Euthanasie et hypocrisie

Euthanasie et hypocrisie

M.Philippe Douste-Blazy est sans nul doute un grand artiste en acrobatie politique. Il vient de s’engager à soutenir un projet de loi sur l’euthanasie en s’écriant avec vigueur : « Il faut en finir avec l’hypocrisie ! », alors que le dit projet est lui-même un chef-d’œuvre d’hypocrisie, précisément. Je rappelle que lorsqu’il était déjà Ministre de la Maladie dans le gouvernement d’Alain Juppé, il avait déclaré avec autant de vigueur : « Moi vivant, il n’y aura pas de loi sur l’euthanasie ! » De profundis…
La question de l’euthanasie volontaire se pose depuis des années avec de plus en plus d’acuité, compte tenu de l’allongement de la durée de vie mais non de sa qualité, et des « rafistolages médicaux » grâce auxquels nous risquons tous de finir nos jours en grabataires gémissants couverts d’escarres et d’excréments. Bien que 88 % des Français se soient déclarés favorables au droit de mourir dans la dignité, l’insigne lâcheté de notre classe politique  faisait brinquebaler «la légalisation de la mort douce » depuis trente ans, d’atermoiements en faux-fuyants pour la repousser aux calendes grecques. M. Thierry Mariani, maire de Valréas et député UMP du Haut-Vaucluse, m’avait fait obligeamment parvenir le texte de la question écrite qu’il avait posée sur le sujet à M. Jean-Pierre Mattéi en juin 2003. La réponse de celui-ci fut un monument de veulerie. Fort heureusement, la canicule nous débarrassa de ce ministricule…
Cependant, la pression de l’opinion publique, jointe à quelques pénibles affaires comme le supplice du jeune Vincent Humbert, a fini par mettre nos élus au pied du mur, et plusieurs propositions de loi se sont succédé sur le sujet au cours de ces derniers mois. Il y eut tout d’abord une proposition déposée par 80 députés socialistes. Lesquels socialistes n’avaient rien fait lorsqu’ils étaient au pouvoir, malgré le suicide euthanasique à l’âge de 92 ans de Mme Mireille Jospin, mère du Premier Ministre d’alors. Cette proposition de l’opposition, déposée le 10 avril 2003, semblait un peu trop motivée par un souci électoraliste et avait en outre l’inconvénient de trop faire dépendre des médecins l’ultime décision qui doit être celle de l’individu et de lui seul.

Encore
une fausse réforme !

La proposition Léonetti déposée le 21 juillet 2004, au nom de la « Mission d’information sur l’accompagnement de la fin de vie » (qui compte 31 membres de toutes formations politiques), est encore pire, car elle ne veut autoriser que l’interruption d’un traitement de survie, si le patient en a exprimé le désir, ce qui ajoute peu de chose au refus de l’acharnement thérapeutique déjà en vigueur.
Il ne s’agit là que d’euthanasie passive à laquelle auraient accès des malades incurables sous traitement palliatif. Or, ce que les Français réclament à une écrasante majorité, c’est bien plus que cela : c’est le droit à l’euthanasie volontaire active, c’est-à-dire au suicide assisté lorsque le vieillard concerné, qu’il soit ou non sous traitement, estime que son existence est devenue trop pénible, physiquement et/ou moralement, pour valoir la peine d’être vécue.
La seule proposition de loi courageuse et cohérente est celle qui a été déposée en février 2004 par Mme et MM. Martine Billard, Yves Cochet et Noël Mamère, députés écologistes. Le texte de loi suggéré ne comporte que 11 articles et son article 3 en résume en toute clarté la portée générale : « La personne peut obtenir une aide active à mourir lorsqu’elle estime que l’altération effective ou imminente de cette dignité ou de cette qualité de vie la place dans une situation telle qu’elle ne désire pas poursuivre son existence ». L’article 4 prévoit que ces dispositions peuvent être prises à l’avance :
« Cette demande peut être prise en considération si elle a été consignée par la personne concernée dans un “testament de fin de vie”, déclaration écrite et signée confirmée verbalement ou par signe par elle-même auprès de deux témoins (ou par écrit si la personne est dans l’incapacité de le faire verbalement) ou, si elle n’est plus en état de s’exprimer, par une autre personne, âgée de 25 ans au moins, qu’elle aura auparavant chargée de la représenter. »
Malheureusement, il y a peu de chances que cette proposition soit adoptée, la droite frileuse se préparant sans doute à voter l’insuffisante proposition Leonetti. Certains se consoleront en disant qu’un léger progrès aura tout de même été accompli. Quant à moi je pense que ce sera seulement un alibi, qui permettra de repousser une vraie réforme à vingt ans plus tard. Au lieu du pas de géant que les Français espéraient, nous aurons fait un saut de puce, comme pour toutes les autres réformes d’ailleurs…

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Comments (5)

  • rita Répondre

    cette loi Leonetti est diabolique en gériatrie. Le vieux est un objet, on décide pour lui d’abréger des soit disant souffrances juste pour le bourrer de sédatif et finir par la Morphine. Le vieux ne se réveille plus. On présente une convalescence sous morphine comme la plus belle chose. Ces lieux sont des mouroirs. Il  n’y a rien de libre dans cette mort, c’est le médecin qui décide d’administrer le cocktail , soit disant anodin mais qui tue quand même. Mensonge , c’est diabolique il n’y a pas d’autre mot.

     

     

    11 décembre 2007 à 18 h 37 min
  • mamm Répondre

    les principaux détracteurs de ces réformes, sont le plus souvent : – des gens qui n’ont jamais souffert, ni physiquement,ni moralement, et se permettent de parler au nom des autres, – des politiques qui choisissent de se voiler la face pour éviter de prendre des décisions courageuses, – des défenseurs acharnés des soins palliatifs qui n’ont jamais visité un service de province où l’on entend hurler derrière chaque porte, – des gens qui plutôt que d’affronter les problèmes préfèrent se cacher derrière des principes moraux. Seulement, la plus fondamentale des libertés est de choisir ce que l’on veut faire de sa vie, et y compris d’y mettre fin de son propre chef quand on en a encore la possibilité; ou d’obtenir l’aide nécessaire lorsque, comme bien des personnes en fin de vie, jeunes ou agées, qui ne sont plus que douleur et/ou déchéance, on a émis le voeux en toute lucidité, et de façon répétée, de partir tranquillement, paisiblement. COmme pour toute question sensible, les incompréhensions, la mauvaise information produisent des aberrations : on entend dire que l’on va trucider les vieillards dans les service de gérontoloie pour y faire de la place, ou je ne sais quelles horreurs de sinistre mémoire….il n’en est évidemment pas question! Dans les demandes et les projets de loi présentés par l’Association pour le Droit de Mourir Dans la Dignité, il est spécifié que c’est la personne elle même ou un mandataire désigné par elle même de façon officielle qui est à même de prendre la décision, décision de principe déjà affirmée par la simple adhésion à cette association et susceptible d’être réversible à tout moment. Il s’agit donc de la possibilité d’une demande individuelle, intime, d’un positionnement lucide vis à vis des circonstances de son départ, en aucun cas de légiférer pour une obligation, mais pour un droit, que l’on utilise ou pas!

    22 septembre 2004 à 11 h 39 min
  • M.de Mun Répondre

    Mille bravos, vous mettez exactement le doigt sur le problème. Mais que voulez-vous, on n’a pas le temps de tout faire à la fois, légiférer sur le voile et sur la mort dans la dignité; nos élus ont (hélas) choisi : la priorité , pour eux, c’est légiférer sur l’intégration la minorité musulmane (dogme laïciste), non soulager les souffrances des mourants (campagnes systématiques amalgamant légalisation contrôlée de la mort dans la dignité -souhaitée par 88% des Français- et euthanasie du IIIéme Reich) : consternant…

    21 septembre 2004 à 17 h 02 min
  • Christophoros. Répondre

    Le terme euthanasie ( “bonne mort” ) n’est-il pas en lui même un mensonge ? Bonne mort pour qui ? Pour le mourant ? Pour épargner la santé mentale de son entourage ? ( peut-être la vraie question au fond ). Pour faire des économies ( collectives Sécurité Sociale mais aussi individuelles – style la maladie du “vieux” ne bouffera pas l’héritage … ) Tous les débats dits de société me semblent cousus de semblables hypocrisies Deux exemples dans le même style : “avortement thérapeutique” : en quoi est-il thérapeutique, puisque la mère n’est pas malade et l’enfant handicapé est tué dans son ventre ( therapein : soigner ) S’agissant du divorce : “refaire sa vie”. Comment peut-on refaire sa vie, le temps écoulé l’est. Tout ce blabla pour mentir aux autres et se mentir à soi-même……

    19 septembre 2004 à 21 h 38 min
  • laetitia Répondre

    Je suis tout à fait favorable à l’euthanasie active à condition que le cadre législatif, dans lequel elle s’inscrira, prévienne toute dérive. Il est inacceptable et immoral, que des êtres humains, en proie à d’indicibles souffrances physiques et morales, ne puissent, de leur plein gré, quitter dignement et simplement la vie. Il est scandaleux de pourfendre, au nom de principes éthiques, les actes de médecins ou de parents qui décident, les uns par humanité,les autres par amour, de mettre fin au calvaire de malades en fin de vie ou voués à un état végétatif. Tandis que l’on atermoie sur les possibilités de légaliser l’euthanasie, on multiplie les risques d’acharnement thérapeutique et on laisse le corps soignant désemparé face à des situations dramatiques que le vieillissement inéluctable de nos populations sera amené à multiplier. La vie a une valeur incommensurable dans notre société mais quand il ne reste plus chez l’autre qu’un souffle de vie et le désir de mourir avec dignité, notre propre respect de l’existence d’autrui doit nous inviter à exaucer son souhait qui a hélas souvent l’allure d’une prière devant laquelle un être réellement humain ne peut rester insensible.

    19 septembre 2004 à 0 h 28 min

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