Les nouveaux sénateurs dans la caverne d’Ali baba

Les nouveaux sénateurs dans la caverne d’Ali baba

Lu dans la presse

Pour la première fois depuis l’après-guerre, la gauche dispose de la majorité absolue au sénat. Cette nouveauté fournit à Pierre Baudouin l’occasion d’un rappel intéressant, dans le dernier numéro de Monde et Vie (n° 849, 8 octobre) :

« il est désormais clair que le sénat est à gauche. (…) Mais, déjà sous la mandature précédente, sur les sujets dits de " société ", la droite était nettement minoritaire à la Haute assemblée, les francs-maçons et autres " progressistes " de l’UMP votant souvent avec les socialo-communistes. Malgré cela, dans l’opinion publique, on gardait l’idée que le sénat était le " sénat conservateur ". Mais, si l’on se reporte quelques décennies en arrière, on peut se souvenir que, déjà, le " sénat conservateur "était franchement radical-socialiste. Il avait été conçu par les caciques de la IIIe République naissante comme conservateur de ce que l’on n’appelait pas encore les " valeurs républicaines ".»

Pierre Baudouin avance trois raisons pour expliquer cette défaite de la droite :

  • « la gauche a emporté toutes les élections locales depuis 2002 », et l’on sait que le collège électoral du sénat est constitué d’élus locaux ;

  • la droite était divisée et « les observateurs estiment que les listes dissidentes ont fait perdre entre 5 et 10 sièges à la majorité sortante » ;

  • la troisième raison « tient au contexte politique. Beaucoup d’élus locaux sont, à juste titre, inquiets de la situation économique. Et l’immense majorité du collège électoral a très mal réagi à la réforme des collectivités territoriales – dont le fond est plutôt bien accepté, mais qui a été présentée en dépit du bon sens. »

Babas comme Ali dans la caverne aux merveilles

Les élus de la nouvelle majorité de gauche ont donc découvert leur nouveau royaume : le palais du Luxembourg. Dans Le Figaro du 14 octobre, Guillaume Perrault les montre au seuil de cette caverne aux merveilles, dont ils découvrent les trésors et les mystères, babas comme Ali :

« Pendant que les ténors du PS et de ses alliés se répartissent les postes clés, les sénateurs de la gauche plurielle nouvellement élus ont d’autres soucis. Ils s’efforcent d’abord de ses repérer au sein du vaste Palais du Luxembourg et des bâtiments du Sénat dispersés à l’entour. (…) Les novices découvrent que la Haute Assemblée est une petite ville, avec ses gardes républicains, ses administrateurs chevronnés, son médecin, son bureau de poste qui a conservé un air des années 1930, ses jardiniers, ses chauffeurs, sa buvette des parlementaire (0,50 € le café), ses restaurants, son salon de coiffure (15,50 € la coupe homme)… et sa cave à vin.

Les bizuts ont un moment d’émotion en s’aventurant dans la salle des Conférences, longue de 57 mètres, à côté de l’hémicycle. " C’est splendide ! ", s’émerveille Dominique Watrin, nouveau sénateur communiste du Pas-de-Calais. Avec son plafond à 15 mètres de hauteur sous la coupole, l’endroit dégage une telle solennité que les intéressés s’en trouvent intimidés. Une débauche de dorures. Une moquette rouge d’une épaisseur digne du Vatican, et qui estompe le bruit des pas. »

Pas de quoi choquer les convictions plébéiennes d’une gauche vertueuse et prude, comme elle l’a suffisamment montré depuis le règne de François Mitterrand : « A peine arrivés, les sénateurs de gauche cuvée 2011 sont séduits par cette pompe et veulent la conserver intacte », souligne Guillaume Perrault. « Je ne réclame pas la fin des ors de laRépublique », explique Dominique Watrin, tout sénateur communiste qu’il soit. On le comprend un peu. Si la majorité sénatoriale n’est plus la même, les avantages de nos députés, de gauche ou pas, restent inchangés :

« Un sénateur " de base " sans enfant à charge perçoit des indemnités d’un montant de 7 100 € brut par mois, soit 5 400 € net. Seule une partie de ces indemnités est imposable, mais il faut en soustraire la cotisation due au groupe parlementaire, qui s’élève à 500 € par mois chez les socialistes. Une indemnité représentative de frais de mandat de 6 420 € net par mois – destinée, par exemple, à la location d’une permanence parlementaire – est aussi accordée. Une indemnité de 7 548 € brut par mois est, de surcroît, octroyée pour l’embauche de collaborateurs. Les facilités de transport et le régime de retraite proposé aux élus sont très avantageux (1). " Je ne m’attendais pas à des conditions matérielles si confortables ", affirme un nouveau sénateur socialiste qui, déjà prudent, requiert l’anonymat. »

Mélenchon veut « en profiter »

Peu de risques que cela change : les générosités dont ils profitent sont l’un des sujets sur lesquels l’unanimité politique s’obtient le plus facilement au sénat, où les élus se persuadent vite que leurs multiples privilèges sont parfaitement légitimes.

Le très gauchisant sénateur Jean-Luc Mélenchon, par exemple, qui affirmait avec force, sur RTL le 13 avril 2010 : « Avec moi, les riches paieront pour les retraites ! », ne considère pas le moins du monde que le régime très spécial dont il bénéficie fasse de lui l’un de ces riches : au cours de la même émission, à Jean-Michel Aphatie qui lui demandait si, le moment venu, il liquiderait sa « très avantageuse » retraite de sénateur, il répondit : « En effet, je vais en profiter. Je suis assez heureux d’avoir pu avoir ça mais mes pauvres parents n’ont pas eu la même chose, ni mon grand-père qui est mort à la tâche. » (Les « pauvres parents » du sénateur étaient des instituteurs, qui perçurent une retraite de fonctionnaire, certes moins intéressante que celle d’un sénateur, mais relevant toutefois d’un régime spécial plus avantageux que le régime général).

Peu importe, puisqu’en définitive, le brave pigeon de contribuable paiera, sinon sans rouscailler, du moins sans se rebeller. Il est si bonne pâte, le contribuable…

Et pas seulement avec les sénateurs : Le Figaro du 30 septembre informait ses lecteurs que les pouvoirs publics accordaient annuellement 1,3 milliard d’euros aux syndicats de fonctionnaires et que le nombre de fonctionnaires qui se consacrent au syndicalisme représente 17 000 équivalents temps-plein. A côté, que coûtent les avantages des élus eux-mêmes ? Alors, souriez et payez vos impôts.

(1) cf. à ce sujet le site de Sauvegarde-Retraites : http://www.sauvegarde-retraites.org/dossier-retraite-du-mois.php

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Comments (1)

  • Albert Répondre

    Sans compter une cagnotte de plusieurs millions d’euros (hors impôts) pour les petites sucreries de ces messieurs. Par ailleurs nous avons 348 sénateurs en France alors qu’aux USA il y en a que 100 pour une population cinq fois plus nombreuse. Et parmi ces sénateurs français il y en a qui ont plus de 80 ans ! C’est scandaleux. Une révolution s’impose en France contre ces seigneurs alors que le bon peuple crève. Ce genre d’injustice est un crime contre tous les français.

    17 octobre 2011 à 12 h 44 min

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