L’absolutisme français reste inefficace

L’absolutisme français reste inefficace

L'absolutisme efficace : Enquête sur la présidence de Nicolas SarkozyNicolas Lecaussin a fait paraître ce printemps un livre trop peu commenté : « L’absolutisme efficace » et qui renvoie directement, par antiphrase, à « l’absolutisme inefficace » de Jean-François Revel. Le sujet est la présidence de Nicolas Sarkozy. L’analyse de Lecaussin est pertinente et acérée. On peut juste se demander si son auteur ne pêche pas par excès d’optimisme.

De page en page, on trouve, en fait, un long réquisitoire de ce qui s’est passé au cours de la première année du nouveau Président français, et rien n’y manque. « Omnipotence préservée du pouvoir exécutif français », persistance d’une nouvelle « noblesse d’ancien régime » formée à l’Ena et qui paralyse tout, « système de nominations monarchique » maintenu intact. Les « conseillers » aux pouvoirs sans limites sont eux-mêmes épinglés, dont Henri Guaino, l’auteur de tous les discours, ancien de la Cour des Comptes et du Commissariat au Plan.

Les personnalités chargées de produire des rapports sont impitoyablement mises au pilori, qu’il s’agisse de Jacques Attali, ancien conseiller en désastres économiques pour Mitterrand ou Hubert Védrine, autant préparé à traiter de façon pertinente de la mondialisation qu’une huître à courir le cent mètres.

Les projets de réforme sont passés en revue les uns après les autres avec des appréciations très rigoureuses et que je partage pleinement. L’Éducation nationale, qui produit, année après année, 15 % d’illettrés continue imperturbablement à coûter 7 % du PIB annuel.

La réforme de l’université n’en est pas une et la réforme de l’assurance-maladie est un pansement posé sur une jambe de bois. La justice n’est pas digne de ce nom et repose, cas unique dans le monde développé, sur des juges fonctionnaires sortis d’une école spécialisée. Comme si cela ne suffisait pas le Président de la république préside le Conseil supérieur de la Magistrature, reste au-dessus des lois et nomme tous les hauts responsables de l’État.

Des notations féroces mais justes accompagnent la description des syndicats français qui, dit Lecaussin, constituent une « espèce à part » sans équivalent sur le reste de la planète depuis l’effondrement de l’Union soviétique ; celle des programmes de l’École Nationale d’Administration, qui sont restés inchangés depuis soixante ans, comme si rien sur la planète n’avait bougé depuis les années 1940 ; ou celles, très directement, d’un Sarkozy fasciné par tout ce qui brille, en particulier les « people » médiatiques et désireux de s’assurer une mainmise sur la télévision.

On pourrait s’attendre à ce que, le diagnostic posé, il en soit conclu que, décidément, la mort approche. Et je pense que cette conclusion est celle de Lecaussin. Néanmoins, pour être fidèle à son titre, à moins que ce ne soit pour manier le paradoxe, Lecaussin écrit autre chose. La réforme des retraites lui semble porteuse de signes positifs « en attendant la grande réforme » qui va venir.

D’autres projets lui paraissent lacunaires, mais aller dans le bon sens. Heureusement, on trouve, dans les dernières pages, cette formule : « L’autocratie efficace risque de retomber dans l’ornière de l’absolutisme stérile ».

Le livre ayant été écrit pendant l’hiver dernier, on peut corriger la formule : « L’autocratie qui prétendait être efficace mais ne l’a pas été du tout n’a, malgré quelques apparences et velléités, jamais quitté l’ornière de l’absolutisme stérile ».

En un dernier mot, Lecaussin note « pour le moment, ça marche ». Force est de constater qu’aujourd’hui, ça ne marche plus. Le fléchissement de la cote de popularité de Nicolas Sarkozy dans les sondages montre que l’absolutisme français reste toujours aussi stérile, et que ce genre de stérilité déçoit désormais à gauche où on n’a toujours rien compris et à droite où, si on n’a guère compris davantage, on discerne au moins que le statu quo n’est pas tenable.

Si le livre est inutile pour ceux qui voudraient espérer et, sur ce plan, déjà réfuté, il est par contre très précieux pour qui désespère et offre, avec une minutie implacable, tous les motifs justifiant le désespoir.

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Comments (1)

  • Anonyme Répondre

    Curieux que ce texte ne succite aucun commentaire…  Le sujet  et les remarques de Mr Millière et le livre serait-ils hyperpertinents ?  On le dirait.

    Constat : les Français voient les choses mais font ceux qui ne voient rien.  Ils préfèrent se voiler la face et attendre "courageusement" le messie qui changera tout pour eux.  Bande de dégonflés ?   Pendant se temps là, on palabre, on débat, on discute, on tchatche, on se masturbe intellectuellement. Toujours est-il que rien n’avance et même les veilléités d’un candidat prétendant tout rénover et réformer sont tuées rapidement.  par qui et par quoi ?  Par les fonctionnaires, pardi.  Comme autrefois par la noblesse.  Mais la France ne produit pas des Louis XIV à tout bout de champ qui mettent leur "aristocratie" couchée au pied. 

    Sarko, sauf démo du contraire, a pris le moule de ces prédécesseurs dans le pays des grandes-gueules-petits-bras.  Il profite du siège, il illusionne, et voilà le tour est joué.  mais la France reste tanquée au XXème siècle.

    23 août 2008 à 14 h 25 min

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