La liberté syndicale se porte mal

La liberté syndicale se porte mal

Beaucoup d’observateurs annoncent une rentrée sociale « agitée ». Il y aurait quelques raisons pour cela. La conjoncture économique est tout sauf bonne – malgré les cocoricos sur le thème : « La crise internationale nous touche beaucoup moins que les autres » (façon nuage de Tchernobyl…).

Par ailleurs, à la rentrée, un certain nombre de dossiers législatifs importants vont arriver sur le tapis. D’abord ceux qui ont été votés discrètement durant l’été, notamment celui sur la « démocratie sociale » et le temps de travail et celui de « modernisation économique ». Ensuite ceux qui devraient être débattus à la rentrée parlementaire, en particulier le dossier en forme de serpent de mer du revenu de solidarité active (RSA), dont l’extrême gauche dit déjà joliment qu’il s’agit d’un « CPE bis pour les rmistes »…

En attendant, je voudrais revenir sur le premier de ces dossiers : la « démocratie sociale », dont on a trop peu parlé dans la presse cet été, n’évoquant généralement que l’aspect relatif aux 35 heures (plutôt bon pour ce que j’en ai vu) et pas celui relatif à la représentativité syndicale.

Il est clair qu’il se passe « des choses » dans le domaine syndical. En particulier, l’accord historique d’avril dernier entre le Medef et la CGT sur la représentativité syndicale, préalable au texte de loi dont nous parlons, laisse présager des modifications importantes du rapport de forces syndical. L’extrême gauche n’a d’ailleurs pas été longue à dénoncer le passage d’un « syndicalisme de construction d’un rapport de forces » à un « syndicalisme d’accompagnement », pour ne pas dire – horresco referens ! – social-démocrate !

On pourrait a priori se réjouir que le syndicalisme révolutionnaire et nihiliste perde du terrain. Malheureusement, l’alliance entre le « grand patronat » et les staliniens n’est pas vraiment une nouveauté et nous savons par expérience qu’il se fait toujours dans le dos du tissu économique réel, des patrons de PME et des salariés en chair et en os (pour ne pas remonter à Mathusalem, l’expérience des 35 heures est assez claire en la matière…).

En l’occurrence, on peut craindre que cette réforme de la représentativité syndicale n’ait comme résultat le plus évident (sinon même comme objectif premier et caché) la mise au pas des syndicats trop indépendants, qu’ils soient patronaux ou salariaux. Tout comme, naguère, le résultat le plus net des lois sur le financement de la vie politique a été la mainmise complète des partis dominants sur la vie politique française, sorte d’oligopole fixant une « barrière à l’entrée » trop élevée pour les « outsiders »…

En attendant, nous pouvons tout de même nous réjouir de la fin de la fameuse présomption irréfragable de représentativité pour les 5 syndicats issus de la Libération (CGT, FO, CFDT, CFTC et CGC). Mais, si j’en crois quelques amis bons connaisseurs du monde syndical, il est probable que cette suppression n’ait en réalité qu’un objectif : la disparition de la CFTC et de la CGC…

Quand on regarde en détail le texte de loi, la crainte s’accroît encore. D’abord, les règles numériques de représentativité syndicale n’ont pas l’air plus simples après la loi qu’avant. Et une règle complexe, dans un domaine aussi important, c’est une règle non seulement inefficace, mais presque certainement injuste.

Pire, on a ajouté aux conditions nécessaires à la constitution d’un syndicat l’adhésion aux « valeurs républicaines ». Or, ces « valeurs » sont trop floues pour constituer autre chose qu’une épée de Damoclès sur les organisations qui auraient cessé de plaire au pouvoir politique ou économique – ou encore à une autre organisation syndicale. Ajoutons que M. Mélenchon, vieux trotskiste dont la lecture est toujours passionnante, et actuellement sénateur socialiste, a déclaré sans ambages – et comme une évidence, bêtement niée par ses collègues UMP – que cette disposition visait, pour le moment, uniquement le Front national.

Dont acte. Mais estime-t-il nous avoir rassurés ? Car, de proche en proche, tout le monde peut se trouver un jour ou l’autre suspecté par l’extrême gauche d’avoir des sympathies pour le Front national et donc se voir interdit de représentation syndicale.

Décidément, je ne comprends pas la notion de « représentativité syndicale ». Il serait si simple de laisser les salariés désigner leurs représentants dans leurs entreprises sans qu’ils soient tenus de s’affilier à des syndicats « officiels » (et même, s’ils le souhaitent, créer des organisations regroupant des salariés et des patrons, ce qui est toujours, sauf erreur de ma part, scandaleusement interdit par la loi dite de « liberté syndicale » de 1884)…

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Comments (2)

  • Florin Répondre

    Les représentants des salariés ne sont pas TOUS, loin s’en faut, syndiqués, et c’est tant mieux ! La loi laisse le choix des salariés libre de ce point de vue-là. Dans pas mal d’entreprises, les salariés "ne veulent pas de vagues" et évitent soigneusement de désigner en tant que DP ou élus du CE, des syndicalistes.

    Hé oui ! On lèche les bottes du patron, aussi longtemps que tout va bien ; et l’on frappe à la porte du syndicat lorsque l’on se fait mettre à la porte (individuellement ou collectivement). La France a le syndicalisme-pompier (il sert à éteindre les incendies – éteindre et non pas étendre, quoique …).

    Nous sommes loin de la situation des pays du Nord, où 80-90% des salariés sont syndiqués, et les syndicats sont des partenaires de poids dans le dialogue social. Là-bas, les gens intelligents se trouvent des DEUX cotés de la table, dans l’intérêt commun, celui de l’entreprise. Le syndicaliste n’est pas un "rouge" qu’il faut abattre, et le patron n’est pas un sbire qu’il faut pendre.

    Toutefois, tout n’est pas à jeter en France, coté syndical. Sinon, je ne vois pas pourquoi la centrale syndicale américaine, AFL-CIO, aurait un bureau à Paris, dans la très chic avenue François 1er.

    31 août 2008 à 1 h 24 min
  • Daniel Répondre

    Les gens qui aiment le pouvoir et qui ont beaucoup ramé en eaux troubles pour y parvenir ne pensent en général qu’à le renforcer. Ils conçoivent difficilement la liberté individuelle qui se fout des systèmes organisés et hiérarchisés hors desquels eux n’imaginent pas un seul instant  qu’on puisse s’épanouir et respecter son voisin.

    Je ne suis pas placé pour analyser les conséquences à long terme des nouveaux textes mais les arguments sont de bon sens.  

    30 août 2008 à 15 h 53 min

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