Retraites : le virus introduit en 1958 a encore frappé…

Retraites : le virus introduit en 1958 a encore frappé…

Le 1er juin 1958, quand il constitue son gouvernement, le dernier de la IVe République, le général De Gaulle embarque avec lui les caciques de la vie parlementaire de l’époque que sont MM. Guy Mollet, Pierre Pflimlin, Antoine Pinay …

Le 3 juin, une loi de réforme constitutionnelle est votée.

Puis est mis en place un Conseil Consultatif Constitutionnel, présidé par Paul Reynaud, qui présente, six semaines plus tard, des propositions de modifications sur l’avant-projet préparé par le garde des Sceaux Michel Debré. Le 4 septembre 1958, le projet définitif de Constitution est présenté aux Français par le général De Gaulle, place de la République, à Paris. Le texte est soumis au référendum le 28 septembre 1958. Et adopté par 82,60 % des suffrages exprimés. Bravo l’artiste !

Mais comment donc a-t-il fait ? Je vous explique :

– Quelques jours avant l’adoption du texte constitutionnel, Guy Mollet, alors patron incontesté de la SFIO, est allé voir le Général. Au nom de tous les autres caciques, il lui a dit (en résumé) : « Nous voterons le texte présenté, à la condition que vous renonciez, dans la prochaine loi électorale (qui n’est pas dans la Constitution) à votre projet d’introduire un scrutin uninominal à un seul tour, mais plutôt un scrutin à deux tours. »

– Le Général, qui connaissait bien son histoire politique contemporaine d’avant-guerre, pour y avoir participé, tenait beaucoup à ce scrutin à un seul tour, sur le modèle britannique. Il a donc demandé un délai de réflexion pour donner sa réponse.

– Ne pas céder, comme le lui soufflait Michel Debré, c’était risquer que se forme un cartel des non, qui réduirait le score de son référendum, déjà qualifié de plébiscite par le Parti communiste. Il céda.

C’est dans ces circonstances que le scrutin uninominal à deux tours a été introduit et pratiqué pour les élections législatives, sans interruption depuis novembre 1958 (sauf parenthèse sous François Mitterrand entre 1986 et 1988), et, pour l’élection présidentielle, depuis 1965.

Pourquoi c’est catastrophique

Le but recherché par les caciques, dignes représentants des partis, pourtant honnis par le Général, était de pouvoir procéder à des arrangements entre les deux tours : désistements, consignes de vote, campagnes médiatiques, mouvements sociaux …

Mais le plus grave est ailleurs : un élu au deuxième tour, avec des voix qui, s’étaient portées sur un de ses adversaires au premier tour, a moins de légitimité qu’un élu dès le premier tour. Or, avec un scrutin à un seul tour, celui arrivé en tête est élu, et nul ne conteste sa légitimité !

La conséquence est plus grave encore quand il s’agit de l’élection du président de la République.

C’est exactement la situation où nous sommes depuis la proclamation des résultats des élections d’avril 2022 : Emmanuel Macron a été élu avec 58,55 % des suffrages exprimés, mais une partie importante de ceux-ci provenaient d’électeurs qui étaient ses plus farouches adversaires. Bonjour la légitimité !

Au moins, en 1969, Jacques Duclos s’interdisait-il de choisir entre « la peste » (Georges Pompidou) et « le choléra » (Alain Poher).

On ne pouvait pas dire, après, que les communistes avaient fait voter pour Pompidou, alors qu’on peut soutenir aujourd’hui que les élus de la Nupes, ont voté pour Macron, avant de le combattre. La faute au mode de scrutin !

S’agissant de l’élection des députés, les conséquences sont encore pires ! Pourquoi 25 à 30 députés LR ne voulaient pas voter la réforme des retraites le jeudi 16 mars 2023 ? Non pas tant parce qu’ils y étaient hostiles, au contraire, mais parce qu’ils se sont fait élire, le 19 juin dernier, souvent, contre un candidat « Renaissance ». Les sénateurs n’ont pas les mêmes problèmes électoraux.

En outre, depuis cinquante ans, toutes les élections nationales se font sur la base de l’ostracisme à l’égard du FN/RN. On en voit les résultats.

Des élections majoritaires uninominales à un seul tour auraient aussi assaini notre vie politique, en réduisant ce phénomène de chasse au FN/RN, qui n’a abouti qu’à le mettre aujourd’hui en pole position du pouvoir.

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Comments (1)

  • quinctius cincinnatus Répondre

    Les électeurs de Gauche les plus à gauche, c. à d. les plus sincèrement convaincus de leurs différentes idéologies, se sont soit abstenus soit ont voté blanc ou nul; analysez les résultats du second tour bureaux par bureaux de vote .Ce qui n’ est pas le cas des rares électeurs ” bourgeois ” de Valérie Pécresse qui eux ont voté Emmanuel Macron de façon … assidue et j’ en connais qui … lisent ” Les 4 Vérités ” !

    25 mars 2023 à 14 h 19 min

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