L’interview du président du syndicat des tout-petits

L’interview du président du syndicat des tout-petits

Monsieur le président, vous êtes le président du syndicat des tout-petits.

Vous venez d’avoir 3 ans et demi.

Que pensez-vous du sort qui est fait aux tout petits de 3 ans et moins?

Pour le moment, notre sort est acceptable. Je formulerai cependant quelques réserves. On nous embrasse, on nous caresse, on nous appelle «Mon chéri». On nous dit que nous sommes très mignons. C’est gentil, on ne s’en plaint pas, mais je dois vous confier que c’est aussi un peu casse-pieds.

Ce qui est plus gênant, c’est que les grands deviennent idolâtres, comme ces hordes errantes dont l’origine est inconnue. Ces grands-là, dès qu’ils voient une feuille verte, tressautent de joie. Ils poussent des cris d’allégresse pour remercier les dieux d’avoir créé de telles merveilles. C’est ainsi que, l’autre jour, mes parents ont mis mon petit frère et moi dans une carriole en plexiglas que tiraient tout à tour papa et maman. Ils disaient: «Les enfants, regardez à gauche ce champ de poireaux : il est magnifique.» Je dois vous dire que les poireaux, nous les tout-petits, on s’en fout complètement. Les poireaux dans nos petits pots de légumes, d’accord, mais pas autrement. Pourquoi alors ne pas s’extasier aussi à la vue des pissenlits et de la luzerne aux feuilles trifoliolées qu’adorent les lapins ? Quand la promenade tractée a été terminée, mon petit frère et moi étions rudement contents.

Mes parents se sont aussi extasiés devant des sortes de moulins à vent, mats horribles et parfois brillants qui font peur au bétail et qui déparent le paysage. Il paraît que ces horreurs métalliques, appelées éoliennes, fournissent de l’énergie renouvelable. Mais nous, les tout-petits, nous fournissons aussi de l’énergie renouvelable avec nos biberons qui sont silencieux et non polluants.

C’est que les grands sont victimes aujourd’hui d’une sorte d’épidémie qu’on appelle l’écologie. Ceux qui en sont atteints, ce sont des écolos et souvent ils ne sont pas rigolos. Dogmatiques, ils nous semblent même parfois complètement idiots.

Ils sont aussi idiots souvent, lorsqu’ils font de la politique. C’est une activité curieuse qui consiste à parler, à se chamailler, mais aussi, pour certains, à recevoir de belles indemnités. En tout cas, tout ce méli-mélo finit par former les valeurs républicaines. Ainsi les citoyens ont-ils le bonheur de vivre en démocratie!

Pour le moment, nous venons dans la famille d’avoir une véritable émotion. Mon oncle ambassadeur et gloire de la famille – ambassadeur à l’île de Nauru dans le Pacifique Sud – s’est perdu. On ne le retrouvait plus. Le quai d’Orsay, la maison mère des ambassadeurs, qui prend grand soin de ses agents, s’est aussitôt mobilisé. Il a constitué une équipe d’explorateurs pour le rechercher. Finalement il a été retrouvé chef d’un village de vahinés dans un îlot de l’archipel des Nouvelles Hébrides. Ils lui ont dit: «Excellence, Son Excellence, M. le président de la république, vous a nommé ambassadeur à Nauru et non chef du village des vahinés, aussi belles soient-elles. En son nom, nous vous demandons, Monsieur l’ambassadeur, de rejoindre votre poste au plus vite. » On sait déjà que les vahinés le regrettent beaucoup.

Je complète maintenant ma réponse sur la politique.

On m’a remis à ce sujet une épaisse documentation qui m’a confirmé que, trop souvent, les grands se comportent comme des bêtes sauvages. Dans la meilleure hypothèse, ils se livrent à des combats de coqs. Mais ce sont des coqs qui ont un gros appétit : ils fabriquent des impôts sans arrêt. Mais eux, les députés, qui sont très nombreux, bénéficient, m’assure-t-on, d’un régime fiscal particulier et favorable.

J’ai communiqué cette documentation à mon petit frère qui m’a dit l’avoir étudiée. Il est moins sévère que moi. Il faut dire qu’il ne sait pas encore lire …

Mon idée, c’est que le grand problème de la France, ce n’est pas qu’elle soit dirigée par Jacques, Valéry ou Emmanuel. C’est la mentalité qui n’est pas bonne et c’est d’autant plus regrettable que la mentalité ne se change pas comme une chambre à air. Elle évolue lentement et on ne sait jamais dans quel sens. En tout cas, les résultats sont là et ils ne sont pas bons. Aussi bien le mieux serait de confier le gouvernement du pays aux tout-petits. Eux sont raisonnables. Leur arme, ce n’est pas la bombe atomique, mais le pistolet à bouchon.

Les tout-petits au pouvoir ! Ça marcherait mieux. Le problème, c’est que les tout-petits deviennent grands …

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