Nouvelles leçons du 29 mai

Nouvelles leçons du 29 mai

Les ministres, les uns après les autres, affalent ce qui leur restait de voilure : le ministre de l’Intérieur renonce au redécoupage électoral (prenant le risque d’une décision d’inconstitutionnalité frappant les résultats du scrutin de 2007…), le ministre de l’Éducation renonce à ce qui restait du plan Fillon, le ministre de l’Équipement renonce à l’éclairage obligatoire des véhicules en plein jour… En septembre, on verra ce qui reste vraiment du plan Villepin, en particulier de son “contrat nouvelle embauche”, quand les syndicats, à qui on a laissé le monopole du pouvoir de la rue, se seront mobilisés pour une rentrée exceptionnellement chaude.
Dans le système institutionnel français, modèle Constitution de 1958, modifié 1962, le premier Ministre doit disposer, pour être efficace, d’une double confiance : celle du Président de la République et celle d’une majorité parlementaire. Ce qui est apparemment le cas. Mais chacune de ces confiances doit être également légitime. Or, désormais, depuis le 29 mai, la légitimité du Président de la République est remise en cause. Celle de sa majorité parlementaire aussi. Le Premier ministre peut bien gesticuler, il n’a plus prise que sur un très petit nombre de services administratifs. Il ne dispose plus vraiment de l’ensemble des pouvoirs publics. Pour tenir et gagner du temps, il ne peut rien faire d’autre que… ne rien faire.
L’histoire est toujours faite d’un engrenage d’événements. De même que le battement des ailes d’un papillon peut provoquer une tempête universelle, de même, les conséquences de ce dernier scrutin commencent seulement à apparaître et il est à peu près certain qu’il y en aura de nombreuses autres.
Au plan européen, la Constitution est enterrée. Les procédures de ratification encore en vigueur ne constituent que d’inutiles réminiscences. Avec elle l’union politique, qui n’avait pas beaucoup avancé depuis 50 ans, est revenue à la case départ. Sans cette union, ou au moins une perspective crédible allant dans ce sens, l’euro ne peut certainement pas prospérer (notre dernier éditorial). La construction européenne change de nature. Ce qui est acquis le reste. Ce qui était en devenir est oublié. Vive donc le marché commun (Traité de Rome) et le marché unique (Maastricht). Et tant pis pour les politiques communes, y compris la Politique agricole commune qui ne pourra certainement pas demeurer longtemps la seule prise en charge à 100 % par le budget communautaire. Chirac a cru malin de faire campagne pour le oui à la Constitution européenne au nom de son anti-libéralisme. Il a eu le non et le libre-échangisme, qui est finalement le socle européen le plus solide et le moins contesté.
Au plan français, Chirac et son Premier ministre, quel qu’il soit, sont déconsidérés. Les médias, et au-delà, l’ensemble de la classe parlante, se sont ridiculisés. Ils continuent, si c’est possible, à perdre ce qu’il leur reste de crédit en interprétant, à la façon qui les arrange, ce “non” auquel ils n’ont toujours rien compris.
C’est sur un site réputé proche du MNR, car créé il y a plusieurs années à l’initiative de Jean-Yves Le Gallou – www.polemia.com – que nous avons trouvé (dès le 30 mai), la meilleure analyse de ce scrutin. L’auteur y voyait:
– le refus d’un monde sans frontière (contre les trois élargissements successifs de l’Union, au profit de l’Europe orientale, pour les pays balkaniques et surtout au bénéfice de la Turquie) ;
– le refus d’un monde de “sachants”, ce qui va très au-delà de la classe politique, pour toucher la classe économique, syndicale et surtout médiatique ;
– le refus d’un monde lointain, fonctionnant à l’inverse du principe de subsidiarité, toujours proclamé et jamais appliqué.
Ce socle de valeurs sur lequel se sont en effet retrouvés aussi bien des électeurs de gauche que de droite, me paraît comporter pourtant beaucoup plus d’éléments appartenant traditionnellement à la droite, libérale ou nationale, à savoir : la patrie, la décentralisation, l’autonomie et la responsabilité.

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Comments (1)

  • Bernard Dubois Répondre

    Je vous approuve tout à fait, monsieur Dumait. Les bonnes raisons de voter Non à cette constitution pouvaient se trouver autant chez les conservateurs/souverainistes (et libéraux-conservateurs) que chez les libéraux purs, et probablement encore plus chez les premiers. Toutes les raisons (ou presque) étaient valables. Les seuls qui pouvaient être interessés par cette constitution étaient les socialo-mondialistes et les socialo-européistes. Et encore…

    2 juillet 2005 à 0 h 12 min

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