Tapie, Le Pen, Zemmour et le rôle des tribuns

Tapie, Le Pen, Zemmour et le rôle des tribuns

Le décès récent de Bernard Tapie nous permet de mettre en lumière le rôle qu’il a joué et surtout la symbolique qu’il a incarnée.

Cet homme, plus habitué des tribunaux que des confessionnaux, est célébré comme un homme d’État.

Pourtant, son nom était jusque-là associé à une équation très simple : Tapie = affairisme crapuleux.

Je laisse donc au lecteur le soin de goûter en connaisseur la puissance symbolique d’un éloge par notre république décadente d’un homme qui ne fut considéré de son vivant que comme un voyou.

Le sieur Tapie ne doit véritablement son existence politique qu’à l’existence de Jean-Marie Le Pen dans l’arène politique des années 80 et 90.

À l’époque, la Socialie mitterrandienne a deux problèmes purement politiciens, d’ailleurs étroitement liés.

Le premier est d’ordre social car, au milieu des années 1980, le divorce entre le socialisme et les classes populaires est consommé.

Le militant en bleu de travail cédait sa place au jeune cadre dynamique plus motivé par mai 68 que par octobre 17.

De cette période-là, émergent des figures comme Jacques Attali, Laurent Fabius, Martine Aubry, François Hollande, etc., tous reconnus pour être, d’un côté, des têtes bien pleines mais, de l’autre, des épouvantails à électeurs.

Bref, cette génération issue de la Mitterrandie est l’exacte antithèse du tribun.

Mais c’est aussi à cette période que le deuxième problème politicien du socialisme fait son apparition en la personne de Jean-Marie Le Pen.

Quand ce dernier prend 8 à 10 % de l’électorat de droite au RPR, il est très utile. Quand il en prend 15, il inquiète.

Le président du FN correspond exactement à la définition du tribun. Il a de la voix, une stature, une expression typique, de la répartie, il est socialement issu des classes populaires.

Il a donc toutes les qualités nécessaires pour faire aboutir un mouvement populiste (on ne l’appelait pas ainsi à l’époque).

Dans ce cadre, nous pouvons même considérer le fait qu’il soit de droite comme accessoire. Benito Mussolini, issu du Parti communiste italien, avait déjà réussi une synthèse populiste.

Pour lutter contre un tribun, il faut un autre tribun pour des raisons techniques évidentes : semer la confusion chez les électeurs qui seraient plus intéressés par le charisme du chef que par son programme.

Comme, à l’ENA, il n’y a guère de séminaires de harangue populaire, François Mitterrand dut renoncer à puiser dans son vivier de ministres interchangeables pour affronter le Menhir.

Il inventa donc Bernard Tapie homme politique. L’homme était incontrôlable mais il aimait l’argent et les honneurs. Le Florentin charentais sut le manœuvrer.

Bernard Tapie avait la répartie, la gouaille, l’origine populaire, le mérite de s’être fait seul (si on ne regarde pas trop sur les méthodes).

Bernard Tapie ne craignait pas grand monde et surtout pas la vulgarité. Bref, ce fut Tapie contre Le Pen pour canaliser les ardeurs sécessionnistes des classes populaires.

Notons tout de même que Bernard Tapie n’était qu’un tribun de plateau télé. Jamais il ne fut capable d’incarner un quelconque mouvement politique.

Aujourd’hui, Jean-Marie Le Pen n’existe plus politiquement à cause de son grand âge. Sa fille héritière est un désastre, Bernard Tapie n’est plus.

La place est donc libre pour un remplaçant à droite. Évidemment, c’est Éric Zemmour dont le nom vient immédiatement à l’esprit (d’autant que Jean-Marie Le Pen l’a quasi adoubé).

Pour la gauche, Jean-Luc Mélenchon se charge du rôle assez mollement.

Le candidat Zemmour a indéniablement un style et un courage politique propres. Il n’a cependant aucune assise électorale et sa seule structure partisane est son audience médiatique.

Ce qui pose deux problèmes.

Éric Zemmour peut très bien être coupé de sa « base électorale », sur seule décision des propriétaires des grands médias.

Ensuite, il n’est pas issu des classes populaires en raison de sa culture israélite. Il a, qu’il le veuille ou non, la culture d’une minorité.

Pour être à la tête d’un mouvement populaire, éventuellement populiste, c’est antinomique. Certes, je ne doute pas qu’il maîtrise les fondamentaux culturels français.

Cependant, il ne les pratique pas.

Éric Zemmour a certes une voix unique, reconnaissable, un style, un courage, une singularité politique, mais le caractère populaire de sa personne lui fait cruellement défaut.

 

Version longue :

Le décès récent de Bernard Tapie nous permet de mettre en lumière celui qu’il fut vraiment, le rôle qu’il a joué et surtout la symbolique qu’il a incarné. En effet, nous voyons que cet homme plus habitué des tribunaux civils voire pénaux que des confessionnaux, est célébré comme un homme d’État. L’hommage est présidentiel, les funérailles quasi nationales, l’amnésie absolument totale.

Pour les plus jeunes d’entre nous qui ne connaissent le personnage que par les hagiographies modernes, il est bon de rappeler que son nom était jusque là associé à une équation très simple : Tapie = affairisme crapuleux. Je laisse donc au lecteur le soin de goûter en connaisseur la puissance symbolique d’un éloge par notre république décadente d’un homme qui ne fut considéré de son vivant que comme un voyou, au mieux un aventurier. On a les héros qu’on mérite… et en ce moment les stocks sont vides. Personne ne fait la fine bouche pour paraître un homme d’État en cette période difficile.

Aussi bizarre que cela puisse paraître en 2021, le Sieur Tapie ne doit véritablement son existence politique qu’à l’existence de Jean-Marie Le Pen dans l’arène politique des années 80 et 90. Sans cela il ne serait resté qu’un « homme d’affaires » sulfureux et aussi riche qu’endetté…

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Comments (2)

  • quinctius cincinnatus Répondre

    Bernard Tapie ce sont les scandales politico-financiers de la Troisième République … sans les suicides ( sauf à … l’ Elysée mitterrandien ) et sans les meurtres ( sauf les ” exécutions ” dans … l’ intérêt supérieur de la Nation ( sic ) par le S.A.C. ) … la France ce n’ est pas exactement un Pays … démocratique … luthérien c’ est plutôt le … Vatican héritier de la Rome Impériale !

    12 octobre 2021 à 18 h 11 min
  • HO%ERE Répondre

    On n peut pas considérer que Zemmour aurait une base populaire alors qu’il se lance dans la bagarre depuis quelques mois.Il devra l’acquerir pour être prêt en 2027…e.n fait il doit tout faire : parti,assise et ancrage dans le pays,constitution d’une base et d’un programme solide,présenter une tture..le combat sera long….pour le reste une question : qui aime et défend la France plus et mieux que lui ?

    12 octobre 2021 à 11 h 10 min

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