Zoé et la Grosse Dame (moustachue)

Zoé et la Grosse Dame (moustachue)

Où l’on donne une suite aux aventure de la petite Zoé, éduquée à la lutte anticapitaliste par le CCFD.

Zoé prie très fort pour qu’un miracle lui permette de mettre fin aux injustices du commerce international. Et c’est alors qu’une grosse fée moustachue lui apparaît.

  • Bonjour petite fille, formule trois vœux, c’est la tradition bourgeoise des contes de fée auxquels tu crois encore, lui dit la grosse fée en se grattant les couilles d’une main ensanglantée.

  • Oh une fée poilue ! s’écrit Zoé, elle est pas très belle, comment elle s’appelle ?

  • Je suis la fée Stalinette, malpolie, la fée des petites filles progressistes comme toi, tu t’attendais à Barbie ? – grogne la fée Stalinette en rotant une haleine de vodka.

  • Oh non, monsieur la fée, Barbie elle est fabriquée par des enfants qui jouent pas avec ! Alors moi je veux aider les pauvres dans le tiers monde.

  • Tu veux leur faire faire un grand bond en avant, petite morveuse ?

  • Ben, je veux qu’il n’y ait plus de pauvres ?

  • Bon, alors là, tu vois, faut que tu précises, y en a plein des façons de faire ça. Si je fais disparaître tous les riches, y aura plus de pauvres.

  • Ah, et les pauvres alors ils seront plus riches ?

  • Ils seront pas plus riches qu’avant, mais sans riches, il y a plus de pauvres, on est riche ou pauvre par comparaison, c’est relatif quoi.

Zoé regarde la grosse fée poilue en cherchant à comprendre.

  • Mais moi, c’est simple ce que je veux : c’est que les pauvres deviennent comme nous.

La fée Staline la fixe longuement et esquisse un énigmatique sourire sous ses grosses moustaches.

  • Hummm, tu veux que des pauvres deviennent riches, c’est ça ?

  • Ben ça serait bien, ouais.

  • Y a pas marqué fée capitaliste, là, réponds la fée Staline en indiquant son front d’un gros doigt poilu et gourd. Moi je suis la fée communiste, alors je peux juste rendre les gens égaux.

  • C’est ça que je veux, comment tu fais ?

  • C’est à toi de me dire, tu veux que je fasse quoi précisément ?

  • Je viens de te le dire, souffle la gamine exaspérée.

  • Détaille ton vœu, je peux pas effacer la pauvreté en un vœu, alors tu détailles ; toi comprendre, petite Barbie bourgeoise ?

Elle la regarde d’un air mauvais.

  • T’es une fée au rabais, toi.

  • Oui, je suis fée estampillée commerce équitable, bon y a le feu au goulag, premier vœu !

  • Voilà, ça me fait trop mal au cœur que l’on fasse travailler des pauvres en Afrique pour acheter des tee-shirts, alors je veux plus qu’on fabrique des tee-shirts là-bas. Et puis, et puis, attends, je veux pas que des enfants de 15 ans fabriquent des consoles en Chine ou ailleurs chez les pauvres, d’ailleurs je veux plus que l’on fasse travailler des gens pour nous dans les pays pauvres. Zoé croise les bras d’un air décidé et négocie, et ça c’est rien que mon premier vœu, hein !

  • Accordé.

D’un coup de baguette magique, la plus grande partie de la population des pays pauvres retourne travailler dans les champs. Les usines, les ateliers disparaissent, la surpopulation rurale ne permet plus de vivre de son travail agricole, ceux qui le peuvent tenter d’émigrer en masse dans les pays riches, prêts à travailler dans des usines 12 heures par jour s’il le faut, et même à s’entasser dans des ateliers clandestins. Ils ne se rappellent pas avoir été exploités par des occidentaux dans des usines en Chine, un tel songe aurait davantage tenu du rêve que du cauchemar. Quant à la riche Corée du Sud, les Philippines ou Singapour, ils figurent désormais au rang des pays les plus pauvres.

  • Coooooooooool ! Bon, maintenant, je veux plus que l’on exploite les ressources des pays pauvres, voila mon deuxième vœu.

  • C’est fait.

D’un coup, d’un seul, le pétrole n’est plus une richesse mais un déchet, le niveau de productivité de l’agriculture devenue complètement vivrière tombe si bas que ce sont les pays pauvres qui doivent obtenir des matières premières des pays riches. 90 % de la population mondiale souffre de famine endémique, chaque accident climatique déclenche des millions de morts.

  • Je veux aussi que ceux qui inventent des trucs puissent pas gagner des milliers de fois ce que fabriquent leurs ouvriers.

  • T’as raison, c’est pas bien, hop ! Vœu exaucé.

Kazam ! La télévision de Zoé disparaît, les ordinateurs aussi, le sol devient de la terre battue. Zoé se met à sautiller dans tous les sens : oh ! C’est super, on se croirait à la campagne ! Le monde entier se retrouve plongé dans une ère préindustrielle, les inventions ont disparu et l’idée de même de nouveauté fait peur aux gens, on brûle les sorcières.

  • Voila t’es contente, tu as eu tes trois vœux, se bidonne la fée Staline. On m’a rarement demandé des vœux aussi décisifs, allez un quatrième pour la route !

  • Oh oui, je veux qu’il y ait un système de santé pour tout le monde et des médicaments.

  • Ah merde, ça fallait demander avant ! Bon, hop, des léproseries, ça ira bien.

  • Bon, alors père noël, c’est mieux maintenant ; dis moi comment c’était avant le monde que je voulais changer.

  • Je suis pas le père noël, morveuse et je fais pas le service après vente.

  • C’est quoi, le service après vente, fée ?

  • Un truc qu’aiment bien les consommateurs occidentaux pourris.

  • J’en veux pas alors, dit Zoé en s’asseyant sur une motte de terre, les jambes tordues par une poliomyélite qu’elle tarde à remarquer.

  • Mais bon, je suis content de mon boulot, alors écoute, je fais une exception pour toi parce que tu as changé le monde.

  • Oh oui, c’est un autre monde, comment il est ?

  • Avant, la moitié des gens sur la planète avaient moins de 25 ans.

  • Et maintenant ?

  • Maintenant c’est pareil.

  • Ah, c’est pas bien alors ?

  • Attends, avant le quart de la population possédait les trois quart des richesses, et maintenant tout le monde est à peu près égal.

  • Oh ! chic, chic, trépigne Zoé.

  • Avant, presque la moitié des gens n’avaient pas d’eau potable et était analphabète, la moitié n’avaient pas accès au soin.

  • Oh c’est terrible, et …

  • Maintenant, tu ne sais plus lire ni écrire non plus, tu bois de l’eau pas propre et tu es toujours malade alors on te fait des saignées et regarde ta dégaine.

  • Mais je suis pauvre, alors !

  • Mais non, tu n’es pas plus riche que les autres, c’est tout.

  • Et les autres, c’est qui ?

  • C’est 600 millions d’individus qui vivent comme toi dans le monde entier, mais tu les verras jamais parce qu’il n’y a pas d’avion, ni de voiture.

  • On était dix fois plus, avant, non ?

  • Oui, mais les autres sont morts termine la fée Stalinette dans un grand éclat de rire.

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Comments (1)

  • IOSA Répondre

    Les hommes n’aiment pas les femmes moustachues….par contre, les femmes aiment bien les hommes moustachus.

    Voilà ma B.A est faite !

    IOSA

    6 juin 2010 à 18 h 27 min

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