La laideur infligée à la France

La laideur infligée à la France

Voyageant beaucoup, je ne puis m’empêcher d’être frappé, à chaque fois que je reviens en France, par la laideur proliférante qui, désormais, frappe ce pauvre pays.

Cela commence dès les aéroports. Les décorations intérieures montrent l’absence d’un sens minimal de l’esthétique et des traces d’usure dénotant un mauvais entretien.

Cela se continue lorsqu’on sort de l’aéroport et qu’on se trouve confronté à ces blocs de béton et à ces grillages destinés à empêcher quiconque de venir déposer ou chercher des passagers en voiture, de façon à ce qu’il y ait deux couches sociales bien distinctes : celle constituée par ceux qui ont les moyens de payer un taxi, et celle constituée par ceux qui, faute de moyens, devront se contenter d’un entassement dans les transports en commun.

Cela se poursuit dans les villes où on retrouve les blocs de béton, les grillages, ou des forêts entières de poteaux métalliques, des parpaings parfois. Il semblerait que, dès qu’un espace semble ouvert, dès qu’une liberté de choix possible se dessine, des urbanistes décident d’obstruer, de strier, de raturer, d’asphyxier.

Cela se poursuit aussi dans les centres commerciaux, qui semblent souvent construits par des architectes dont on n’aurait pas voulu, au temps de Brejnev, en Union soviétique, ou dans les zones de HLM, aussi lugubres que leurs équivalents construits en Roumanie, sous Ceaucescu.

Cette laideur proliférante est d’autant plus révoltante que la France a eu de la beauté et garde des paysages harmonieux, des monuments superbes, et qu’il y a là ce qui pourrait ressembler à une vaste entreprise de destruction et de défiguration.

Dans un pays qui compte sur le tourisme pour vivre – car la France est un pays où le secteur touristique est important –, ce qui est révoltant peut devenir coûteux. Il semble que des étrangers traversent la France, mais aient de moins en moins propension à y rester, ce qui me semble, hélas, logique.

Cette laideur proliférante a aussi d’autres conséquences : avoir sous les yeux de la laideur n’est pas bon du tout pour le moral. Et, sans que ce soit, en quoi que ce soit, la cause principale, je ne peux m’empêcher de voir là l’une des causes de la dépression nerveuse collective qui frappe le pays.

Avoir des difficultés financières, craindre de perdre son emploi, discerner un déclin généralisé n’est déjà pas de nature à met­tre en joie, mais avoir à regarder ce qu’on voit autour de soi n’arrange rien.

Cette laideur, je le crains, signifie aussi quelque chose et traduit un état d’esprit, un manque d’imagination, une absence d’incitation au dépassement, une volonté de dissuader quiconque d’ouvrir les bras, de lever la tête, de respirer à pleins poumons, d’aller vers le dynamisme et l’élan sans lesquels il n’y a pas de société créative et prospère.

La France est un pays régi par des bureaucrates et les urbanistes s’y conduisent comme des bureaucrates ou obéissent à des bureaucrates. Tout, petit à petit, en vient à ressembler à l’esprit d’un bureaucrate.

Je sais que la population française en son immense majorité ne discerne pas ce dont je parle. Il se met en place en France une accoutumance, une résignation, une acceptation, à un degré tel que ce qui devrait choquer paraît logique, normal, dans l’ordre des choses.

Je le dis : non, ce n’est pas du tout logique, normal, dans l’or­dre des choses.

Des aéroports de pays du tiers-monde ne ressemblent pas aux aéroports français et il faut aller vers le fond délabré du tiers-monde pour trouver l’équivalent – et encore, dans le cas général, ce ne sera pas l’équivalent, car le béton et les grillages ne seront pas là.

Les villes de pays plus pauvres que la France ne subissent pas les ratures et les balafres que subissent les villes françaises et je ne peux trouver nulle part d’équivalent à ce qu’on fait subir aux villes françaises.

Des centres commerciaux aussi ratés que la plupart des centres commerciaux français se rencontrent ici ou là, mais ils datent d’une ère révolue ailleurs, en Russie et en Europe centrale par exemple.

Des logements aussi lugubres que les HLM français se rencontrent aussi, mais datent, eux aussi, d’une ère révolue là où ils subsistent.

Triste, très triste situation.

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Comments (18)

  • Théo31 Répondre

    Nos villes sont à l’image de l’idéologie dominante qu’est le socialisme. On ne peut pas promouvoir le beau en même temps que le vol et le meurtre.

    Le socialisme est un pornographisme.

    24 août 2013 à 13 h 02 min
    • Jaures Répondre

      Il est vrai, cher Théo31, qu’avant le socialisme, tout n’était que Beauté. D’ailleurs, on constate que les entrées des villes gérées par la droite sont bien plus belles ! L’Angleterre conservatrice est une jolie bourgade à l’architecture cohérente et harmonieuse !
      Je comprends qu’on puisse être contre les socialistes mais avancer de tels arguments ne fera pas passer les rieurs de votre côté.

      24 août 2013 à 18 h 05 min
    • Hector Répondre

      Théo 31 belle traduction .

      24 août 2013 à 22 h 59 min
  • xavier P Répondre

    Tout à fait d’accord avec vous Mr Millière. Étant moi même pilote et passant la majeur partie de mon temps dans les airs et les aèroports et autres aérogares je ne peux confirmer ce que vous dites. D’ailleurs cela se reflète sur le comportement des gens –
    La France est bel est bien un pays communiste dans tous les sens du terme – CDG et ORLY sont des horreurs et ne sont pas harmonieux du tout – Comme on a l’habitude de dire – Un bon avion est un bel avion – Cela devrait être la même chose pour un aéroport!

    24 août 2013 à 1 h 56 min
    • Hector Répondre

      Vous devriez aussi parler des WC qui sont souvent sales et peu nombreux . Dans les gares c’est la catastrophe depuis que les dames pipi ne sont plus là pour faire la loi . La France est devenu une pissotière sans dame pipi pour mettre propre .

      24 août 2013 à 10 h 53 min
  • Hector Répondre

    Mr Guy Millière a raison pour les aéroports en France qui sont laid et en plus sale . A Marignane la bâtiment ( Ryanair ) pour prendre l’avion pour aller en Sardaigne est sale , laid et des décors minables sans consistances . Le bar dispose de très peu de place pour travailler dans une bonne hygiène , les chaises et tables sont minable et souvent pas nettoyés . Ce bar marche très très bien , tellement bien qu’il emploie très peu de personnel pour l’entretien . Pour le dirigeant ou l’entreprise c’est le pognon à gogo , tellement ce bar travaille . Pour l’hygiène je ne sais pas comment ils font , j’ai des doutes . Je suis barman dans un bar de campagne ou tout est vieux mais nickel et on sert dans des verres . C’est la même chose dans beaucoup de bâtiments public ( gare ) pour exemple Valence TGV , ou le service est au minima c’est à dire verres , tasses de café en plastic et souvent bière servi dans des bouteilles en aluminium . Tout est service minimum avec prix maximum et sale . C’est la première image de la France que donne nos aéroports et nouvelles gares TGV .
    Pour le reste Mr Millière a tort , nos villes font le maximum pour être belles .

    23 août 2013 à 10 h 04 min
  • Hela Répondre

    Je suis d’accord sur l’absence d’originalité et d’idées des architectes français ou embauchés par les villes etc. Il n’y a pas la volonté d’intégrer des bâtiments ou autres intelligemment dans le paysage, ni de cacher les laideurs par de la verdure, buissons,bois ,paille etc. Je parle entre autres de ces énormes poubelles plastiques un peu partout depuis que la France a découvert le ”tri sélectif”! Parfois on ne voit au loin que ces horreurs dans le paysage. J’ai aussi des exemples flagrants de bâtiments neufs, collèges, office de tourisme ici dans notre région Bugey et Savoie.

    22 août 2013 à 21 h 33 min
  • de Pahlen Répondre

    Et que dire des horribles ferrailles dont on affuble les ronds points – en Belgique c’est pareil!

    22 août 2013 à 16 h 36 min
  • Jaures Répondre

    On ne me soupçonnera pas de connivence avec Millière. J’abonde ici dans son sens. Les entrées de ville en France sont catastrophiques; défigurées par les panneaux publicitaires et les entrepôts de tout poil.
    Il faut cependant nuancer: cela ne touche pas les lieux touristiques. Les touristes ne fréquentent guère les banlieues ou les villes sans âmes. Les autres savent préserver leur patrimoine. Un touriste qui séjourne à Paris, Biarritz, Cannes ou St Malo ne sera guère agressé par les entrées de ville. Et si Millière consulte les chiffres du tourisme, il constatera que la présence étrangère s’accroît chaque année (plus de 82 millions en 2012). Par ailleurs, la France est loin d’être la seule. A Londres, l’architecture est une catastrophe. Chacun fait ce qu’il veut dans une totale incohérence, comme si on avait construit La Défense au milieu du Marais. Et dés qu’on s’éloigne de la capitale, on retrouve les mêmes laideurs.
    Et je m’étonne toujours que ceux qui s’effarouchent de laideurs urbaines ne verraient aucun inconvénient à ce qu’on installe des derricks de gaz de schiste dans les gorges du Verdon ou sous le château de Bonaguil.

    22 août 2013 à 16 h 07 min
    • guy milliere Répondre

      Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec vous concernant Londres, qui est devenue une ville hideuse, hors des alentours du Parlement et de Big Ben. Je ne suis pas d’accord concernant, entre autres, Cannes, où les aménagements routiers sont aussi ineptes et laids qu’ailleurs en France. Je ne suis pas d’accord non plus concernant Paris, où des monstruosités architecturales ont été ajoutées ici ou là, telles le Ministère des Finances, qui ne valent guère mieux que ce qu’on voit à Londres.

      26 août 2013 à 1 h 27 min
      • Jaures Répondre

        A Londres, les quartiers ouest gardent un aspect “village chic” (Chelsea, notting hill) mais sont réservés à la haute bourgeoisie.
        Il est vrai que les quartiers est de Paris n’ont pas été aménagés avec bonheur mais le Paris “historique” est, bien heureusement, préservé contrairement à la capitale britannique. Si vous voyagez partout en Europe, vous constaterez que les abords de ville sont partout saccagés, y compris chez nos partenaires de l’est comme la république tchèque et la Pologne.

        26 août 2013 à 9 h 20 min
  • Philippe Lemaire Répondre

    Le XX°siècle a inventé la laideur volontaire et systématique (cf par exemple Picasso et sa négation démoniaque de la beauté humaine)

    22 août 2013 à 10 h 14 min
    • Jaures Répondre

      Cher M Lemaire, ne confondez pas vos goûts subjectifs avec ce qui relève objectivement du Beau. Ne confondez pas l’Art et le décoratif. Au Moyen-Age, on détruisait les architectures antiques. A la Renaissance, on laissait dépérir les églises romanes et gothiques.
      Et, personnellement, même si j’en admire la maîtrise, une peinture de Léonard me laisse froid quand Guernica m’émeut.

      22 août 2013 à 16 h 13 min
  • denisot Répondre

    Que dire”des champs éoliens” dernièrement j’ai emprunté en Meuse la route dite “voie sacrée”celle-ci s’avère bordée d’éoliennes tout au long de son parcours menant à un haut lieu historique de la guerre 14-18. Il convient de “débaptiser” cette voie en la remplaçant par “une sacrée voie” Je m’interroge sur les autorisations délivrées à ces implantations, comment a-t-on pu ignorer un symbole de notre histoire? Quels intérêts a-t-on desservi?

    22 août 2013 à 8 h 31 min
  • Jean-Pierre Répondre

    Et encore vous avez oublié tous ces horribles tags qui semblent passés de mode un peu partout sauf ici.

    Mais il est à craindre que les choses ne fassent que s’empirer et que nos villes ressemblent bientôt à Beyrouth ou Damas…

    21 août 2013 à 20 h 36 min
    • B à BA Répondre

      Mais bien sûr, tout est lié. Les élus ne veulent peut-être plus dépenser de l’argent dans ce domaine de l’urbanisme en sachant que tout cela sera bientôt dévasté par des émeutes encore jamais vues en France !

      22 août 2013 à 13 h 01 min
  • Laudance Répondre

    En ce qui concerne les arrivées par le ciel, j’abonde volontiers dans le sens de Guy Millière. En effet, familier des grands aéroports européens, de l’est des USA et du Canada, il est clair pour moi que la comparaison entre eux et Roissy, par exemple, est désastreuse pour ce dernier. Non seulement pour des raisons esthétiques et pratiques, mais aussi d’accueil et de propreté et, surtout, parce qu’en y atterrissant on a de moins en moins l’impression de se trouver en France. Quant au reste décrit par Guy Millière, il est conforme à ce que l’on attend d’une république socialiste-soviétique et/ou bananière.

    21 août 2013 à 10 h 39 min
    • bluesuedeshoes Répondre

      En effet, j’ai fait un voyage en RUssie au mois de juin dernier, et je dois dire que l’aéroport de sheremetyevo de Moscou est beaucoup plus “pimpant” que celui de Roissy malgré tout!!!

      22 août 2013 à 12 h 01 min

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