Le match nul Juppé-Hollande et la saturation démocratique

Le match nul Juppé-Hollande et la saturation démocratique

On peut être nostalgique de notre histoire si l’on pense à saint Louis, à Jeanne d’Arc ou à Napoléon ; moins si l’on pense aux débats Marchais-Peyrefitte, ou bien aux triomphes récurrents du PS aux municipales ou à la réélection de Chirac. En voyant le débat Juppé-Hollande, j’ai pensé aux remarques de Debord sur les enjeux dérisoires de la politique et du sport qui viennent envahir le néant de nos écrans de façon obsessionnelle chaque semaine ou chaque mois. Nous sommes fatigués de tant d’habitude.

Professionnels de la tchatche techno-erratique, « logopoiountes anoètatoi » (des faiseurs de mots sans esprit), dit mon bon Démosthène, nos politiques nous annoncent toujours le même bon programme prolixe et pro (des progrès, des programmes, des projets, des professionnels) avec toujours au bout le même bilan : du chômage, de l’infrastructure, de l’immigration, de la taxation, de la règlementation, plus d’Europe pour cabris.

A ma droite, Alain Juppé, l’héritier du gaullisme, du post-gaullisme, du chiraquisme, l’entreprenant péquenot crade des Landes toujours à l’affût d’un municipe ou d’un ministère pour apaiser des appétits de grand élu oligarchique. A ma gauche, François Hollande, éternelle promesse de la France rose, qui promet de châtier les richards et de bâtir le socialisme dans un seul pays, à condition que ce soit avec l’Allemagne, l’Afrique équatoriale et ses perroquets, les marchés financiers, les écolos et le Pentagone. Et allez voter pour cela.

Des deux, Juppé a bien plus de toupet, en bon fourrier du sarkozysme : il reproche à son adversaire d’une demi-heure de fanfaronner parce qu’il va gagner les élections. Peut-on reprocher à quelqu’un d’aller gagner, et à ses partisans de le faire savoir ? Quelle culture du ressentiment peu héroïque et médiévale ! Quelle basse volonté d’intimider le futur vainqueur !

François Hollande est presque trop honnête homme, lui qui s’était défilé devant la popularité de sa femme trompée il y a cinq ans (chez les socialistes cela devient une habitude), qui tout penaud attendait patiemment son heure, et même trop patiemment. Face à l’atavique hargne de la barbouzerie gaulliste, il lui manque l’arme suprême : la haine, le mépris, la volonté de tuer, que seul eut à gauche Mitterrand, vrai homme de la droite républicaine – mais pas traditionnelle.

Le programme hollandais peut être nul, il l’est certainement, il se doit de l’être même, sinon il serait copié par l’adversaire. En Espagne, la droite a gagné sans programme, se soumet aux marchés et à l’Allemagne, qu’on n’aille donc pas faire la morale à la gauche, nous qui avons élu en 2007 un gouvernement qui fait des guerres partout, n’a pas créé un emploi et a doublé l’endettement du pays. Le bilan du Sarkostan, c’est le bilan d’Obama. L’occident devient un flou et mou Globalistan.

François Hollande a raison de laisser claironner ses partisans ; mais il doit aussi se rappeler que la gauche – et Dieu sait avec Mitterrand que la France des salariés est de gauche, avec de temps à autre un réflexe vite calmé de droite ! – a perdu sottement les présidentielles qu’elle devait gagner.

  • En 1995 le bilan de Balladur est lamentable et la droite est divisée avec des déchirements shakespeariens de cour d’école. Mais Delors a refusé de se présenter, lui qui aurait été élu dans un fauteuil de président !

  • En 2002, Jospin devait triompher aisément, mais il a été victime de Taubira et de Chevènement ; et de sa gentillesse aussi, alors qu’il avait le meilleur bilan économique et social de la Cinquième.

  • En 2007, le people décide et le PS met en lice une candidate incompétente mais chouchou des sondages à la Amélie Poulain. La fille de gendarme séduit sans inspirer confiance, un peu comme Marine Le Pen cette année. Elle est donc bien battue.

Ici, je ne vois pas ce qui empêchera Hollande de gagner, sauf accident de dernière minute dans un Sofitel ou ailleurs. La France en a marre de la droite et de la finance, des fous de Bruxelles et de Merkel, la France bascule à gauche et je dirais que même le Front national avec ses slogans et son programme populistes ont basculé à gauche en proposant de doubler le SMIC ou de construire le capitalisme dans un seul pays ; Sarkozy peut proposer toutes les taxes sur la finance qu’il veut (Tobin or not Tobin), il ne pourra rien contre le tsunami rose qui se prépare.

Hollande a toutefois un record à battre : celui de Français partis en un an. Il est de 200 000, date de 1995-1997, et son auteur est Alain Juppé. Nous voterons avec nos pieds, si n’avons plus d’autre choix.

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Comments (4)

  • quinctius cincinnatus Répondre

    @ laurenceau
    vous êtes sévère , mais lucide , avec Monsieur Juppé qui s’il est scléreux  l’est justement parce qu’il  est le produit achevé , c’est à dire arrivé au stade de la perfection , de la sélection à la française , de ce qu’on croit être , dans ce pays , l’intelligence … en réalité une nouvelle forme de scolastique …
    mon activité professionnelle m’a toujours confirmé que notre système éducatif ( et de sélection ) avait pour socle  le "psittacisme" et rarement  l’observation et  encore moins  la vérification expérimentale des faits observés  … Nous ne sommes pas plus avancés avec l’E.N.A. que ne l’étaient les "escholiers" de l’Université de Paris sous Guillaume de Saint-Amour !

    1 février 2012 à 12 h 56 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    @ laurenceau
    vous êtes sévère , mais lucide , avec Monsieur Juppé qui s’il est scléreux  l’est justement parce qu’il  est le produit achevé , c’est à dire arrivé au stade de la perfection , de la sélection à la française , de ce qu’on croit être , dans ce pays , l’intelligence … en réalité une nouvelle forme de scolastique …
    mon activité professionnelle m’a toujours confirmé que notre système éducatif ( et de sélection ) avait pour socle  le "psittacisme" et rarement  l’observation et  encore moins  la vérification expérimentale des faits observés  … Nous ne sommes pas plus avancés avec l’E.N.A. que ne l’étaient les "escholiers" de l’Université de Paris sous Guillaume de Saint-Amour !

    1 février 2012 à 10 h 01 min
  • Kara Répondre

    Heureusement, nous avons François Bayrou qui, s’il gagne, l’aura fait sans enfumage politicard et en toute clarté. Il parle bien, toujours clairement, n’a besoin de personne pour faire ses discours. La démocratie n’étant pas un mode de gouvernement mais le slogan habituel des groupuscules détenant le pouvoir, les mots “saturation démocratique” sont absolument vides de sens.

    30 janvier 2012 à 20 h 42 min
  • LAURANCEAU GEORGES Répondre

    Monsieur Juppé croit que, parce qu’il est capable d’apprendre le bottin par coeur, il est un "grand politicien".

    Cependant il a largement démontré qu’être capable de passer des concours n’était pas forcément un gage d’intelligence. Son bilan de Premier Ministre l’a amplement démontré.Il n’y a rien à esperer de coté.

    En face, nous avons l’incarnation du politicien 3° République tel qu’on peut en rêver dans les romans populaires  des années Trente. Non, Monsieur Hollande, le dernier Président de la République n’est pas Lazare-Carnot ni Emile Loubet !

    Vos idées n’ont plus d’intérèts pour la grande majorité des Français, qui vivent dans les grandes villes. Ces gens-là n’ont qu’une idée en tête :  la Sécurité de leurs Biens et de leur Personne.  Complétons ce tableau par la peur du chomâge et la la Liberté de ciculation et vous aurez le prochain Elu à la Prisidence de ce Grand Pays décidément très difficile à gouverner.

    Non ! M Juppé vous ne serez plus 1° Ministre, Non ! M Hollande vous n’irez pas au 2° tour !

     

     

    30 janvier 2012 à 17 h 24 min

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