La Bolivie vue par Hollywood

La Bolivie vue par Hollywood

Le dernier James Bond, au titre un peu ésotérique (Quantum of Solace), est un des plus mauvais de la série. Il est vrai que les James Bond se bonifient avec le temps, et que plus ils sont vieux, plus ils s’apprécient, Ursula Andress vient d’ailleurs d’être nommée la plus grande James Bond girl de tous les temps, pour s’être montrée en maillot de bain il y a presque un demi-siècle.

Contrairement à beaucoup, je pense que le départ de Sean Connery n’a pas été fatal à la série. Il y a eu d’assez mauvais films à l’époque de Sean Connery (Thunderball, les Diamants sont éternels) et d’excellents à l’époque de Roger Moore (l’homme au pistolet d’or, Moonraker, Octopussy), à qui l’on doit d’inoubliables prestations télévisées, comme le Saint ou Amicalement vôtre. Roger Moore a d’ailleurs critiqué la violence extrême du nouveau James Bond, Daniel Craig. Avec sa gueule de boxeur, ses manières de voyou, son accent cockney, Craig est à des années lumière du James Bond de Ian Fleming et du grand Terence Young, réalisateur de Docteur No et styliste de la série.

On regrette aussi les graphismes de Saul Bass, auteur des génériques de l’âge d’or, et la disparition des vieux « brits » comme Q et M. La nouvelle M, Judi Dench fait figure de déesse-mère ou d’instit acariâtre, toujours prompte à corriger un 007 qui s’efface devant sa hiérarchie administrative. L’entropie du personnage a commencé avec Pierce Brosnan, beau gosse sans personnalité, un peu trop au service, d’ailleurs, de l’empire arrogant de l’hyperpuissance.

Dans le même temps, le très bon scénariste Richard Maibaum a pris sa retraite, ainsi que l’immense compositeur John Barry, auteur des plus grands thèmes du cinéma (James Bond, Out of Africa) ou de la télévision (Amicalement vôtre, justement). Les méchants ne sont plus ce qu’ils étaient… Or, comme disait Hitchcock, « meilleur est le méchant, meilleur est le film… »

Dans Quantum of solace, Mathieu Amalric est tout bonnement ridicule (encore plus que dans Munich de Spielberg, où excellait notre admirable Michel Lonsdale, ancien méchant de Moonraker) entre son accent frenchie, son physique rabougri et son malaise existentiel, bien français aussi : du reste James (on devrait dire Jimmy ?) l’épargne et le laisse se débrouiller seul dans le désert.

Je n’aurais donc pas évoqué le dernier opus de la série si le sujet ne m’avait touché géographiquement de très près. Il est censé se dérouler en Bolivie et traiter du problème écologique.

La Bolivie est bien sûr totalement absente du film, et d’une manière grossière. Un passage est censé se passer à La Paz et l’on voit toutes nos ladies anglophones (Hollywood n’a pas encore compris qu’en Amérique du sud on parle espagnol, même si l’on n’y égorge plus les gringos) arborer des petites tenues. La Paz est située à 3 600 mètres d’altitude et j’y ai assez vécu pour ne pas la confondre avec la tropicale… Panama.
De même l’eau que défend le méchant écologiste Amalric (il est français, mais s’appelle Greene ? Ah oui, le péril vert…) pouvait donner de belles vues forestières, mais on la fourre dans le sous-sol du désert d’Atacama, censé lui se situer… en Bolivie. L’affaire a fait un petit scandale au Chili. Au passage, on signalera combien le film est laid, combien les paysages sont mal filmés, combien la musique est insignifiante, combien les cascades de voitures numérisées sont insupportables d’ennui.

Le vilain « landlord » écolo finance un coup d’état en Bolivie. Il y a longtemps qu’il n’y a plus de coup d’état en Amérique du sud. Par contre, on aurait pu s’intéresser à la pression de l’ambassadeur Goldberg qui rencontrait régulièrement les séparatistes des provinces périphériques du pays d’Evo Morales. Exaspéré, le leader nationaliste, socialiste et indigéniste a expulsé l’ambassadeur américain (anciennement attaché au… Kosovo) le 11 septembre dernier. Bush a aussitôt réintégré la Bolivie sur sa liste noire de pays trafiquants de cocaïne !

De même, on aurait pu s’intéresser aux landlords d’un peu plus près. 80 000 km2 de territoire argentin ont été « régalés », comme on dit ici, aux milliardaires gringos (le mot désigne « ceux qui parlent le grec », griego, qu’on ne comprend donc pas, les anglophones) en quête d’eau ou de Patagonie depuis les années 90, ère des privatisations ultra-libérales de Menem. Benetton (9 000 km2), le marchand de fringues de The North Face Douglas Tompkins (3 000 km2, surtout au Chili, qu’il a carrément coupé en deux en créant sa réserve de Pumalin), Ted Turner (3 400 km2 dans la superbe région de Bariloche), Joe Lewis, Stallone, des dizaines d’autres moins connus, ont participé à ce festin territorial et eschatologique.

Tout le monde, bien sûr, y dispose d’aéroports personnels et y atterrit en jet privé, pour économiser l’énergie. Si un jour prochain, l’air devient au sens propre irrespirable, si l’eau devient – comme le veut le spéculateur Jim Rodgers – cotée en bourse comme le pétrole, alors les riches nous feront savoir que nous ne pouvons plus respirer ni boire. J’avais abordé ce problème dans l’un des contes de mon recueil « Les Mirages de Huaraz ».

Revenant à James Bond, il est dommage de constater que le scénariste Paul Haggis, pourtant oscarisé pour Crash (certes, ce n’est plus un critère), a gâché un beau sujet : celui de la privatisation de la nature, de la beauté et de la survie de l’humanité. Mais on n’est plus à ça près dans le Meilleur… des Bond, Au Service secret de sa Majesté, on nous dépeignait un futur sous hypnose. Nous y sommes !

Partager cette publication

Comments (15)

  • Anonyme Répondre

    Bravo pour cet article. Je suis complètement d’accord sur le fond!

    28 décembre 2008 à 2 h 28 min
  • mohamed Répondre

    A Fox Renard

    Le fait de tout ramener et très lourdement (même une simple James Bond) à un Islam uniquement négatif tourne à l’obssession pathologique. ça se soigne ?

    Oui mon frère (ou ma soeur) potentiel(le), l’Islam est une religion de paix et d’amour, elle restera l’unique sur terre et la paix reviendra pour le plus grand bonheur de l’humanité.

    Abdel MOHAMED – Casablanca

    9 décembre 2008 à 20 h 31 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    matrix: Pourquoi mettez vous entre guillemets "sales riches"… si vous me re-lisez (ou si vous m’aviez lu tout simplement) vous n’auriez jamais vu ces deux mots. Il m’est donc inutile de commenter sur le reste….

    Il est vrai que vous n’aviez pas utilisé ces mots*) , mais ils sont implicites dans votre façon de décrire les faits. En ce qui concerne le traitement de votre logique, je ne peux que vous conseiller d’acheter une bonne bouteille de vin et de la manipuler plusieurs fois jusqu’à ce que vous en voyez le fond, peut-être que la vérité sur le sort des terres argentines vous sera alors révélée. Bonne chance!

     

    *) je les avais aussi utilisé dans ma première réponse, ce qui ne vous avait pas empêché d’y répliquer. Les arguments devaient manquer ce coup-ci.

    9 décembre 2008 à 8 h 40 min
  • FoxRenard Répondre

    Il faut TOUJOURS aller se rendre compte par soi-meme pour decider si un film est bien ou non. Il en est de meme pour tout dans la vie. Sa propre experience, sa propre opinion, y-a-que ca de vrai !
    Aujourd’hui, vous n’allez pas voir un film parce qu’un journaleux vous dit qu’il est mauvais, et demain, vous laisserez les islamistes couper pieds et mains et lapider les femmes parce qu’il vous affirmera que l’Islam est une religion de paix et d’amour.

    Il faut toujours se rendre compte des choses par soi-meme.

    8 décembre 2008 à 18 h 16 min
  • Anonyme Répondre

    A Luc Sembour :

    Tout a fait d’accord avec vous quand vous dites qu’"il faudrait qu’il y ait beaucoup plus de milliardaires qui se sentent la vocation et prennent ainsi en main a leurs frais de larges morceaux de la nature sur la planete pour les preserver". Mais les indigenes sont aussi capables de le faire !….

    A Hansimschnoggeloch :

    Pourquoi mettez vous entre guillemets "sales riches"… si vous me re-lisez (ou si vous m’aviez lu tout simplement) vous n’auriez jamais vu ces deux mots. Il m’est donc inutile de commenter sur le reste….

    8 décembre 2008 à 14 h 22 min
  • Luc SEMBOUR Répondre

    Il est très surprenant de trouver dans 4V des commentaires hostiles aux appropriations privées de très grands domaines en Amérique du Sud par des apôtres de l’écologie véritable.

    Je suis certain que c’est l’ignorance qui dicte ces commentaires. Le Français imagine tout de suite quelque chose d’apparenté au bétonnage de la côte Corse par des villas de « continentaux » (censées être luxueuses, alors que justement le problème est que les terrains de ces propriétés sont en fait minuscules, de 500 à 5000 m2 pour l’immense majorité).    

    En Amérique, les immenses propriétés ont toujours existé.

    Surtout, les conséquences  écologiques concernant les ventes d’Amérique du Sud à de très riches propriétaires Nord-Américains sont extraordinairement positives. Il faudrait qu’il y ait beaucoup plus de milliardaires qui se sentent la vocation et prennent ainsi en main à leur frais de larges morceaux de la nature sur la planète pour les préserver. L’Etat est toujours démagogique et gâche immanquablement à peu près tout sous la pression populaire.

    Pumalin Park et ses 762 000 acres soit environ 3100 km2 est devenu une merveille de préservation grâce à Douglas TOMPKINS et son émiettement aurait été un désastre. Ce paradis est d’ailleurs menacé par une autoroute que le Chili se propose de faire passer en plein milieu.

    http://news.mongabay.com/2006/1027-george_black.html

    LS

    7 décembre 2008 à 0 h 26 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    Matrix. <<…Ces terres appartiennent aux Argentins et c’est du vol de les leur prendre …>>

    Drôle de logique, Matrix, l’état argentin vend des terres et vous accusez ceux qui les achètent de voleurs. Les mots n’ont vraiment plus l’air d’avoir un sens chez-vous.

    Il fallait leur dire à l’avance à ces "sales riches" qu’ils étaient des voleurs, je suis sûr qu’ils auraient changé d’avis et ces terres seraient encore dans les mains des argentins.

    Enfin bref, quand un voyou vole l’autre cela fait match nul, vous trouvez pas?

    6 décembre 2008 à 17 h 41 min
  • Bainville Répondre

    En critique de cinéma vous paraissez plus doué que pour la politique ou l’Histoire 

     

     La" naissance du grand homme d’Etat"  a l’air d’avoir brisé votre carrière.

    6 décembre 2008 à 14 h 24 min
  • Matrix Répondre

    A Hamsinschnoggeloch :

    A qui ces riches etrangers ont-ils achete ces terres ? A l’etat argentin qui n’etait pas en mesure de faire la fine bouche puisque l’Argentine etait en complete faillite quand ces riches se sont permis de les acheter. Ces riches etrangers ont tout simplement profiter de la situation catastrophique de l’Argentine pour acquerir ces terres…. car ces riches n’en n’ont cure des familles qui ont perdues toutes leurs economies. Meme si ces terres prennent de la valeur maintenant… qui les achetera ? trop cheres…. Ces terres appartiennent aux Argentins et c’est du vol de les leur prendre !

    A FoxRenard :

    "il faut toujours aller se rendre compte par soi-meme etc….. il en va de meme dans la vie…"…. Je suis bien d’accord avec vous mais dans l’ideal… Car si je suis votre raisonnement il faudrait se laisser impressionner par la publicite d’un film pour aller le voir et ne jamais lire les critiques ou les opinions des journalistes… L’opinion est le dosage entre l’experience qu’ont vecu les autres et votre propre experience (j’ai vu Daniel Craig dans le precedent James Bond et je n’ai pas tellement aime, j’ai lu des critiques bonnes et mauvaises sur le dernier 007 et j’en conclu qu’il est violent et "cold blooded" et je sais que je n’aimerai pas ca). Je prefere a la rigueur attendre qu’il sorte en DVD ainsi je pourrai zapper.

    Bref, rester ouvert aux opinions des autres, ca peut toujours servir.

     

    6 décembre 2008 à 12 h 06 min
  • FoxRenard Répondre

    Il faut TOUJOURS aller se rendre compte par soi-meme pour decider si un film est bien ou non. Il en est de meme pour tout dans la vie. Sa propre experience, sa propre opinion, y-a-que ca de vrai !
    Aujourd’hui, vous n’allez pas voir un film parce qu’un journaleux vous dit qu’il est mauvais, et demain, vous laisserez les islamistes couper pieds et mains et lapider les femmes parce qu’il vous affirmera que l’Islam est une religion de paix et d’amour.

    Il faut toujours se rendre compte des choses par soi-meme.

    5 décembre 2008 à 16 h 45 min
  • FoxRenard Répondre

    Il faut TOUJOURS aller se rendre compte par soi-meme pour decider si un film est bien ou non. Il en est de meme pour tout dans la vie. Sa propre experience, sa propre opinion, y-a-que ca de vrai !
    Aujourd’hui, vous n’allez pas voir un film parce qu’un journaleux vous dit qu’il est mauvais, et demain, vous laisserez les islamistes couper pieds et mains et lapider les femmes parce qu’il vous affirmera que l’Islam est une religion de paix et d’amour.

    Il faut toujours se rendre compte des choses par soi-meme.

    5 décembre 2008 à 1 h 17 min
  • Jean-Claude THIALET Répondre

    "Les-4-Vérités"   – 04 12 08

    J’ignorais que "Les-4-Vérités" était devenu un journal de cinéma. Mais après "l’homme d’Etat" SARKÖZY, pourquoi ne pas nous reposer cette semaine avec le James BOND "nouveau" ?  De toute façon, je n’avais pas l’intention d’aller le voir. D’autant que je ne regarde même plus à la TV les "vieux" James BOND qui, si l’on en croit le nouveau thuriféraire du Président de la République, se "bonifient" en … bobines ! Pourvu, simplement, que Nicolas SARKÖZY se "bonifie" lui aussi avec le temps. Simplement question : lui faudra-t-il un nouveau quinquennat ? Et même un troisième ?

                                                     Cordialement, Jean-Claude THIALET

    4 décembre 2008 à 18 h 05 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    Matrix <<…Ces nouveaux riches proprietaires étrangers devraient etre expropries de ces terres volees a l’Amerique du Sud… >>

    Quelqu’un, un honnête américain du sud sans doute, a bien du les vendre à ces "salauds de riches". Pourquoi ne pas mentionner dans votre arcticle la crapule qui a fait ce sale coup? Au moins votre indignation serait plus équilibrée.

    Il est vrai qu’une fois développés par  " ces nouveaux riches" ces territoires expropriés vaudront leur pesant d’or.

    4 décembre 2008 à 9 h 30 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    Pour Nicolas Bonnal: Daniel Craig né à Chester dans le Cheshire a été élevé à Liverpool. Or du côté de Merseyside on parle scouse et ce dialecte assez spécial n’a aucun accent cockney à ce que je sache.

    3 décembre 2008 à 20 h 27 min
  • Matrix Répondre

    J’avais des doutes sur ce nouveau James Bond… Je n’irai donc pas le voir… Je n’aime pas trop ce Craig non plus… C’est une grosse brute sans ame.

    La privatisation de la nature est un vrai scandale… Ces nouveaux riches proprietaires etrangers devraient etre expropries de ces terres volees a l’Amerique du Sud… Mais dans bien des regions du monde les grandes chaines d’hotel s’accaparent des plages entieres (iles Maurice par exemple). Et meme a Cannes sur la Croisette des morceaux de plages sont reservees aux hotels et restaurants…. C’est tout simplement scandaleux….

     

    3 décembre 2008 à 11 h 12 min

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *