Villepin: Un discours de fonctionnaire

Villepin: Un discours de fonctionnaire

Le discours de politique générale que Dominique de Villepin a prononcé le 8 juin à l’Assemblée Nationale est celui qu’on pouvait attendre d’un homme qui a été fonctionnaire toute sa vie, et n’a jamais connu d’entreprise.
Convaincu que « notre nation s’est construite autour de l’État », il attend de celui-ci la solution au problème du chômage. Des « pôles de compétitivité » financés par l’État, des « grands chantiers routiers et ferroviaires », des dépenses supplémentaires (4,5 Mds en 2006) permettant à l’État d’avantager les bas salaires, des réductions d’impôts supplémentaires pour les HLM, le renforcement du rôle des sous-préfets, l’incitation donnée aux fonctionnaires d’aider les entreprises « en les conseillant », toutes ces mesures ne font confiance qu’à l’État pour résoudre le problème.
Le chômage des plus de 50 ans doit être résolu par leur embauche dans la fonction publique, de même que celui des jeunes, dont les embauches par l’État vont être multipliées par cinq. Les jeunes sans qualification et sans emploi seront embauchés par les Armées. Le chiffre cité à ce sujet par Dominique de Villepin est surprenant : « 60.000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans emploi et sans qualification ». N’a-t-il pas lu la « lettre à ceux qui aiment l’école » de son ancien collègue Luc Ferry, qui les évalue à 158.000 ?
La modeste réforme des statuts des 900 corps de la fonction publique proposée par Renaud Dutreil, comme l’ambition de Jean-Pierre Raffarin de ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, sont abandonnées. Dominique de Villepin est là pour protéger de toute évolution notre fonction publique, crispée sur ses effectifs et ses privilèges. Cet immobilisme au profit des fonctionnaires est la réalité qui se cache derrière la défense du « modèle social français ». Alors que tous nos concurrents s’adaptent, notre pays devra encore traîner l’énorme boulet de nos excessives dépenses publiques, et nos entreprises seront incapables d’exploiter les formidables opportunités qu’offre la libération des échanges, dont profite le monde entier.
Dominique de Villepin va jusqu’à louer deux fois le « dévouement sans réserve » de nos fonctionnaires et de nos enseignants, ignorant sans doute que nos profs du secondaire ont une obligation de présence hebdomadaire à l’école qui est la moitié de celle de nos voisins. Il veut maintenir tous les services publics de proximité, même dans les communes qui se dépeuplent, pendant que nos voisins évoluent, par exemple en confiant des services postaux à des commerçants.
Dominique de Villepin sait bien que, pour réduire le chômage, il ne peut pas compter sur les grandes entreprises, puisque la plupart d’entre elles, y compris les publiques, fuient à tire d’aile un pays qui préfère les fonctionnaires aux entrepreneurs. Il sait que seules les PME ou les TPE – très petites entreprises, moins de 10 salariés- peuvent, dans le secteur privé, accroître l’emploi. Aussi a-t-il prévu pour les TPE des simplifications de formalités de versement des salaires (« chèque-emploi »), quelques exonérations de charges (entre 10 et 20 salariés), et sa grande innovation, le « contrat nouvelle embauche », contrat dans lequel la période d’essai est portée à deux ans.
Mais comment a-t-il pu s’imaginer que ce contrat aurait une réelle influence sur l’embauche ?
Actuellement les TPE  utilisent un contrat à durée déterminée, suivi pour la même personne par un contrat d’intérim, puis à nouveau un CDD, puis un intérim, etc, et obtiennent ainsi, peut-être pas en toute légalité, mais par tolérance de l’inspection du travail, le même résultat qu’avec le « contrat nouvelle embauche » : pouvoir se séparer d’un collaborateur si les commandes baissent. Par rapport à cette situation, le « contrat nouvelle embauche » ne présentera pas d’avantage, et un grave inconvénient : il faudra verser au salarié licencié une indemnité de préavis, proportionnelle à la durée de travail effectuée, alors que cela n’est pas actuellement exigé. Il faut vraiment mal connaître l’économie réelle pour avoir imaginé une mesure aussi peu efficace contre le chômage.

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Comments (2)

  • Violleau Emile Répondre

    J’apprécie dans les 4 Vérités, le pluralisme d’opinions, reflet de la vie qui est tout sauf monolithique. Villepin: un discours de fonctionnaire? Normal, La V° République est la République des fonctionnaires ; quel est le pourcentage de membres du gouvernement issus de l’ENA, ou de l’Administration ? Le fondateur de ce régime était un Général, donc un fonctionnaire. Il a toujours cherché à « renforcer l’Etat » donc la Fonction Publique dans son ensemble. Pourquoi s’étonner quand Dominique de Villepin est fidèle au Général de Gaulle ? Le Général de Gaulle a-t-il dirigé une entreprise artisanale, commerciale ou industrielle ? Pas que je sache ! Si on suit la logique du fondateur de la V° République, Charles de Gaulle, il est normal que l’on aie toujours plus de fonctionnaires, d’apparatchiks, de déficits, etc … Salutations

    21 juin 2006 à 21 h 32 min
  • Lexile Répondre

    J’aurais bien d’autres choses à foutre que de m’essayer à pondre deux ou trois posts dans l’oeil des aveugles qui lisent ce “forum”, mais le fait est que les 4 vérités m’intéressent un tant soit peu (parce que je peux y lire ce que j’ai envie de lire. Le reste, je le trouve sur internet et autres médias). Ce qui me frappe cette semaine, c’est la contradiction qui s’affiche lorsque la page de la maison (en bon anglophobe que je devrais être, je me suis dit qu'”homepage” ca le faisait pas trop) est enfin rafraîchie: 1 – “Le plan Villepin va dans le bon sens” 2 – “Villepin: Un discours de fonctionnaire” Alain Dumait semble toujours se féliciter des opinions divergentes qui ont tribune dans son papier, mais mon cerveau binaire et son neurone me laissent un peu songeurs quand au bien fondé de cette “ouverture” journalistique. Pour faire court et clair: c’est de plus en plus le bordel, et à s’éparpiller dans toutes les directions, le lecteur moyen que je suis se demande quel genre de message les 4 vérités essayent de faire passer. Et si le but n’est pas de délivrer un message ou diffuser un courant de pensée particulier, j’aimerais bien qu’on m’explique à quoi bon se donner tout ce mal (i.e.: c’est rentable au moins votre affaire?). Bon courage Lexile

    19 juin 2005 à 1 h 30 min

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