Hommage à Patrick McGoohan, acteur rebelle et chrétien

Hommage à Patrick McGoohan, acteur rebelle et chrétien

On nous a appris, avec Molière, que jadis on ne donnait pas de sépulture chrétienne aux acteurs. Comme si l’Église avait prévu que ces diables d’hommes allaient faire basculer le monde dans une décadence digne de l’empire romain. Mais le christianisme réserve toujours, comme la mule du pape, une charge à l’ennemi.

À Hollywood, il y eut Leo McCarey, dont je reparlerai, John Ford, Raoul Walsh, et aujourd’hui Mel Gibson. Et puis, il y eut à la télévision Patrick McGoohan, autre acteur d’origine irlandaise (l’Irlande des moines, mais aussi de Swift ou de Joyce), à qui nous devons le légendaire « Prisonnier ». Tournée en 1967 dans l’étrange village-musée de Portmeirion au pays de Galles, cette série aporétique et énigmatique a célébré l’image du rebelle des temps spectaculaires décrits par McLuhan et symbolisé le mutin situationniste pour tous les résistants au nouvel ordre mondial.
En même temps, le « Prisonnier » nous ouvrait des horizons ignorés sur des mondes parallèles à la Lewis Carroll, de nouvelles utopies atlantéennes, et une réflexion sur le conditionnement dans ces temps orwelliens.

McGoohan, de religion catholique, et dont on sait qu’il voulait se faire prêtre, a commencé par la série « Danger Man », censée avoir inspiré James Bond. Mais c’est un drôle de James Bond. L’agent secret ne sauve pas le monde, mais essaie de préserver l’empire britannique (on est au tout début des années 60). Il n’a pas d’armes à feu, mais se bat très bien avec ses poings. Il ne touche jamais aux femmes, s’il les retourne ou les manipule à la perfection. Il n’est aucunement sadique, tournant le dos à la cruauté des romans d’espionnage. Il est excellent technicien, entièrement tourné vers l’Intelligence, au sens anglo-saxon du terme.

Plusieurs épisodes sont éblouissants, notamment celui où il découvre un village américain en terre russe où l’on exerce les futurs espions…
On ne raconte pas le « Prisonnier ». Les gens ont vu ou n’ont pas vu la série, ils se sont limités à une interprétation (dénonciation très britannique du monde moderne, fait de contrôle, de démocratie parodique et de médiocrité joyeuses) ou plusieurs : Umberto Eco dirait que c’est une œuvre ouverte et le dernier épisode est si invraisemblable qu’il est inutile de donner un sens définitif à ce chef-d’œuvre télévisionnaire, comme disait Hélène Oswald. Si le numéro 6 est le numéro un, cela revient-il à dire que l’homme peut se dédoubler et qu’il est son pire ennemi ? On n’a pas besoin de ce type de conclusion, mais la série est certainement subversive, et au sens chrétien du terme. Ce n’est pas à un acteur que nous avons affaire, mais à un éveilleur d’âmes. Et on insistera encore et toujours sur la perfection des séries britanniques de l’époque, à l’ergonomie et à l’esthétique impeccables.

McGoohan aurait pu s’arrêter là, mais il a continué une carrière un peu chaotique en prenant le contre-pied de son personnage de rebelle. Je me rappelle de ce très bon épisode de Columbo où il joue le rôle d’un officier américain fanatisé par son modèle militaire ; de cet « Évadé d’Alcatraz » où McGoohan en directeur de la prison affronte un autre vieux rebelle encore en pleine forme, Clint Eastwood. Et, bien sûr, de Braveheart, le film-culte de Mel Gibson où il joue le mauvais roi d’Angleterre, Édouard Ier Longshanks. Le film résonne comme un règlement de compte anti-anglais, laissé aux bons soins des Irlandais : l’Angleterre de William, de la guerre de Cent ans, d’Henry VIII, de Cromwell et du capitalisme planétaire apparaît digne d’une dystopie que l’on retrouve dans le Village précisément…

Plus de quarante ans après sa création, la série conserve sa magie, mais je ne la vois pas surprendre les jeunes générations contemporaines, trop soumises au système maintenant. Il reste à savoir si le joyau médiatique de McGoohan pourra continuer de diffuser son inquiétante étrangeté…

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Comments (8)

  • poisson Répondre

    John Drake, en bon, anglo-saxon passera très vite (dès la deuxième saison) au service de l’OTAN…

    25 février 2009 à 12 h 48 min
  • IOSA Répondre

    Siniq@……

    Ha ? je pensais bien que l’esprit n’était pas bien loin……post + affligeant+inutile=1 commentaire en crédit pour cet article qui démarre pire que mon vieux diesel…

    Je compte les points sans compter ce post……nous disions 6 commentaires dont 2 à vous et 2 à moi + 1 magny et le der pour n°6……..C’est pas lourd dans la balance !

    7 février 2009 à 2 h 03 min
  • N°6 Répondre

    Bel article, Monsieur Bonnal.

     

    La série "Le Prisonnier" est culte, c’est à dire qu’elle est "religieuse" au sens étymologique du terme.

     

    En 17 épisodes, elle est un très pur reflet du Village, dans ce qu’il a "d’inhabité". Le N°6 est seul. L’enfer, dans un décor paradisiaque. Des non-relations avec des gens qui bougent et qui ne font que ça. Des non-relations avec des gens qui n’ont pas d’identité. Des gens condamnés au bonheur. Souriez ! Vous êtes heureux. N’oubliez pas de le montrer, sinon ça va faire mal. Bravo! Vous avez retrouvé le sourire. Vous avez évité l’enfer, N°6! Mais non, n°6, vous n’êtes pas enfer-mé. Qu’est qui vous fait dire ça? Regardez autour de vous, des gens heureux de tout, comme des gamins. Vraiment, n°6, vous cherchez la petite bête… Vous êtes libre, vous pouvez voter pour qui vous voulez. Vous avez le choix entre 2 numéros. Vous avez le choix. Vous êtes libre. Vous pouvez même vous présenter aux élections. Vous êtes libre de vous présenter sous le n°1 ou le numéro 2, en tant que numéro 6.

    Mais oui, vous êtes libre n°6. Vous êtes libre de dire « oui » au bonheur, ou bien alors « oui » au bonheur. Vous avez dis « NON » au bonheur, n°6. Vous êtes fou. Heureusement, nous sommes là pour dire oui à la place des enfants mal éduqués. Nous savons être pédagogues et patients comme l’éternité. Vous aussi, un jour, vous deviendrez adulte, vous deviendrez le n°1.

     

    Hier soir, et nous sommes aujourd’hui le 6, le n°1 du Village mondial nous a expliqué qu’il était toujours résolu à réformer le capitalisme, à re former le bonheur.

     

     

    N’est ce pas que j’écris n’importe quoi, Monsieur Bonnal ?

     

     

    Le N° 6.

     

     

    PS du N° 1 : "Les derniers hommes ont inventé le bonheur et ils clignent de l’œil" écrivait Nietzsche.

    Pourquoi ?

    Parce que ce sont des malins.

     

    6 février 2009 à 16 h 34 min
  • siniq Répondre

    Commentaire inutile voit affligeant !

    C’est exact , il lui manque de l’esprit !

    6 février 2009 à 15 h 41 min
  • Magny Répondre

    Bon article du "Canard enchaîné" sur la série "Le prisonnier" la semaine dernière .

    Pour embrasser du regard il faut avoir de la hauteur , ou au moins être en partie à l’extérieur . Or nous faisons tous maintenant partie intégrante du village . Le monde globalisé est une fête perpétuelle où les gentils prisonniers ont des numéros pour flatter leur orgueil , et des gadgets qui les maintiennent enfermés sponsorisés par leur propre argent : fabuleux , non ?

    Et vive notre numéro 2 élu par tous les numéros 1 qui s’ignorent , en mai 2007 !

    6 février 2009 à 14 h 29 min
  • IOSA Répondre

    Toc Toc !

    Esprit es tu là ?

    Pourtant, il n’y a pas le foot à la téloche ?

    4 février 2009 à 22 h 21 min
  • siniq Répondre

    Deux livres sont parus sur les séries en question aux Editions du 8éme art il y a quelques années mais le village  Portméirion où a été tournée la serie du prisonnier peut être visité.

    http://www.portmeirion-village.com/

    Un grand acteur est disparu.

    4 février 2009 à 9 h 32 min
  • IOSA Répondre

    Numéro 6 ?

    Et si j’ajoute 2x 6 à la suite, celà fait il toujours autant chrétien…M.Bonnal ?

    4 février 2009 à 1 h 19 min

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