J’aurais aimé pouvoir dire merci à M. Macron…

J’aurais aimé pouvoir dire merci à M. Macron…

La vie d’un entrepreneur est bien souvent plus dure que celle d’un salarié ; il ne faut jamais l’oublier parce qu’il peut tout perdre. C’est ce qu’a rappelé récemment le ministre de l’É­conomie, Emmanuel Macron.

C’est une évidence pour celui qui est ou a été à son compte. Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer le taux de suicides, nettement plus important pour les artisans, petits patrons, et agriculteurs (36 pour 100 000) que pour les salariés (25 pour 100 000, soit 44 % de moins).

Selon l’INSEE, 17,9 % des indépendants vivent au-dessous du seuil de pauvreté (c’est-à-dire qu’ils vivent avec moins de 12 000 € par an), contre 6,3 % pour les salariés !

Pour apporter un exemple concret, voici un résumé de ma vie d’entrepreneur :

  •  Création de mon entreprise en 1972 : j’ai dû, faute de moyens financiers, conserver mon em­ploi de salarié chez Peugeot (44 heures par semaine à l’époque) jusqu’en 1977. Pendant 5 ans, j’ai donc travaillé plus de 85 heures par semaine et je n’ai vécu que sur mon salaire de Peugeot, l’argent gagné avec mon entreprise étant immédiatement réinvesti dans celle-ci.
  •  Victime d’un accident de travail chez Peugeot en 1975, j’ai dû me battre contre mon banquier qui refusait de m’accorder un découvert de 5 000 F (750 €) pour honorer une traite. Je n’ai pas eu d’autre choix que d’aller travailler avec mes deux cannes, me faisant traiter de fou par les clients venus à la suite d’une annonce commerciale et qui, tous très compréhensifs, m’ont acheté une échelle en me payant d’avance et en acceptant d’être livrés plus tard. J’ai ainsi pu honorer ma traite et sauver mon entreprise. Mais j’en veux toujours au Crédit Lyonnais avec lequel j’ai rompu tout contact…
  •  Je n’ai pris aucune vacance pendant plus de 20 ans, travaillant, en outre, chaque samedi et chaque dimanche matin.
  • Partant à l’aventure avec seulement 150 F en poche, j’ai dû, tout au long de ma carrière, cautionner tous les prêts et engagements pris pour ma société, sachant qu’à la moindre défaillance, je me retrouverais à la rue et au resto du cœur. En effet, malgré l’obligation de cotisation qui nous est faite, nous, patrons de PME, ne bénéficions pas d’indemnisation en cas de chômage.
  • J’ai été harcelé, ponctionné par une administration « entrepreneurophobe » qui est allée jusqu’à me redresser (URSSAF) pour avoir osé aider un de mes salariés menacé d’expulsion de son logement avec deux enfants en bas âge, avant de revenir sur sa décision suite à une mobilisation médiatique sans précédent (j’en ai écrit un livre « Pa­tron en Mal d’Existence »).
  • J’ai pris un salaire, variant de 450 € à partir de 1978 à 5 000 € bruts l’année de ma retraite, ce qui veut dire que j’ai rarement dépassé le SMIC, si l’on compte les heures supplémentaires à +25 % jusqu’à 40 heures, +50 % jusqu’à 48 heures et +100 % jusqu’à 80 heures (à ce jour équivalent à 4 800 €).
  • J’ai failli tout perdre en 2009, à un an de la retraite, suite à la crise de 2008. C’est grâce au climat de confiance créé avec mes banquiers que ceux-ci m’ont aidé à passer ce cap difficile durant lequel mon épouse et moi ne dormions plus beaucoup la nuit…

Ma retraite venue, j’ai mis en vente mon entreprise, déconseillant fortement à mes enfants de prendre la relève. Entreprise de 30 personnes avec un CA de 3,5 M€ et résultat net de 9 % comprenant 8 000 m2 de bâtiments payés à 50 %, un million de matériel de fabrication et 1,5 M€ de stock entièrement payé : bénéfice récupéré après paiement des impôts et taxes inférieur à un million d’euros !

Oui, l’entreprise industrielle en France ne vaut pratiquement plus rien.

Pour cette phrase, qu’il a confirmée une première fois, Emma­nuel Macron méritait nos remerciements, mais c’est mal connaître la petitesse d’un homme politique.

Le ministre de l’Économie a, en effet, fait son mea culpa et s’est couché devant une seule auditrice qui lui reprochait sur France Bleu Provence de ne pas connaître la « vraie vie » alors que nous sommes trois millions de petits entrepreneurs à la subir…

Démoralisant !

Partager cette publication

Comments (3)

  • greg Répondre

    La vie d’un entrepreneur devrait être meilleure que celle d’un salarié, du fait d’être son propre patron, mais ce n’est plus le cas chez nous. Si l’on prend en compte :
    Toutes les normes à respecter selon le secteur d’activité
    Le harcèlement administratif
    Le niveau d’imposition et de charges sociales
    La complexité du droit social, fiscal etc…
    La difficulté de trouver des employés qui ne soient pas convaincu d’être exploités
    La difficulté d’obtenir un financement
    Les grèves et autres avanies en tout genre que seul notre pays sait générer

    Bref j’ai tout liquidé et je pars pour la Floride où là bas, j’ai découvert que la vie d’un entrepreneur pouvait être normale.
    On a qu’une vie mais heureusement il y a plusieurs pays.

    8 février 2016 à 16 h 32 min
  • Jaures Répondre

    Le problème est que l’image des petits entrepreneurs, artisans et commerçants, est polluée par celle des grands patrons et actionnaires.
    Les aides et dégrèvements de charges et impôts ne profitent malheureusement pour l’essentiel qu’aux grandes sociétés qui n’en font pas l’usage souhaitable.
    Sodexo a récemment obtenu des bénéfices record grâce en partie au CICE. La famille Bellon s’est empressée d’encaisser près de 100 millions d’euros tout en supprimant 750 emplois.
    Ce genre d’attitude montre que les TPE et les salariés ont les mêmes intérêts car les grandes entreprises qui réduisent leurs investissements pour des intérêts financiers à court terme, pénalisent également les sous-traitants et les commerces qui, avec les salariés, voient disparaitre leur propre activité.

    2 février 2016 à 18 h 48 min
    • Raspoutine Répondre

      Jaures@vous voila objectif – ce qui est rare quant à vos contributions sur d’autres sujets !

      9 février 2016 à 0 h 46 min

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *