La Rafle : un film indispensable

La Rafle : un film indispensable

Certains films sont destinés à distraire ou à détendre ; d’autres, plus rares, peuvent prétendre au statut d’œuvre d’art et susciter la réflexion des spectateurs ; d’autres, plus rares encore, relèvent de la salubrité et sont indispensables. C’est dans cette catégorie que je placerai « La rafle », sorti en salle voici quelques jours.
On peut, comme l’ont fait certains critiques, trouver quelques défauts dans la réalisation, même si celle-ci est, dans l’ensemble, d’une haute tenue et d’une grande qualité.

L’essentiel n’est pas là : pour la première fois, d’une façon précise, méticuleuse, âpre, se trouvent montrées les responsabilités du gouvernement français de Vichy dans la grande rafle qui a abouti à la déportation de treize mille juifs, à Paris, en 1942. Les propos et comportements attribués à René Bousquet, Pierre Laval, Philippe Pétain sont fidèles à la vérité historique. Ceux attribués à Adolf Hitler et Heinrich Himmler le sont aussi.

Tout en rappelant que quelques poignées de Français se sont conduits honorablement, le film souligne l’indifférence du plus grand nombre, la banalité de la haine et du mépris, la froideur glaçante de ceux qui se contentent d’exécuter les ordres sans se poser de question et qui envoient à la mort des hommes et des femmes, des enfants et des vieillards.

Pendant des années, le discours officiel a consisté à nier autant que faire se peut. Pendant un temps assez bref, la parole s’est faite plus explicite. Aujourd’hui que les survivants vieillissent et disparaissent, certains voudraient, selon une expression que je n’apprécie pas du tout, laisser les morts enterrer les morts. Cela s’est senti assez nettement lors des dernières commémorations du souvenir de la shoah, voici quelques semaines. Cela permet aussi à une multitude de discours cyniques et plus ou moins obscènes de suggérer que l’éthique n’a rien à faire en politique.
Quant à moi, je trouve inquiétant et nauséabond tout ce qui nie, édulcore ou relativise, et je trouve scandaleux qu’on puisse oublier, ne serait-ce qu’un seul instant, ce qui s’est passé.

Il y a eu d’autres crimes contre l’humanité, hélas, mais la shoah a eu lieu au cœur de l’Europe dite civilisée : elle constitue une immense tache indélébile qu’aucun geste, aucun mot ne pourra jamais réparer, et qui devrait imposer à tous les peuples et à tous les dirigeants européens une honte éternelle, une humilité incessante, et d’infinis scrupules lorsqu’il s’agit de parler des juifs, du judaïsme et d’Israël. Je vois fort peu de marques de cette honte, de cette humilité et de ces scrupules. D’autres pays ont leur part de culpabilité, et celle de l’Allemagne est plus grande, certes, mais la France a sa part de culpabilité aussi. Il faudrait le dire plus souvent, avant de prétendre donner des leçons à qui que ce soit.

L’antisémitisme est loin d’avoir disparu de ce pays, de l’Europe et du monde, et il doit être combattu avec la force qu’on n’a pas mise à le combattre il y a sept décennies. L’« antisionisme » n’est qu’un masque d’imposture posé sur le visage de ceux qui veulent tenter de cacher des sentiments qui, sans cela, leur sembleraient inavouables : et ceux qui ne peuvent se retenir de cracher sur l’État démocratique du peuple juif, et le traitent comme on traitait les juifs en Europe en 1942, se taisent, de manière significative, sur l’indignité des tyrannies du monde musulman.
Le fiel qui se déverse contre les États-Unis lorsqu’ils sont gouvernés par des gens de droiture et d’idéal, Ronald Reagan ou George Walker Bush, mais pas lorsqu’ils sont gouvernés par un abruti dogmatique, montre, de la part de ceux qui en usent, qu’ils n’ont rien appris.

Je souhaiterais pour l’Europe des politiciens qui parlent comme Reagan ou Bush, qui discernent encore ce que signifie vraiment défense des droits de l’homme, qui savent qu’il n’y a rien à attendre des dictateurs et des totalitaires, qui discernent qu’aucun compromis n’est possible avec eux, et que, lorsque certains d’entre eux parlent comme Ahmadinejad, il faut les prendre au sérieux et les briser. Malheureusement, je n’y crois pas. Je n’ai pas encore pleinement quitté l’Europe car mes parents sont très âgés. Je n’ai pas quitté la France. Mais il m’arrive très souvent de ne plus me sentir à l’aise en ce continent et ce pays. J’aimerais tant qu’il en soit autrement…

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