Le chef et le sous-chef

Le chef et le sous-chef

Je ne sais pas si M. François Hollande croit ce qu’il dit ou s’il essaie seulement d’exploiter au mieux la sottise congénitale des militants socialistes, mais lorsqu’il s’indigne ostensiblement de ce que le Président Nicolas Sarkozy « s’occupe de tout, se mêle de tout et veut que tout remonte vers lui », il repousse à l’extrême les limites de la malhonnêteté intellectuelle.

On s’attend presque à ce qu’il entonne contre le nouveau Président le refrain accusateur de « pouvoir personnel » dont la gauche ne cessa d’accabler Charles de Gaulle durant ses deux mandats.
(Toutefois, la reprise de cette rengaine est devenue malaisée depuis que François Mitterrand exerça pendant les deux siens un pouvoir tout aussi « personnel », sinon plus, que celui du Général.)

Faisant flèche de tout bois, le premier secrétaire du parti socialiste – qui devra peut-être bientôt abandonner son fauteuil à son ex-concubine – s’efforce de nous faire accroire que le Premier ministre François Fillon n’est qu’une sorte de marionnette dont le locataire de l’Élysée tire les ficelles.

Ceci dans le seul but sans doute d’essayer de diviser les deux hommes et d’instrumentaliser l’amourpropre de François Fillon.

Or, nul ne peut ignorer le mode de fonctionnement structurel de la Ve République, qui n’implique en aucune façon une direction bicéphale, laquelle n’a d’ailleurs jamais pu exister nulle part, sauf à titre de compromis très éphémère aux effets chaotiques,
comme ce fut le cas durant nos « cohabitations » cauchemardesques dont personne, à droite comme à gauche, ne veut plus entendre parler.

C’est d’ailleurs expressément pour en éviter le retour que l’on a adopté le quinquennat, afin que les élections présidentielles et les législatives ne soient plus dissociées.

Une nation, quel que soit son régime politique, ne peut être gouvernée que par une seule personne, avec tous les contrepouvoirs et contrôles parlementaires que l’on peut imaginer et qu’exige la démocratie, lorsque démocratie il y a

Dans une monarchie constitutionnelle de type britannique, le souverain n’a aucun pouvoir réel et c’est le Premier ministre qui gouverne. C’était aussi le cas dans les IIIe et IVe Républiques françaises, dans lesquelles le Président de la République, élu par le Parlement, devait se contenter d’ « inaugurer les chrysanthèmes », selon la formule qui a fait florès, et où tout le pouvoir exécutif était concentré dans les mains du Premier ministre (que l’on appelait alors Président du Conseil).

La Ve République a changé cela et le Président élu au suffrage universel est désormais sans conteste le seul et unique Chef de l’État. Quant au Premier ministre, il n’est rien d’autre que son lieutenant, le premier de ses exécutants, et il n’en a jamais été autrement (sauf cohabitation calamiteuse), quel que soit le locataire de l’Élysée.

Aussi, lorsque François Hollande fait mine de se scandaliser de ce que Nicolas Sarkozy prenne lui-même à bras-le-corps tous les problèmes de la nation, il se moque de nous, car il en serait exactement de même (mais avec moins de compétence) si Ségolène Royal était Présidente, et il le sait mieux que personne. Et de fait, n’importe quel Président agirait ainsi, à proportion de sa détermination, de sa force de caractère et de sa volonté d’améliorer et de fortifier la vie du pays.

Car, élu au suffrage universel, il est comptable devant le peuple des résultats de sa politique et du respect des engagements pris. Il lui appartient de nommer le Premier ministre qui lui semblera le plus compétent pour le seconder et régler au mieux les « problèmes d’intendance ».

Sous la Ve République, et depuis bientôt un demi-siècle, le Président est l’architecte de la politique nationale. Le Premier ministre est son chef de chantier, en même temps que son conseiller, son bouclier et son « fusible ». Ce n’est pas une mince responsabilité et c’est une astreinte de tous les instants, qui exige une grande loyauté ainsi qu’un grand dévouement patriotique, car le Premier ministre reçoit la plus grande part des coups et une petite part seulement des honneurs. Mais c’est ainsi que cela doit être et M. Hollande est un farceur.

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Comments (2)

  • JD Répondre

     

    Notre Ami P.Lance a une conception très "prolétarienne" de la hiérarchie en politique…

    18 juillet 2007 à 10 h 13 min
  • Jaures Répondre

    Curieux commentaire. Comment Lance peut-il considérer que Chaban, Chirac, Barre, Bérégovoy, Rocard, sans parler des cohabitants, ne furent que des "chefs de chantier" pour leur président. C’est une plaisanterie. Le 1er ministre est un élément de l’équilibre politique, il doit conserver une capacité d’initiative. Si ce n’est pas le cas, comme actuellement, il ne peut servir de fusible. François Hollande a donc raison de stygmatiser cette anomalie. Je pense que nous verrons d’ailleurs très rapidement les effets de cette mauvaise interprètation de la 5ème République. Sans cet élément d’équilibre de la majorité (Giscard avait choisi un Gaulliste, Mauroy était plébiscité par les communistes, Rocard devait crédibiliser l’ouverture au centre, …), nous verront, dès les premiers écueils, apparaître les luttes d’influences au sein d’une majorité hétéroclite qui, semblable à la planète des Schadocks, en s’étirant dans tous les sens, finit par ne plus ressembler à grand-chose. Tout repose sur Sarkozy: une petite baisse de forme ou de confiance et tout éclate. Attendons.

    12 juillet 2007 à 17 h 59 min

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