La déception

La déception

« La déception est un sentiment qui ne déçoit jamais ». Cependant il est rare de brûler, dès le lendemain, ce que l’on admirait la veille.

C’est pourtant ce que nous fîmes dès la constitution du premier gouvernement de M. Sarkozy : « l’ouverture…attention aux courants d’air » (chronique du 12 mai 2007). Incrédules, étions-nous, quand, pour justifier les avances faites à M. Védrine, le nouveau président de la République proclamait « La fidélité, c’est pour les sentiments, l’efficacité, c’est pour le gouvernement ».

Prémonitoires, nous annoncions : « S’il faut des socialistes dans les allées du pouvoir, qu’à cela ne tienne, nous risquons de les voir dans les urnes ». En attendant de les élire, il fallait bien leur témoigner notre considération : « Qui veut gagner des missions ? » (9 juillet 2007), « Mais votez-donc socialiste !» (3 juillet 2007). Nous nous consolions, il le fallait bien, en estimant avec Malraux, qu’on ne fait pas de la politique avec de la morale, espérant toutefois que l’on n’en ferait pas sans.

Les erreurs s’accumulèrent, certaines imprévisibles et excusables, d’autres frappées du seul sceau de la «politique spectacle » (2 août 2007), comme la libération des infirmières bulgares, obtenue contre la fourniture d’armes et l’invitation officielle de M. Kadhafi, comme l’extravagance des dépenses liées à l’affaire BetancourtIngrid est libérée, mais l’Ingrid-gate continue », 9 juillet 2008).

L’efficacité fut-elle – au moins – au rendez-vous ?  Chacun savait la difficulté de réorganiser la France, d’accomplir la « rupture », d’effacer les erreurs passées, de proscrire le « tout impôt ». Des réformes, comme celle de l’Université, sont assurément à verser au crédit du gouvernement, mais d’autres souvent annoncées dans la précipitation (« le spectacle !  ») furent abandonnées ou amputées. Dans son rapport annuel M. Delevoye, médiateur de la république, confirmait que « de nombreuses tares de l’Etat subsistent ou même naissent ».

Mais surtout, la dépense publique ne fut jamais contrôlée, et comme s’il fallait en ajouter, M. Tapie reçut 400 millions d’euros et « l’entretien » de pays étrangers ne se tarit pas. Dès lors, les Français sombrèrent dans l’agacement et le blues (« Le bûcher de nos illusions », 11 mai 2011).

La politique étrangère, prétendue vitrine du président, des utopies telles que l’Union pour la Méditerranée (mais « Que sont nos amis devenus ? »), les discours bravaches au sujet du réchauffement climatiqueOn va à Copenhague pour gagner. C’est un tournant pour le monde. On fait de l’historique (sic). Dans un siècle, on se souviendra de ce sommet et dans les livres d’histoire, on dira que la France a joué un grand rôle »), les propos incantatoires pour célébrer – prématurément – un « printemps arabe », le mythe d’une politique étrangère européenne commune, qui s’achèvera, par entêtement, dans une crise économique majeure pour notre pays, solidaire forcément des cigales de l’Euroland.

Pendant quatre ans, aucune de la centaine de nos chroniques ne fut prise en défaut. Aucune d’entre elles aujourd’hui n’a pris une ride. Nous n’en tirons aucune vanité, car nombreuses sont les analyses semblables, qui ont été faites par des personnalités plus compétentes que nous, pour expliquer ce gâchis. Peu en revanche remettent en cause notre régime politique, celui de la monocratie, et pour être plus abrupt, celui de notre monarchie avec sa cohorte de courtisans.

Cela ne pouvait durer qu’un temps. « La main passe » ( 26 août 2010) : « Nous savons tous, à force d’avoir entendu répéter la formule de Lord Acton, que le pouvoir corrompt. Nous sommes, en revanche, moins conscients du fait qu’il engendre la sottise; du fait que le pouvoir d’ordonner provoque souvent l’incapacité de penser. […] Les systèmes sociaux peuvent survivre à une bonne dose de sottise lorsque les circonstances sont favorables, historiquement parlant, et lorsque le gâchis est amorti par des vastes ressources, ou absorbé par la pure énormité géographique, cas de l’Amérique durant la période d’expansion. Aujourd’hui qu’il n’y plus d’amortisseurs, on ne peut plus se permettre autant de sottises. » (Extrait de Barbara Tuchman : La Marche folle de l’histoire, Robert Laffont, Paris, 1985. In UPJF  du 8/10/2008).

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Comments (5)

  • dissident Répondre

    des 2007, mr Sarkozy a ete attire par la gauche de salon comme un papillon par la flamme de la lampe a petrole pour a peu pres les memes resultats…meme sort sans doute que le papillon du moins electoralemnt parlant

    4 octobre 2011 à 23 h 56 min
  • Gabriel Lévy Répondre

    Vos incertitudes, et les miennes, sur le choix futur du candidat me rappellent le dilemme de celui qui disait : "il ne faut pas prendre les femmes des autres…. Mais alors lesquelles ?"

    4 octobre 2011 à 16 h 01 min
  • HOMERE Répondre

    C’est pas très jojo de tirer en rafale,surtout lorsqu’on bouge pas son fondement.Qu’avez vous fait vous Monsieur le Professeur en déception ?

    Je sais que c’est très tendance de participer à la curée et d’assumer ses prémonitions incantatoires du désastre assuré…..bien sûr Monsieur,vous n’êtes pas corrompu d’ailleurs personne de nous ne l’est.La corruption c’est pour les autres,ceux qui nous dirigent si mal,ceux qui nous ont déçus….

    Si vous voulez être ravi et comblé des comportements et actions des dirigeants,dans un pays aussi décadent,vous m’accorderez que l’espace n’est pas gras.

    Je n’accorde aucun crédit à votre affirmation que vous auriez adorer ce que vous brûlez aujourd’hui…vous êtes un prétentieux péremptoire qui surfez sur la déferlante du moment.

    En ce sens vous aurez,ici,des partisans.

    Je vous salue bien haut !!

     

    4 octobre 2011 à 11 h 15 min
  • vozuti Répondre

    pour que sarkosy  rompe avec les pratiques passées comme il l’avait promis dans sa campagne,il aurait fallut qu’il n’ouvre son gouvernement ni aux membres du PS ni aux membres de l’UMP.                    en continuant à voter pour le meme parti de corrompus, les chances d’assister à un changement de politique étaient  minces.            la seule erreur est d’avoir voté UMP une fois de plus.

    4 octobre 2011 à 0 h 27 min
  • ozone Répondre

    Deçu ?

    Fallat étre maso,on connaissait deja Sarkozy.

    3 octobre 2011 à 17 h 50 min

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