rappelant la lettre ouverte au président du 4 mars dernier dans laquelle, avec deux autres généraux en 2e section, nous étions sortis de notre devoir de réserve pour soutenir le général Piquemal, la journaliste disposant manifestement d’autres informations me concernant m’avait sollicité pour obtenir des informations complémentaires. Depuis quelques mois, certains responsables politiques, toutes tendances confondues, s’agacent de l’intervention ju­gée intempestive de généraux habituellement silencieux.

Mais, un général doit-il fermer sa gueule comme vient de le déclarer récemment d’un ton méprisant un candidat aux primaires de droite qui aspire à devenir chef des armées ?

Un général auditionné par les élus de la nation doit-il mentir pour ne froisser personne ?

Un militaire en retraite est-il tenu au silence devant le démantèlement de l’outil militaire ?

Enfin, un général en 2e section rompt-il son devoir de réserve parce qu’il dénonce la politique conduite dans la gestion de la crise migratoire ?

En quoi le fait de rappeler les conditions dans lesquelles le général Piquemal a été arrêté constituerait-il une atteinte au devoir de réserve ? C’est ce qui m’a été reproché officiellement il y a quelques semaines : je suis donc sommé, sous peine de sanctions, de me taire.

Il est vrai que nos élites politiques ne sont pas habituées à ce que des militaires, et en particulier des généraux en 2e section, considèrent, lorsque l’intérêt supérieur du pays est en cause, avoir le droit et même le devoir de s’exprimer.

Il ne s’agit cependant pas de sédition ou de conspiration de leur part. Cela révèle simplement le niveau atteint par l’incompréhension et le décalage profond qui s’est instauré entre le militaire et le politique en matière de conception de la gouvernance du pays sur le long terme qui doit viser la sécurité à l’extérieur et la concorde à l’intérieur. Le militaire voit loin et la permanence de la défense du pays et de ses intérêts, la sécurité et la protection de la nation restent un tourment constant qui dépasse le temps présent et s’inscrit dans le temps long. Le politique détient le pouvoir après avoir gagné des élections, qui consacrent généralement des ambitions personnelles, mais l’exerce le plus souvent soumis au cours des événements qu’il ne maîtrise pas et qui le maintiennent dans une vision qui ne dépasse pas le court terme.

Quant à la concorde intérieure, elle dépend essentiellement du niveau de cohérence interne de la société caractérisée par sa culture et donc son identité. Force est de constater que la société française n’est plus aujourd’hui une société apaisée et ne le sera plus avant longtemps, en raison de la mutation identitaire qui lui est imposée contre son gré.
D’ailleurs, cette question identitaire devra constituer le sujet prioritaire de la campagne présidentielle de 2017.

Alors que le président a déclaré que nous étions en guerre et que l’état d’urgence est en vigueur, ces élites ne sont préoccupées que par la prochaine élection présidentielle. Cela est d’autant plus consternant que la crise migratoire est loin d’être réglée.

C’est précisément pour témoigner de cette combinaison des périls que le général Christian Piquemal s’est déplacé à Calais pour dénoncer la passivité in­compréhensible des responsables politiques dont les conséquences seront dramatiques pour les citoyens européens et donc pour les Français. Il n’a fait que sonner le tocsin.

Pour ma part, une quarantaine d’années sous l’uniforme au service de mon pays ont forgé mes convictions. Libre jusqu’à présent de toute attache politique (probablement la conséquence de ma « culture militaire » qui m’a astreint à ne servir qu’un seul parti, la France), je reste un observateur très attentif des évolutions du monde et demeure soucieux des intérêts de la France et de son peuple.

Il ne s’agit pas de provocation, de désobéissance ou de rébellion contraires à la culture militaire, mais d’une démarche de salut public.

Un général doit c’est un devoir briser le silence lorsque tout ce pour quoi il s’est battu toute sa vie est remis en question et que la nation est en danger.

Antoine Martinez
Général (2S) de l’Armée de l’Air

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Comments (4)

  • quinctius cincinnatus Répondre

    le général Piquemal a été acquitté … il avait obtempéré aux … sommations ! … c’ était donc un panache blanc qu’ on devait suivre …à reculons !

    27 mai 2016 à 13 h 56 min
  • trapp jean-marie Répondre

    et il va rester longtemps (en attente de modération ?)
    c’est les quatre vérités moins la moitié d’une….
    enfin, je vois que vous n’êtes pas un journal d’information, mais comme tous les merdias, à censuré les infos qui ne vous plaisent pas !!!!!!!!!!!!!

    26 mai 2016 à 1 h 07 min
  • VAUCENAY Répondre

    Le Général (2S) Antoine Martinez a, selon moi, parfaitement raison. Son plaidoyer est clair et non partisan. Toute la classe politique devrait être d’accord sur les positions qu’il a prises pour que…Vive la France.

    25 mai 2016 à 10 h 22 min
  • trapp jean-marie Répondre

    Un autre général a fait beaucoup mieux, puisqu’il s’est déclaré officiellement candidat à l’élection présidentiel
    (mais apparemment, cela ne plait pas à tout le monde !!!)
    il s’agit du général TAUZIN !

    24 mai 2016 à 12 h 36 min

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