Faut-il chanter la Marseillaise ?

Faut-il chanter la Marseillaise ?

On fait un mauvais procès à Mme Tau­bira. Certes, son passé indépendantiste guyanais peut faire douter de son attachement à la France. Et chacun cherche dans le moindre indice la réponse à cette lancinante question : A-t-elle changé ? Est-elle aujourd’hui sincèrement attachée à la patrie commune ? Donnons-lui cependant acte de ses mises au point. Elle ne rejette pas la Marseil­laise, elle la respecte.

Et allons plus loin dans l’analyse : il y a plusieurs Marseillaises. L’une est notre hymne national. Elle s’entend dans les cérémonies officielles, sur le front des troupes, dans les commémorations combattantes. Cette Marseillaise-là ne se chante pas. Reproche-t-on aux soldats, aux marins, aux colonels et aux généraux de ne pas la crier à tue-tête en ces occasions ? Elle s’écoute au garde-à-vous ou au présentez-armes, immobile, sans un mot sur les rangs. Que dirait-on si le Président de la République se mettait à chanter le 8 mai ou le 11 novembre ? Ce serait incongru.

Une autre Marseillaise est un chant révolutionnaire, qui fut séditieux et qui fit le tour de l’Europe sur les barricades. Celui-là se chante à pleins poumons comme un défi aux tyrans, ne serait-ce que parce que, sur le pavé des insurrections ou face au poteau d’exécution du Mont-Valérien, il n’y a pas de fanfare pour la jouer.

Une troisième Marseillaise, variante de la précédente, est celle des congrès politiques, où l’on se bat pour une conception de la France, et celle des stades où s’affrontent des équipes na­tionales. Chant militant, chant de combat, elle témoigne de l’ardeur, de la vigueur, de la co­hésion de ceux qui l’entonnent, à proportion des décibels qu’elle produit.

Ayant moi-même une expérience d’officier, de militant et d’élu, je comprends très bien Mme Taubira. Je trouve même très pertinent son « karaoké d’estrade ». J’ai vu des tribunes chanter parfois en décalage de l’assistance ; j’ai vu des élus chanter faux et faire dérailler leurs voisins ; j’en ai vu, plus respectueux des oreilles amies, mimer des lèvres seulement. Je me suis trouvé dans des congrès où la sonorisation était tellement puissante qu’on ne s’entendait plus soi-même et où, découragé, je finissais par seulement murmurer. J’ai vu en revanche des Marseillaises jouées dans le silence, l’immobilité, le recueillement, l’émotion des autorités et du public.

La formule du karaoké d’estrade, c’est cela, Mme Taubira l’a à peu près dit : dans certaines circonstances, chanter rabaisse l’hymne au rang du chant militant. Nous n’allons tout de même pas lui reprocher de ne pas avoir versé de l’un dans l’autre !

Il est vrai toutefois que se pose un problème, dès lors que l’assistance se met à user de ses cordes vocales. Faut-il alors se singulariser, rester silencieux ? ou se joindre au chœur généralement discordant qui désacralise l’hymne et la cérémonie ? La réponse dépend de l’attitude qu’on adopte en ne chantant pas.

Si, par exemple, l’équipe de France qu’on a tant critiquée, elle aussi, pour ne pas avoir chanté, avait adopté un garde-à-vous impeccable dans un strict alignement, se concentrant avant l’épreuve pendant que la fanfare jouait sa musique martiale et que toutes les tribunes résonnaient de ses flamboyantes paroles, personne, je pense, n’aurait trouvé à y redire. Cela aurait même eu plus d’allure que de s’associer au… karaoké de stade.

À vrai dire, ce qui choque n’est généralement ni le silence ni le chant, c’est le désordre : quand les uns s’époumonent et que les autres se taisent, quand les uns sont au garde-à-vous et que les autres s’exercent au bel canto. Si le service du protocole n’a donné aucune consigne, il faut alors adopter la solution bien connue des militaires en toutes circonstances : agir « à l’imitation ». On regarde l’autorité principale, et on fait comme elle.

L’affaire de la Marseillaise de Taubira, n’est finalement qu’un manque de coordination gouvernementale de plus. Le remaniement, visiblement, n’y a pas remédié. 

Francis Choisel

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Comments (8)

  • Rouget Répondre

    No comment !
    Tout est dessus…

    5 juillet 2014 à 10 h 37 min
  • Rouget Répondre

    http://www.uneautremarseillaisepourlafrance.fr
    Tout est dessus. No comment !

    5 juillet 2014 à 10 h 34 min
  • zézé Répondre

    M. GUILLEM je vous rejoins.. Merci ! je ne suis ni militaire, ni élu mais une personne qui a dans son sang celui de ses aïeux qui sont morts au CHAMP D’HONNEUR. Et lorsque j’étais enfant j’ai appris la Marseillaise pour… le Certificat d’Etudes et on n’avait pas intérêt à la chanter n’importe comment…

    22 mai 2014 à 18 h 18 min
    • GUILLEM Répondre

      La Marseillaise est et reste l’hymne national Français au même titre que The star-Spangled Banner ou God save the queen qui eux aussi sont des hymnes de Gloire ou Guerrier, qu’importe puisque c’est pour l’honneur du pays. Il s’avère que quelques intellectuels de broussaille pour ne pas offusquer une certaine frange de la population trouve des prétextes fallacieux pour faire en sorte soit de supprimer certains couplets, voire de la supprimer purement et simplement.
      Vous a

      22 mai 2014 à 18 h 51 min
      • GUILLEM Répondre

        MAUVAISE MANIP..JE POURSUIS
        Vous avez entièrement raison en disant que nous chantions au CEP et nous en étions fiers.
        C’est ce qui me surprend dans les propos de notre ami Choisel d’autant qu’il est Officier et que l’on sait que les Soldats ont à coeur l’Hymne National. Ceci étant je trouve une incompatibilité entre un Militaire et un Politique. C’est du reste la raison pour laquelle je ne me suis pas, moi-même, engagé politiquement n’ayant pas cette “fibre”.
        J’espère de tout coeur que la Marseillaise restera dans le coeur de tous les Français; quant à ceux qui prennent la défense de Taubira cela me décontenance quelque peu.
        Les époques changent: l’honneur, la fierté d’appartenir à une Nation qui fut un extraordinaire Empire déclinent de la même manière que notre beau pays

        22 mai 2014 à 19 h 00 min
  • GUILLEM Répondre

    Je regrette cher monsieur de ne point rejoindre votre point de vue; vous faites une mauvaise comparaison entre les soldats au garde-à-vous honorant l’hymne national et ce chant représentant notre Nation (quelles que fussent les circonstances). Quant au fait que vous fussiez officier, militant, élu ne prouve pas pour autant que vous ayez raison dans vos propos; votre plaidoirie est certes digne d’un avocat mais elle s’arrête à une plaidoirie. La Marseillaise, que vous le vouliez ou pas, reste un symbole très fort de notre appartenance à cette Nation. Mes propos sont ceux d’un militaire de la Légion Etrangère, militant..mais pas Elu.

    22 mai 2014 à 11 h 07 min
    • Oeildevraicon Répondre

      GUILLEM: Je ne suis que français de “papiers” qui a fait 18 mois dans l’armée française et pourtant comme vous, je suis viscéralement attaché à ce pays et à son hymne.

      22 mai 2014 à 21 h 57 min
      • GUILLEM Répondre

        Vous avez de ce fait d’autant plus de mérite que celui qui se prétend Français de sang et qui pour paraitre “politiquement correct” et dans le vent renie l’hymne de sa Patrie. Je vous salue comme j’honore cet ” Etranger devenu fils de France non par le sang reçu mais par le sang versé.”

        22 mai 2014 à 22 h 38 min

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