Ressentiment et amour de la réussite

Ressentiment et amour de la réussite

J’ai dans ma bibliothèque un livre écrit par un homme que j’ai bien connu autrefois, Robert Sheaffer. Je n’ai pas revu l’homme depuis longtemps, mais le livre traverse souvent mon esprit et je ne peux alors m’empêcher de revenir vers lui pour en relire quelques pages.

Le livre s’appelle « Resentment vs Achievement » (le ressentiment contre la réussite). Il n’ex­iste qu’en anglais. J’ai envisagé de le traduire, puis j’ai renoncé, faute d’éditeur. Le livre explique en détail que deux valeurs essentielles structurent les civilisations et sont en lutte constante l’une avec l’autre.

La première, le ressentiment, repose sur ce que d’autres, tels Helmut Schoeck ont appelé l’envie. Elle conduit à jalouser ce que d’autres ont obtenu par leur travail et leur créativité, à ignorer les relations de cause à effet qui permettent la création de richesse, et à choisir la prédation plutôt que la production.

Elle existe partout sur terre, dans toutes les sociétés, mais, si elle vient à prédominer dans une société donnée, ce qui en résulte est la destruction, la violence, la disparition de la liberté, quelquefois la guerre.

La deuxième, l’amour de la réussite, se situe à l’opposé. Elle conduit à discerner que, si d’autres ont obtenu, par leur travail et leur créativité, ce qu’on n’a pas, cela signifie qu’en travaillant et en créant, on pourra y arriver aussi.

Elle conduit aussi à tenter de déchiffrer les relations de cause à effet qui permettent la création de richesse. Elle conduit enfin à choisir la production et à combattre la prédation sous toutes ses formes.

Le communisme et le socialisme, tout comme le nazisme et le fascisme, sont des doctrines qui reposent sur le ressentiment. Elles ont conduit, partout où elles se sont emparées du pouvoir, aux résultats qu’on sait. Nazisme et fascisme ont conduit à une guerre mondiale, à des massacres, à un génocide qui reste une tache immense et indélébile au cœur de l’histoire européenne. Le communisme a conduit au goulag en Russie soviétique, au laogai en Chine, à des régimes tels que celui qui perdure en Corée du Nord ou tel que celui qui survit à Cuba.

Ce que Michael Novak a appelé le « capitalisme démocratique » n’est pas une doctrine, mais un accomplissement qui repose sur la liberté d’entreprendre, la liberté de parole et de pensée, les droits naturels de l’être humain et des institutions garantissant ces droits dans la durée, mais aussi, de manière fondamentale, sur l’amour de la réussite et la transmission de celui-ci de génération en génération.

Le capitalisme démocratique a fait la prospérité des États-Unis et du Canada, de l’Australie, de la Nouvelle Zélande, du Japon depuis les années 1950, de la Corée du Sud, de quelques autres pays sur la planète. Il a permis le redressement de l’Europe occidentale après la Deuxième guerre mondiale, et celui de divers pays d’Europe centrale après la chute de l’empire soviétique.

La persistance des idées communistes et socialistes dans divers pays européens, dont la France, constitue une menace pour le futur proche, et cette menace me semble insuffisamment soulignée.

Elle constitue une persistance du ressentiment. L’extrême gauche fait partie intégrante de la menace, mais l’extrême droite en fait, elle aussi, partie, tout comme une part importante des mouvements socialistes (y compris ceux qui se réclament de la social-démocratie) et, cela doit être dit, des fragments des partis européens de centre droit ne sont pas indemnes.

Ce qui signifie que le ressentiment est très disséminé, et pourrait, s’il n’est pas combattu, conduire l’Europe à sa perte.

La montée de courants ressentimentaux aux États-Unis, accélérée par Barack Obama, mais commencée bien avant lui, dans la « contre-culture » des années 1960, ne peut que susciter des inquiétudes très vives pour l’avenir.

Une victoire généralisée du ressentiment dans le monde occidental signifierait l’entrée de la planète dans des temps obscurs, rudes, misérables, brutaux. Il m’arrive de songer que nous n’en sommes pas loin.

Guy Millière

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Comments (19)

  • Jan Ezra Répondre

    Très boni éclairage sur la question de la justice sociale. Une société ou l’on doit miser sur ses propres efforts et éventuellement sur la bienveillance de son prochain
    plutôt que sur un “droit” inconditionnel de providence produit des gens plus généreux et davantage responsables qu’ingrats et revendicateurs. On y peut se déresponsabiliser face aux plus faibles, c’est au citoyen d’assister et de promouvoir ceux qui le méritent. C’est une société profondément altruistes, voir chrétienne.

    1 mars 2015 à 17 h 23 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    j’ai lu et intégralement ” Der Neid ” ( l’Envie ) de Helmut Schoeck
    celui ci , en bon Allemand , est très précis dans le choix de ses mots et distingue l’Envie , de la Jalousie et encore plus du Ressentiment … la confusion terminologique que met G. M. dans ces ( ses ) propos n’éclaire guère la Politique pas davantage que ceux de @ Jaurès … … mais de loin le chapitre le plus intéressant du livre référé est le chapitre 22 avec ses sous paragraphes :
    l’envie tempère les excès de pouvoir
    l’envie a ses propres limites
    la pression de l’envie, élément civilisateur
    la capitulation devant les envieux

    9 mars 2014 à 22 h 41 min
  • Premiere visite Répondre

    Dire que le nazisme et le fascisme ont apporté la guerre, est au mieux très partisant ; le développement économique et la création de richesse entre 1933 et 1939 en Allemagne vient contredire ce texte, mais bon, voilà un discours bien idéologique pour la ‘bonne cause’.

    9 mars 2014 à 10 h 33 min
    • Jaures Répondre

      Les richesses créées l’ont été dans les usines d’armement.
      Si à cela on ajoute, pour rester entre 1933 et 1939, la répression sanguinaire contre les opposants, la persécution puis le génocide des juifs, l’annexion de l’Autriche puis de la région des Sudètes, la notion expansionniste de l’espace vital, etc…mettre simplement en doute que le nazisme a apporté la guerre est au moins d’une grande naïveté, au pire du négationnisme.

      10 mars 2014 à 16 h 52 min
  • oxydent75 Répondre

    Guy Millière :”Le communisme et le socialisme, tout comme le nazisme et le fascisme, sont des doctrines qui reposent sur le ressentiment”… C’est exact ! Il convient d’ajouter à ces idéologies l’ISLAMISME, qui aujourd’hui, au constat de la régression catastrophique de tous les pays ayant subi cette influence néfaste, amorce une violente tentative de prédation sur les autres civilisations. Et la Gauche, dans son salmigondis socialo-écolo-communiste y participe sans vergogne.

    7 mars 2014 à 9 h 19 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    Jaures, l’intervenant gavé d’argent public à 5 fois le SMIC dans son foyer fiscal est de retour de ses vacances d’hiver.
    Pendant son comptage de grands tétras alias coqs de bruyère d’autres ont travaillé pour que lui et ses semblables puissent continuer à jouir de leurs privilèges.
    Et voilà que tout frais et tout relaxé il ose venir nous faire un cours de philosophie sur l’envie et le ressentiment.
    Plus abject que lui tu meurs.

    7 mars 2014 à 8 h 55 min
    • Jaures Répondre

      Je ne sais où vous avez vu que je serai “gavé d’argent public”. Répondez sur le fond au lieu fantasmer, même si cela est moins confortable.

      7 mars 2014 à 13 h 57 min
      • HansImSchnoggeLoch Répondre

        Vos archives doivent vous trahir, à moins que vous n’en ayez que pour les autres et pas pour vous-même.
        Je vous répondrai maintenant sur le fond. Toutes les manettes du pouvoir sont entre les mains des socialistes et jusqu’à présent on n’a vu qu’une suite de mesures incohérentes de gens incompétents et stériles.
        Comment osez-vous avec de tels résultats venir nous raconter vos balivernes?

        7 mars 2014 à 20 h 14 min
        • Jaures Répondre

          Je ne sais pas à quelles archives vous faites allusions. Soyez moins nébuleux quand vous mettez en cause quelqu’un.
          Sinon, effectivement, le gouvernement actuel n’a pas réussi à inverser la courbe du chômage. Vous appelez ça répondre sur le fond ? Je vais vous aider.
          Le capitalisme permet-il le progrès social sans lutte des classes ?
          La place de chacun dans la société est-elle le reflet de ses capacités ou/et de déterminismes sociaux ?
          Les luttes sociales sont-elles motivées par le ressentiment ou la volonté de justice ?
          La rentabilité est-elle liée à l’intérêt social ?

          8 mars 2014 à 13 h 52 min
          • HansImSchnoggeLoch

            Est-ce bien vous ou votre ombre qui avez affirmé en son temps que 2 x 2.5 x le Smic rentrait dans votre foyer fiscal?
            De plus le fait que vous soyez toujours absent lors des vacances scolaires n’a échappé à aucun intervenant sur ce site.
            De là à affimer que vous êtes gavé d’argent public, il n’y a qu’un pas que j’ai allégrément franchi.

            La lutte des classes est en effet une spécialité que la France partage encore avec la Coréée du Nord, Cuba et le Vénézuéla.
            On voit les résultats….

            11 mars 2014 à 10 h 37 min
          • Jaures

            Cher Hans, un salaire versé, quel que soit son montant, ne vient pas forcément de l’argent public.
            Et il est vrai que quand on a des enfants en âge scolaire, on prend ses congés en cette période.
            Quoi qu’il en soit, je vous remercie d’être aussi attentif à mon mode de vie. Si cela peut troubler votre ennui…

            11 mars 2014 à 13 h 11 min
      • quinctius cincinnatus Répondre

        que je sache les syndicats sont bien SURTOUT subventionnés par l’argent du contribuable , non ?

        10 mars 2014 à 19 h 10 min
        • Jaures Répondre

          Certes, Quinctius, mais les délégués syndicaux sont totalement bénévoles. Et qui en France ne touche pas directement ou non de l’argent public ?
          Olivier Dassault qui prêche une baisse drastique des dépenses publiques demande-t-il, à titre d’exemple, que l’Etat renonce au milliard d’euros payé par l’Etat pour 2014 afin d’améliorer le Rafale ?
          Rappelons que l’achat de 225 Rafales a déjà rapporté plus de 43 milliards d’euros aux usines Dassault.
          Moins d’Etat, sauf pour moi !

          11 mars 2014 à 9 h 51 min
          • quinctius cincinnatus

            je n’ai jamais dit que Monsieur Serge Bloch- Dassault était un exemple, bien au contraire et j’ai toujours combattu ce type de personnage qui se gave de l’argent public … il est vrai qu’il semble, le Bon Samaritain, le … redistribuer aux nécessiteux et aux persécutés

            11 mars 2014 à 17 h 28 min
          • HansImSchnoggeLoch

            Au moins les Rafales c’est du concret et du palpable. Les performances des syndicats par contre c’est du pipeau.
            Autant affouer le feu avec cet argent!

            11 mars 2014 à 18 h 42 min
  • Jaures Répondre

    Si Millière résume bien le livre en question, je comprends qu’aucun éditeur sérieux risque le moindre fifrelin sur une thèse aussi légère.
    Dire que ce qui mène le monde, provoque les guerres et les génocides est le ressentiment et la jalousie est risible de naïveté.
    Le capitalisme démocratique permet, certes des progrès immenses de la civilisation. Mais ceci parce que dans sa nature même il implique la lutte des classes qui permet une répartition des richesses produites. Sans cette lutte, ces progrès seraient restés aux mains de quelques uns, laissant le peuple dans sa misère. Que pour des raisons de conjoncture, cette lutte se fasse moins âpres et les inégalités s’accroissent, la précarité s’installe, les acquis sociaux sont remis en cause.
    Que lorsque le peuple réclame une meilleure répartition des richesses produites on tente de le culpabiliser n’est pas nouveau. Jamais rien n’a été concédé à ceux qui produisent sans une exigence virulente laquelle, bien heureusement, prend de nos jour la forme de de négociations quand, autrefois, les ouvriers payaient de leur vie l’expression de leurs revendications. Alors on peut dire qu’ils sont jaloux, que leur place dans la société correspond à leur QI ou leur capacité de travail mais il s’agit là de duperie.
    Qui peut affirmer que la richesse est proportionnelle au travail ou à l’innovation ? Tout montre que la réussite est déconnectée de la réelle compétence. Un prix Nobel gagne infiniment moins qu’un footballeur. Un chercheur qui trouve un remède contre une maladie rare sera récompensé aux antipodes d’un autre mettant au point un cosmétique. Le plus coté des chirurgiens passera pour un mendiant comparé à un trader.
    La rentabilité n’est pas liée à l’intérêt social.
    A cela s’ajoutent les déterminismes sociaux, les héritages, les inégalités des chances qui pipent les dés des destins humains.
    Ce qui motive ceux qui luttent dans les entreprises n’est pas le ressentiment mais la volonté de justice. C’est elle qui permet de réels progrès au sein des sociétés capitalistes démocratiques: un accès pour tous à l’éducation, la santé, la culture,…
    Ce qui provoque le ressentiment, c’est le sentiment que quoi qu’on fasse, tout est bloqué et sclérosé.

    6 mars 2014 à 18 h 27 min
    • banro Répondre

      “Ce qui provoque le ressentiment, c’est le sentiment que quoi qu’on fasse, tout est bloqué et sclérosé.”
      Alors on n’a plus qu’à aller se coucher !

      7 mars 2014 à 15 h 55 min
      • quinctius cincinnatus Répondre

        et se laisser mourir du désespoir le plus noble !

        9 mars 2014 à 22 h 43 min
    • quinctius cincinnatus Répondre

      ce que vous dites est dans l’ensemble assez juste …
      prenons l’exemple de Mozart il fût incontestablement moins riche que ne l’est ,bien que ruiné ( dit on ), ” not’djonnhy national ”
      la constatation est que le socialisme n’amène pas davantage le bonheur ou la justice que l’ a fait en son temps le christianisme …heureusement il existe ( encore ) des hommes ” naturellement ” bons qui aident leurs semblables et cela est amplement suffisant sans à avoir à entrer dans un système ” idéologique ” qui sera toujours …. totalitaire puisqu’il imposera ses dogmes

      11 mars 2014 à 17 h 50 min

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