La France, paradis mondial de la gastronomie?

La France, paradis mondial de la gastronomie?

C’est ce que racontent les journaux et nos dirigeants s’en gargarisent, un phénomène à inscrire au patrimoine de l’humanité. Malheureusement, ce n’est pas vrai. Seule une petite minorité peut fréquenter les bons restaurants présentant des garanties parce qu’ils sont rares et surtout parce qu’ils sont chers.

Et pourtant, il y en a des restaurants, à Paris – parfois tous les cent mètres. Leur carte est très attrayante, illuminée le soir; elle affiche la diversité et vous met en appétit. On y va, on entre, une serveuse venue généralement des tropiques vous accueillent avec un sourire découvrant toutes ses dents. Vous prenez votre place, vous lisez, vous étudiez, vous commandez. Arrive enfin le plat désiré. Vous goûtez et vous déchantez. Trop tard. Il vous faudra subir, avaler le tout ou vous sauver sans manger et sans payer.

Autrefois, ce risque n’existait pas. Le restaurant veillait avec soin à ce que son client soit content. C’est fini aujourd’hui. Comment alors a-t-on pu en arriver là? Eh bien, je vais vous le dire.

La cuisine est une science et un art. Pour être un bon cuisinier, il faut avoir du métier et du talent et cela se paie. Or, beaucoup de restaurants n’ont pas les moyens d’entretenir un vrai et bon cuisinier. Alors ils se rabattent sur deux solutions. Ils deviennent clients d’une vaste entreprise de cuisine collective où, dans des locaux de banlieue, des immigrés (le plus souvent) fabriquent les plats qui sont livrés le matin au restaurant. À l’heure du repas, les plats sont réchauffés dans une multitude de fours à micro-ondes. La deuxième solution, c’est le recrutement d’un cuisinier d’occasion, dont le salaire est bien inférieur à celui exigé par un vrai cuisinier. C’est souvent un marmiton sri-lankais formé sur le tas. «Patron, moi, je connais …» Je passe tous les jours devant un restaurant italien, dont tout le personnel est pakistanais.

Le résultat de tous ces arrangements est, logiquement, le plus souvent très mauvais.

Si vous voulez éviter déception et désagrément, rendez vous dans un restaurant étoilé. La sélection Michelin est sérieuse. Mais il vous faudra payer. Je suis précis. Dans un quotidien du 7 juillet, je lis : «Menu du soir: 350 euros hors boisson. » Arrêtons-nous au chiffre de 400 euros avec boisson. À supposer que vous vous limitiez à un seul repas par jour pour garder la ligne, cela fera quand même 12000 euros de déjeuner par mois. Vous connaissez, vous, beaucoup de Français qui peuvent s’offrir chaque mois 12 000 euros de déjeuner payés de leur poche?

Mais on voit mieux encore. 500euros le menu pour 11 plats. Ce n’est pas rare. Et comme dans ce genre de restaurant attrape-riches, on se rend généralement à deux, ça peut vous faire sur un mois, 30 000 euros de déjeuner, indigestion comprise. Soyons sérieux. Ces prix sont tout simplement indécents. Encore faut-il s’assurer que le grand chef n’est pas plus souvent devant les caméras de télévision que devant ses fourneaux.

Et pourtant, de bons petits restaurants honnêtes et pas chers, ça existe encore. Mais il faut les trouver. On les trouve surtout en province, souvent loin de Paris. Ce sont des restaurants tenus par le patron ou la patronne, des gens qui savent faire la cuisine de tradition, le grand-père était cuisinier et faisait à merveille des plats canailles comme disait Pompidou, puis le père, le fils, et les femmes aussi. Les mères «Bonne bouffe», il y en a encore, en Bourgogne par exemple, ou à Lyon. Mais, de Paris, aller dîner à Lyon, ça fait un peu loin. À plus forte raison, si le bon petit restaurant est dans l’Ardèche.

À cela, certains diront: vous n’êtes pas obligé de manger des ortolans après une entrée de caviar. Allez donc au fast-food. C’est peu cher et vous serez rassasié. J’ai vu une fois de quoi il s’agissait : un sandwich de pain de mie où gisaient, entre les tranches fort épaisses, toutes sortes de produits du genre jambon et tomates. Ça nourrit, c’est vrai, mais mal. C’est un peu à l’homme ce que le mauvais foin est au cheval.

Le fromage de chèvre par exemple, c’est bien meilleur. Mais le vrai fromage de chèvre est devenu une rareté. On colle une étiquette «fromage de chèvre» sur une pâte indéfinissable d’origine inconnue. Il en est ainsi de bien des fromages autrefois goûteux, chacun recelant un secret gastronomique. Mais la démocratie est passée par là et bien des fromages sont désormais sans goût. À ce propos, je me permettrai une parenthèse. On a aussi pas mal de fromages démocratiques, qui ne se mangent pas, mais qui peuvent rendre la vie confortable, du moins pour certains, n’insistons pas …

Et la cuisine chinoise? Elle peut être délicieuse, surtout celle du Seutchuan, variée et épicée. La cuisine de Pékin, de Shanghai, et de canton, la plus souvent consommée par les Occidentaux, n’est pas mauvaise non plus. Mais la cuisine chinoise n’a rien à voir avec la gastronomie française ; c’est son antithèse. Inversement, à Pékin, il ne m’est jamais venu à l’idée de commander du coq au vin et du reblochon.

La vérité, c’est qu’aujourd’hui en France, la gastronomie disparaît. Il faut nourrir les foules. La quantité remplace la qualité. Ces dames n’aiment plus faire la cuisine, ni débarrasser la table. Bien manger et apprécier les arts de la table devient un privilège.

À un dîner officiel en Afrique noire, auquel mon métier me contraignait, les convives mangeaient avec leurs doigts, qu’ils essuyaient dans la nappe. Devinant ma désapprobation pourtant discrète, un éminent collègue me glissa à l’oreille: «Vous savez, Louis XIV aussi …» Je lui ai répliqué que Louis XIV mangeait avec un couteau, les fourchettes n’ayant pas encore été inventées. J’ai ajouté que, pour ma part, si on me servait un lièvre à la royale ou un cuissot de sanglier, sans couteau ni fourchette, j’utiliserais mes doigts sans honte avec, bien sûr, pour accompagner le tout, une bonne bouteille de Gevrey Chambertin – les grands vins français restant, eux, les meilleurs du monde !

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Comments (6)

  • KAVULOMKAVULOS Répondre

    Je préfère manger à la cantine, avec les copains et les copines…….. (refrain connu) . Ca c’est pour le populo. Pour nos représentants c’est une autre histoire, même si certains journaleux lèche-bottes prétendent qu’invités à la cantine de l’Assemblée, ils n’ont pas été enchantés par la bouffe. Que ne se rabattent ils pas sur les kebabs vantés par la porte-parole clownesque qui s’exhibe en tenue ridicule aux cotés de Macron lors du 14 juillet. Mais il faut être compréhensif : la dame après avoir trainé ses guêtres dans tous les circuits du PS, y compris l’UNEF a un peu de mal à digérer sa récente bi-nationalité française et ce qu’implique un poste tel que le sien dans nos traditions. Ce n’est pas qu’une question d’origine mais de mentalité personnelle : prenez Rachida Dati par exemple, c’est une autre classe, même si l’on veut bien comprendre que les fringues de luxes lui sont “prètés”. Au moins, elle, ne nous fait pas honte et ne nous fait pas chier en mettant en avant sa “couleur” , laquelle est d’ailleurs aussi claire que la mienne.

    23 juillet 2019 à 0 h 46 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    lisez de

    Barbara Lefebvre :

    ” c’ est ça la France ”

    chez Albin Michel

    à la fois une bonne action pour un(e) auteur(e) qu’ on méprise en haut(s) lieu(x) ( politiques, essayistes bien-pensants, Media etc … ) et un véritable enrichissement intellectuel en politique ; en quelque sorte une reconquête idéologique ce qui manque tant à la France de droite ou de la gauche ” patriotique ” ( ” nationale ” )

    20 juillet 2019 à 20 h 55 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    le problème du Mac Do ce n’ est pas tant les ” mauvais lipides ” que le trop de … sucre

    19 juillet 2019 à 13 h 26 min
  • HOMERE Répondre

    C’est vrai qu’à la Banque Alimentaire c’est moins cher….c’est steack haché pourri et farine d’haricots moisie….de quoi De Rugir de honte… zéro étoile au Michepain….combien ont ils les moyens de se payer un tel repas de chien…?

    19 juillet 2019 à 11 h 44 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    petite histoire de la fourchette :

    – connue à Constantinople dès 350 a. p. J. -C.

    – dans la dote d’ une princesse byzantine à Venise dès le XI ième siècle

    – ” importée ” à la Cour de France par Catherine de Médicis en 1533

    18 juillet 2019 à 19 h 08 min
  • OMER DOUILLE Répondre

    Oui et bien parlons en de la bonne bouffe en Bourgogne. Cette région qui était jusqu’il y a encore 20 à 30 ans ce qui se faisait de mieux en matière de cuisine et à prix abordables, qu’il s’agisse d’un simple steak frittes ou d’un met plus recherché est devenu maintenant aussi minable que le reste. Sauf à payer des additions à trois chiffres, sans les boissons. Tournus ou Macon, par exemple, ça ne vaut plus rien et l’on vous sert généralement les mêmes plats industriels bas de gamme qu’ailleurs. Mais, peut être que les “grands commis de l’Etat, eux, ont accès pour pas cher ou même gratuitement à ce qui se fait de mieux en France, genre de Rugy et ses homards arrosés au Mouton ou au Cheval blanc à 500 ou 600 euros la bouteille. Pour le reste c’est du niveau de la gargotte et il est heureux que, pour les jeunes, existent les MacDo dans lesquels ils ne risquent pas de s’empoisonner à défaut de chopper le cholestérol.
    Navré de casser la nostalgie mais il vaut mieux ne pas de voiler la face. Maintenant, je suis preneur de bonnes adresses correctes de “vraie cuisine” à Paris, sans me faire assommer avec une addition délirante.

    18 juillet 2019 à 1 h 04 min

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