La justice peut-elle s’en sortir ?

La justice peut-elle s’en sortir ?

De récents débats assez vifs au Parlement et d’enquêtes d’opinion, ressort un scepticisme croissant et ancré désormais chez nos compatriotes à l’égard de l’institution judiciaire.

Ce mouvement qui vient de loin met directement en cause les processus et la pertinence de l’action de l’institution, alors que, dans le pays, la situation au pénal se tend avec un ensauvagement qui ne peut plus être raisonnablement dénié.

Au civil sont reprochées à la justice ses lenteurs.

Au pénal est dénoncée sa mansuétude envers les auteurs d’infraction.

Soucieux d’éteindre l’incendie, le Garde des sceaux, patelin à souhait, assure que tout ne va pas si mal, et fait valoir qu’il a obtenu une augmentation substantielle des crédits de la justice – budget, il est vrai, longtemps, subsidiarisé.

Fort bien. Mais la justice, dans sa pratique au quotidien, n’est-elle qu’une question de moyens ? N’est-elle pas aussi une question de diligence appropriée ? De justesse d’analyse dans l’opération de qualification juridique des faits ?

Au pénal, mais pas seulement, si cette séquence est mal gérée par le magistrat instructeur, c’est-à-dire s’il se trompe dans cette conversion du fait en droit, les conséquences peuvent en être graves.

On va, par exemple, incriminer d’homicide volontaire, un policier qui, comme au Pont Neuf, en juin dernier, n’a fait que se défendre en abattant in extremis un automobiliste ayant délibérément lancé son véhicule sur lui.

Autre aspect du métier : l’intelligence du dossier.

À ce sujet, le juge d’application des peines au tribunal de Grenoble a-t-il eu une bonne idée, en 2017, d’accorder une libération anticipée à un détenu au passé peu engageant de violeur, qui, à peine remis en liberté, s’est empressé de récidiver sur une jeune fille de 17 ans ?

On voit que le métier de juge exige au premier chef une tête bien faite.

Le juge est quelqu’un qui sait allier connaissance technique, par une lecture correcte du droit, et intelligence des choses de la vie.

Juger, ce n’est pas que jongler avec des normes, c’est régler avec discernement les sujets.

Rendre une bonne justice n’est pas, comme nous l’exposons, qu’une question de moyens. C’est aussi une question de lucidité face à l’ambiant.

Or, que voyons-nous, sinon, que le conclave dénommé sous l’appellation d’États généraux de la justice qui a péroré pendant des mois, n’a débouché sur aucun infléchissement de la doxa en vigueur ?

En matière pénale, la réinsertion du condamné demeure le cap intangible à partir duquel doit s’ordonner la politique pénitentiaire.

Dans l’esprit de nos conventionnels, l’enfermement reste en quelque sorte un gros mot et doit, pour ce motif, être l’exception.

Ce positionnement s’avère clairement aux antipodes de la politique de fermeté, voire de dureté – notamment par un relèvement de la durée des peines et leur prononcé sans tergiversations –, qu’appelle la préoccupante dégradation de la sécurité dans notre pays. En particulier, le fléau de la récidive.

Dans ces conditions, la situation d’impasse actuelle, par inconsistance de la réponse pénale délivrée, ne va-t-elle pas perdurer ?

Et l’on voit que c’est du fait même de ce conformisme daté que la magistrature s’enferre dans l’impuissance.

Il est programmé par ailleurs le recrutement de 700 magistrats. Mais quel sera le profil de ces gens ? Des étudiants en mal de job ou des personnes aguerries par un vécu professionnel en amont pouvant être opérationnelles rapidement avec cet instinct du « bien juger » que seule l’expérience enseigne ?

Nous pensons, à l’instar des Anglo-Saxons, que le métier de juge est un métier de maturité.

Ce constat conduit à en faire un emploi d’avancement de préférence à un emploi de début.

L’autorité politique doit, de son côté, réinvestir la thébaïde Vendôme, de sorte que la justice soit de nouveau lisible et appropriée.

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