Poutine a-t-il réellement tué le candidat Zemmour ?

Poutine a-t-il réellement tué le candidat Zemmour ?

Le 27 octobre 2021, j’écrivais un article, dans ce même journal, Les 4 Vérités, intitulé Zemmour : le candidat de la « droite caviar » qui s’encanaille ?, dans lequel je pointais du doigt des problèmes structurels qui me laissaient dire que l’entreprise zemmourienne me paraissait insurmontable. Et l’analyse post-électorale, faite par Zemmour et ses proches de l’échec du 10 avril 2022, ne laisse rien présager de bon pour Reconquête ! dans les années à venir.
Zemmour serine à l’envi que la guerre en Ukraine, débutée le 24 février 2022, a constitué un tournant dans l’élection présidentielle. Analysons de plus près le « rolling », c’est-à-dire le sondage mesurant « en temps réel les intentions de vote pour LCI, Paris Match et Sud Radio », daté du jeudi 24 février 2022 . Emmanuel Macron y était donné en tête avec 25% des voix, Éric Zemmour et Marine Le Pen obtenaient respectivement 16% des voix, Valérie Pécresse 14% et Jean-Luc Mélenchon 11% des voix. Or, au soir du 10 avril 2022, Emmanuel Macron recueillait 27,8% des suffrages exprimés, Marine Le Pen 23,1%, Jean-Luc Mélenchon 21,9%, Éric Zemmour 7% et Valérie Pécresse 4,7%.
À y regarder de près, l’on pourrait croire que les deux grands perdant de la guerre en Ukraine ont été Éric Zemmour et Valérie Pécresse. L’un perdant 9 points et la seconde presque 10 points. À rebours, les deux grands vainqueurs de cette guerre en Ukraine semblent être Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, gagnant respectivement 7 points, pour l’une, et presque 11 points, pour l’autre.
Or, les deux candidats qui étaient réputés être les plus proches de la Russie et de Vladimir Poutine, depuis plusieurs années, étaient pourtant Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, c’est-à-dire ceux qui n’ont cessé de monter dans les sondages après le début de la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Là où ces deux candidats auraient dû être éclaboussés et discrédités par leur proximité avec la Russie, ils n’ont cessé de progresser dans les sondages…
En effet, les liens entre le Rassemblement National et la Russie étaient connus de tous. En 2017, Marine Le Pen, avait été reçue officiellement au Kremlin par Vladimir Poutine. De plus, en 2022, comme en 2017, Marine Le Pen a pu financer sa campagne présidentielle par le biais d’un emprunt russe.
Pour ce qui est de Jean-Luc Mélenchon, cela fait maintenant plusieurs années que certaines personnalités de gauche lui reprochent sa « complaisance » à l’égard de la politique extérieures menées par Vladimir Poutine, comme le faisait encore Anne Hidalgo, début mars 2022 sur LCI : « Je suis scandalisée par les propos de Jean-Luc Mélenchon, parce qu’il a eu plus que de la complaisance, il a été un soutien des positions de Poutine. Les agresseurs c’étaient l’Europe, c’était l’Otan, et il continue à le dire. »
Comment expliquer alors que Zemmour, qui, depuis plusieurs années, avait certes lui aussi montré, une certaine fascination pour Poutine, ait pu être le seul à dégringoler dans les sondages ?
La thèse de la guerre Ukraine, comme raison de l’effondrement de Zemmour, ne tient pas à l’épreuve des faits ! Pourquoi Mélenchon et Le Pen n’ont pas eux aussi été victimes de la guerre en Ukraine, alors même que leurs positions sur la Russie étaient connues de tous ? Cette raison, totalement conjoncturelle, permet en réalité de masquer une réalité structurelle bien plus inquiétante pour le mouvement Reconquête !
Analysons maintenant le total du « bloc national ». En additionnant les intentions de vote du 24 février 2022 des candidats : Le Pen (16%), Zemmour (16%), Pécresse (14%), Dupont-Aignan (2%) et Lassalle (1%), le total s’élève à 49%. En additionnant les suffrages exprimés du 10 avril 2022 de ces mêmes candidats : Le Pen (23,1%), Zemmour (7%), Pécresse (4,7%), Dupont-Aignan (2%) et Lassalle (3,1%), l’on obtient un total de 39,9%.
Cela signifierait donc que le « bloc national » aurait perdu, en un peu plus d’un mois, presque 10 points. Si l’on procède au même exercice pour Emmanuel Macron, l’on s’aperçoit qu’il a gagné 2,8 points entre le « rolling » du 24 février 2022 et le jour du premier tour de l’élection présidentielle, à savoir le 10 avril 2022. Pour ce qui est du « bloc de gauche », son score est passé de 26%, le 24 février 2022, à 31,6%, le 10 avril 2022.
La vérité, c’est que les intentions de vote en faveur du « bloc national » ont très largement été surévaluées, là où pour Macron et le « bloc de gauche » elles demeurent peu ou prou dans la marge d’erreur. En effet, avec le recul, il paraît évident que les intentions de vote en faveur de Pécresse et de Zemmour étaient surévaluées. Comment ces deux candidats qui avaient le même électorat, c’est-à-dire volens nolens la bourgeoisie catholique, pouvaient-ils cumuler à eux deux 30 % de l’électorat français, le 24 février 2022 ? La vérité a été dévoilée au grand jour le 10 avril 2022, la bourgeoisie catholique ne représente en réalité que 12 % des voix en France en 2022.
Et là encore, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les voix de la bourgeoisie catholique ne se sont pas reportées sur le candidat Macron entre le « rolling » du 24 février et le 10 avril 2022. En effet, lorsque Zemmour et Pécresse ont perdu 18 points entre le 24 février et le 10 avril 2022, Macron n’a progressé que de 2,8 points. La bourgeoisie catholique n’a donc pas suivi le chef de guerre Macron… Quant à Marine Le Pen, qui aurait soi-disant bénéficié du vote utile, elle n’a gagné que 7 points entre le 24 février et le 10 avril 2022. Où sont donc passés les 8 à 9 points de décalage cumulés par le « bloc national » entre le 24 février et le 10 avril 2022 ? S’agit-il d’intentions de vote qui n’ont jamais existé ou d’un vote qui n’a été que trop bien caché le 10 avril 2022 ?
Il n’existe donc pas de liens de cause à effet entre la guerre en Ukraine et le résultat d’Éric Zemmour au premier tour de l’élection présidentielle. Il s’agit là d’un effet cigogne vieux comme le monde qui consiste à confondre corrélation et causalité. Ce n’est pas parce deux événements se produisent simultanément que l’un est la cause de l’autre ou qu’ils ont des conséquences sur l’un ou sur l’autre.

Toutefois, cette analyse du faible score d’Éric Zemmour, s’appuyant sur un motif conjoncturel (la guerre en Ukraine), permet de ne pas mettre en avant une réalité structurelle, à savoir que l’électorat de Reconquête !, cette « droite caviar qui s’encanaille », ne permet pas à Zemmour de l’emporter dans les années à venir. Cette thèse, de la guerre en Ukraine ‒ cet élément extérieur qui vient tout chambouler ‒, comme raison de la débâcle, permet aussi à l’équipe de Reconquête ! de ne pas faire l’inventaire de cette campagne électorale, d’éviter la remise en question et de demeurer dans le déni de réalité.
Alors Reconquête ! ne disparaîtra pas forcément dans les années à venir, mais l’on peut dire, avec le recul, que le refus de faire l’inventaire de la campagne présidentielle de 2012 de Nicolas Sarkozy a fini, dix ans plus tard, par tuer Les Républicains. La fameuse ligne Buisson de droitisation a-t-elle été ce qui, durant l’entre-deux-tours, avait permis au candidat Sarkozy de refaire son retard ou l’élément qui lui avait fait définitivement perdre l’élection… De la même manière, la guerre en Ukraine a-t-elle été ce qui a rendu toute victoire impossible à Éric Zemmour ou s’agit-il plus simplement de son incapacité à s’adresser à l’électorat populaire…
La vérité semble donc plus cruelle, le « bloc national » ne représente en réalité que 40% de l’électorat français. Bloc national au sein duquel existe « une fracture sociale », avec un versant populaire (23%) et un versant bourgeois (17%). L’avenir dira si ce bloc pourra être représenté un jour par un homme qui casse les lignes et les barrières sociologiques…

Thomas Siret

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Comments (3)

  • Laure Tograf Répondre

    @ l’auteur de ce brûlot anti-Zemmour. :
    “d’où parles tu camarade” ? Du “centre caviar”?. De l’en-même-temps jupitérien quand même un peu inquiet d’un “bloc national” à 40 % ? Mais, pas de stress, les “chances” se chargeront de faire remonter la cote de Z comme le beau spectacle du Stade de France vient de le démonter (une fois de plus). Surtout n’en parlons pas ; cela ferait monter le RN comme disait la Buzin lorsqu’on voulait révèler les bénéficiaires majoritaires des fraudes sociales.

    31 mai 2022 à 0 h 48 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    … et ses ” fans ” l’ont achevé !

    30 mai 2022 à 14 h 02 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    Eric Zemmour s’ est tué lui même !

    30 mai 2022 à 13 h 59 min

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