L’Europe : un débat sans passion

L’Europe : un débat sans passion

L’Espagne est devenu le quatrième pays européen à ratifier le référendum sur la Constitution. Mais elle est surtout le premier pays à ratifier par référendum.
Ce référendum a été marqué par une nette victoire du « oui » (76,7 % des suffrages exprimés) et une très faible participation (6 % des suffrages exprimés étaient blancs et surtout l’abstention s’élevait 57,7 %).
Ceci a fait dire aux commentateurs français, selon leur goût propre, soit que l’Espagne montrait la voie à la France, soit que l’Espagne ne se passionnait pas pour l’Europe.
La première thèse est clairement fausse. L’Espagne et la France, sur ce vote, n’ont rien de commun : aucun grand parti, aucun grand leader politique espagnol, n’appelait à voter « non ». Chacun sait que le vote français sera beaucoup plus serré.
Au demeurant, l’Espagne voit, beaucoup mieux que la France, ce que lui apporte l’Europe : depuis près de vingt ans que ce pays a rejoint l’Union européenne, elle a connu un développement, auquel les fonds européens ont apporté une aide précieuse et évidente.
En France, l’aide européenne (notamment pour la mutation agricole dans les années soixante) ne fut pas moins réelle, mais elle commence à dater et surtout elle se voit beaucoup moins. Aussi les Français sont-ils conduits à dire, comme Mme Thatcher en son temps : I want my money back !
En revanche, il est vrai que l’Espagne a voté sans passion : il n’y a pas eu de grand débat européen à l’occasion de ce référendum et la faible participation reflète bien la faible prise en compte des enjeux du scrutin.
Mais, les commentateurs français ont souvent avancé cette thèse pour déplorer ce manque de passion. On pourrait imaginer que cela signifie que l’heure des grands débats est passée et donc que l’Europe fait désormais partie du paysage.
Cependant, ce débat dépassionné n’est pas général. La réalité, c’est qu’il n’y a pas de débat européen dans les pays qui profitent visiblement des subsides de Bruxelles. Les autres sont beaucoup plus réticents devant la construction européenne.
Ceci signifie une chose : la « citoyenneté » européenne, c’est-à-dire le fait de se définir soi-même comme Européen, n’est pas acquise et n’est, pour le moment, qu’une fonction de l’intérêt que nous avons à demeurer dans l’Union européenne.
L’Europe n’est certes plus un enjeu idéologique, mais elle est loin d’être déjà un acquis culturel…

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Comments (2)

  • Jean-Claude Lahitte Répondre

    Je souscris entièrement aux propos de Jean ROUXEL comme à ceux de “LESTORET”. Petite précision: les 76,70% espagnols représentent moins de 49% du corps électoral. Mais le vrai problème, en France, c’est que l’on convie les parlementaires français à se prononcer sur la rectification de la Consitution française (comme pour mieux préparer le “lit” du projet concocté par GISCARD d’ESTAING !)sans attendre que les électeurs se soient prononcés sur l’acceptation ou le refus du projet de Constititution “européenne”. Où est la démocratie dans tout cela? De même, pour la Turquie, les dirigeants européens, CHIRAC II ën tête vont tout pour rendre impossible le refus d’intégration avant de demander (dans 15 ans, dans 20 ans ?) aux Français de se prononcer sur le sujet. Sommes-nous toujours en démocratie ? sous le règne de la Loi liberticide (“scélérate”, avait dit avant moi Jacques Toubon, mais c’était avant que “gaulliste” LELOUCH ne l’aggrave !)Fabius-Gayssot-Lelouch, je pense qu’il n’est même plus nécessaire de poser la question… Cordialement, Jean-Claude Lahitte

    28 février 2005 à 15 h 34 min
  • LESTORET Répondre

    Le vote espagnol sur le projet de Constitution Européenne ne me paraît pas très significaif pour au moins deux raisons: 1°- Compte tenu du nombre d’abstentionistes et de ceux qui ont voté blanc, on peut calculer que 36,3% du corps électoral seulement s’est exprimé et que sur ce chiffre, le OUI ne représente que 27,84 % du corps électoral. C’est bien peu pour un texte qui est censé régenter tous les rapports entre européens. 2°- Les bénéfices que l’Espagne tire de l’Europe sont actuels et importants. Ceux qui s’en sont rendu compte ont évidemment voté Oui. En France la situation est différente d’abord parce que personne n’a expliqué à ce jour aux Français le sens de ce texte avec ses avantages et ses inconvénients. Mais surtout nous avons la manie en France d’utiliser les élections de toute nature pour exprimer notre mécontentement. Actuellement les Français semblent avoir “ras le bol” de ce gouvernement et de notre Président de la République. Je crois donc que le NON l’emportera et que son score augmentera de plus en plus au fur et à mesure que le gouvernement Raffarin se délitera, jusqu’au jour du vote. Surtout lorsqu’on leur aura expliqué que voter NON ce n’est pas rejeter l’Europe.

    27 février 2005 à 17 h 44 min

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