Le Tiers-mondisme (II)
Au cours des années 1960 et 1970, une litanie de héros hante les rêves de Saint-Germain-des-Prés. Tout à tour Tito, Hô chi Minh, Sékou Touré, Castro, Che Guevara, Mao Tsé, Kadhafi, Arafat ou Allende sont portés sur les autels. Merveilleux saints patrons : ils sont
lointains.
Frantz Fanon signe les Damnés de la terre : dix neufs traductions, édition française tirée à 160 000 exemplaires. Un bréviaire vendu jusqu’à l’orée des années
1980 : une génération a été baignée dans ses imprécations. (…)
Le volume a paru avec une préface. Elle est évidemment de Jean-Paul Sartre. Le
philosophe s’est surpassé :c’est une apologie de la violence pure, accoucheuse de l’Histoire : « Abattre un Européen, c’est faire
d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé ; restent un homme mort et un homme libre ». L’éditeur est François Maspéro. Entre 1959 et 1968, Maspéro édite cent vingt livres sur le tiers monde. Dans la collection « Cahiers libres », le Quartier
latin lit Fidel Castro et Che Guevara. En 1965, le livre de Pierre Jalée, le Pillage du tiers
monde, est salué comme une œuvre de référence : dans les lycées, les professeurs de géographie préparent leurs cours avec ce précis de la
mauvaise conscience. Citations extraites de Jean Sévilla, Le terrorisme
intellectuel.
Jacques Marseille, marxiste de formation a démontré depuis que les colonies ont
coûté plus cher à la France qu’elles ne lui ont rapporté. Mais le fonds de commerce de la mauvaise conscience est un trop bon placement. Nombreux sont encore les voltairicules à exiger des repentances et même de l’argent pour les anciennes colonies (voir l’exemple récent de Haïti) au nom de
l’exploitation coloniale. On imagine déjà leur récompense…