La pente et la côte…

La pente et la côte…

Lorsque Jean-Pierre Raffarin proposa la suppression d’un jour férié, les Français semblèrent accepter assez bien cette idée.
Je m’étais dit pour ma part : « C’est bien joli, mais quel jour férié ? », car c’est bien cela qui devait poser problème. Valéry Giscard d’Estaing s’était déjà cassé les dents autrefois sur le projet de supprimer le jour férié anniversaire de la victoire du 8 mai 1945. Il croyait à l’époque que cela favoriserait le rapprochement de la France et de l’Allemagne. Mais cette date symbolisait la chute du nazisme bien plus que celle de la nation allemande et elle ouvrait une ère de paix pour toute l’Europe, ce qui s’est confirmé. La fête fut donc conservée.
Non, ce n’est vraiment pas facile de supprimer un jour férié et je me suis amusé à passer en revue les jours suppressibles. Ce fut vite fait : je n’en trouvai que deux, mais j’acquis en même temps la certitude que le gouvernement n’oserait jamais choisir aucun de ces deux-là et qu’il tenterait de se rabattre sur un autre, donc échouerait.
Quelque temps plus tard, le gouvernement lança un « ballon-sonde » en suggérant que ce jour férié supprimé pourrait être le lundi de Pentecôte. Pure sottise qui allait immanquablement soulever contre elle l’unanimité de toutes les régions touristiques et la désapprobation générale des citoyens-travailleurs. Car la Pentecôte est une « pause » traditionnelle entre Pâques et juillet à laquelle personne n’entend renoncer. Mais enfin pourquoi avoir fait cette proposition qui ne pouvait qu’être impopulaire ? Eh bien, je vous le répète, parce qu’un gouvernement de droite est absolument incapable de supprimer l’une ou l’autre des deux seules fêtes qui ne représentent rien pour la majorité des Français. Quel est donc ce mystère ?
Faites cette expérience : postez-vous dans une rue passante avec un papier et questionnez les badauds en leur annonçant un sondage. La question sera la suivante : que fête-t-on le jour de l’Ascension et le jour de l’Assomption ? Si vous en trouvez plus d’un sur vingt capable de vous répondre avec exactitude, je vous paie une médaille en chocolat. Et si vous leur expliquez que l’Ascension célèbre l’Élévation miraculeuse de Jésus-Christ au ciel et que l’Assomption commémore l’Élévation tout aussi miraculeuse de la Sainte Vierge au ciel, je crains fort que vous ne vous attiriez des regards également élevés au ciel, voire quelques haussements d’épaules, sauf si vous avez la chance de tomber sur quelqu’un d’aussi poli que moi, qui attendra pour hausser les épaules d’avoir tourné le coin de la rue.
De toute évidence, Jean-Pierre Raffarin n’a proposé le lundi de Pentecôte qu’après s’être assuré auprès de l’épiscopat que ce choix ne ferait pas froncer les sourcils de notre Sainte Mère l’Église, comme ils disent. Il lui a été répondu que le dimanche seul était fête religieuse, et non le lundi. Ouf ! Mais proposer l’Ascension ou l’Assomption, il n’aurait même pas osé y penser. Il a donc suggéré le lundi de Pentecôte mais il est tombé sur un bec, une fois de plus. En arrivant à Matignon, M. Raffarin voulait grimper la côte ; on le voit plutôt glisser sur la pente. Or, comme le disait fort bien André Gide : « Il est bon de suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant ».
Comme je l’ai dit maintes fois et le répéterai jusqu’à mon dernier souffle, la France ne pourra jamais évoluer ni se réformer tant que la gauche sera prisonnière du marxisme et la droite du christianisme. Les députés et sénateurs de droite sont pour la plupart des notables provinciaux élevés dans la tradition catholique et incapables de s’en défaire. Ils sont, pour cette raison, totalement coupés de l’évolution nationale. Il n’y a pas d’autre explication au rejet obstiné par la droite d’une légalisation de l’euthanasie volontaire pourtant souhaitée par 86 % des Français. Entre le peuple français et sa classe politique, le divorce est depuis longtemps consommé.
Un sondage publié le 11 avril dernier nous apprenait que 55 % des Français disent croire en Dieu. Ce qui signifie que 45 % n’y croient pas. Ils n’étaient que 35 % dans ce dernier cas il y a cinq ans, ce qui révèle une progression moyenne de l’athéisme déclaré de 2 points par an. (Et compte tenu du poids des conformismes, je ne parierai pas cher sur la sincérité profonde de ceux qui disent encore « croire »). Bien que cette évolution ait sans doute des causes diverses, j’incline à penser que la religiosité archaïque et ostentatoire des Musulmans, que nos télévisions étalent en toute occasion, est pour beaucoup dans ce rejet du déisme par les Français, comme par les Européens en général, Hollandais en tête. Comme quoi même le pire peut être bon à quelque chose. C’est très réconfortant.

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Comments (14)

  • R. Ed. Répondre

    ” RELIGIONS ” A mon avis ce n’est pas le fait de se plier à des rites et de croire à des dogmes (c’est cela la religion, pour le bénéfice certain de leurs organisateurs-voir par exemple la richesse du Vatican)qui serait un idéal. Un athée , un agnostique peut aussi être un grand humaniste ,les exemples ne manquent pas .D’ailleurs, je n’ai pas connaissance de laïcs s’attaquant à des croyants mais par contre l’inverse ??? Pour ne pas parler des affrontements inter-religieux partout dans le monde, chacun considérant que sa vision dogmatique est supérieure à celle de l’autre et usant de la force, de toute la cruauté dont il est capable pour tenter de l’imposer à l’autre . C’est toute l’histoire de l’humanité,depuis la nuit des temps jusqu’à nos jours. La religion déclenchera la troisième guerre mondiale, lorsque les actes terrorristes, de plus en plus nombreux et de plus en plus lethaux auront atteint le point de non retour .

    15 mai 2004 à 11 h 44 min
  • echos100 Répondre

    pourquoi ne pas laisser les entreprises le prendre ou le négocier cas par cas sur les jours de RTT ? un peu comme l’horaire élastique de certaine structure qui n’oblige personne a e^tre à 8 h devant la pointeuse , mais de faire son temps de travail de 6 h par jour minimum

    15 mai 2004 à 11 h 11 min
  • Didier Répondre

    Averroes écrit: -“et si, au contraire, c’était le manque d’idéal et le repli égoïste sur un individualisme forcené qui dynamisait la religion la plus archaique et la plus rétrograde de toutes ? ” Franchement je ne vois pas où vous voyez ce repli égoïste sur un individualisme forcené. L’homme occidental n’a jamais autant donné, en pure perte et gabégie par ceux qui ont reçu, bien souvent. Il nous suffit d’ouvrir les yeux pour voir autour de nous toutes ces collectes, les plus diverses, qui vont tenter de panser les plus nécessiteux. Si la charité a toujours existé, il serait honnête de remarquer sa croissance sans précedent dans notre histoire, et que, l’accroissement des richesses profitent aussi aux plus pauvres par des canaux les plus divers. Vous ne manquerez pas de noter que le développement économique de l’occident a coincidé avec la baisse notable de l’influence et des superstitions religieuses sur les diverses sociétés humaines que vous fustigez… Et aussi que la levée de ce carcan a permit l’éclosion d’autres idéaux. Ah! la fameuse haine de soi…

    15 mai 2004 à 10 h 54 min
  • AVERROES Répondre

    “la religiosité archaïque et ostentatoire des Musulmans, que nos télévisions étalent en toute occasion, est pour beaucoup dans ce rejet du déisme par les Français, comme par les Européens en général, Hollandais en tête.” Fort bien! Mais si c’était l’inverse? Le rejet du déisme par les Français, comme par les Européens en général, Hollandais en tête, que nos télévisions étalent en toute occasion, ne serait-il pour beaucoup dans la religiosité archaïque et ostentatoire des Musulmans… Autrement dit : et si, au contraire, c’était le manque d’idéal et le repli égoïste sur un individualisme forcené qui dynamisait la religion la plus archaique et la plus rétrograde de toutes ?

    14 mai 2004 à 21 h 39 min
  • ah bon ! Répondre

    Les jours feries sont conçus pour commerorer des evenements communs aux francais.Les fetes religieuses catholique sont heritees d’un passe et d’un present de moins en moins commun.Les autres civils ou patriotiques sont encore present dans l’esprit des francais,meme si la partie festive n’est plus adapter a notre epoque.Supprimez des jours de fetes en perte de vitesse pourquoi pas,mais surtout pas pour des question de fric.D autres valeurs humaines existent,toujours le fric ,le fric; il faudrait que cela cesse.Pourquoi ne pas creer un jour ferie rappelant les valeurs universelles a laquelle tout humain a droit,ainsi que les devoirs que tout le monde (meme les usine a fric)devrai respecter.

    13 mai 2004 à 1 h 01 min
  • christophoros Répondre

    Rien ne changera parce que, droite et gauche sont financés par un club gigantesque d’investisseurs divers dont l’unique souci – qui se traduit par l’instruction donnée aux politiques qui ne sont que des “pantins” – est que l’inflation reste de l’ordre de 2% d’ici 2020. Pour amuser le bon peuple on lance périodiquement des projets ineptes style 35h puis dans l’autre sens suppression d’un jour férié. C’est encore mieux si ces projets ont un contenu “sociétal” (comme ils disent dans leur jargon) qui “fait sens” ( sic) style mariage des homosexuels, homoparentalité, protection de la “biodiversité” … et tout cela en ayant recours à des des concepts incertains comme “société civile”, “principe de précaution”, j’en passe et des meilleures…

    12 mai 2004 à 20 h 23 min
  • Observateur Répondre

    “la France ne pourra jamais évoluer ni se réformer tant que la gauche sera prisonnière du marxisme et la droite du christianisme.” … et tant que les français ne seront pas délivrés de nos politiciens socialo-marxistes, bêtes, incompétents, démagogues et menteurs.

    12 mai 2004 à 13 h 30 min
  • Les Amis du Lundi Répondre

    Le projet tel qu’il est actuellement, demeure une énorme bêtise, sur tous les plans : sociaux, fiscaux, réglementaires, religieux… Il faut continuer le combat, mettre la pression sur le Sénat, et agir : voir le site http://www.lesamisdulundi.com

    12 mai 2004 à 11 h 57 min
  • Tatangas Répondre

    Croyez vous vraiment cher Monsieur, que ce soit la France catholique qui s’est opposée au choix de la journée du Lundi de Pentecôte comme jour férié à supprimer pour aider les personnes âgées victimes de la canicule ? Si cela était vrai, il suffirait de se rabattre sur les fêtes laïques, par exemple le 8 Mai qui ne célèbre pas à proprement parler une victoire des armées de la France, ou bien le 11 Novembre qui célèbre une victoire dont il ne reste presque plus de survivants. Non, les français s’opposent simplement à la suppression d’un jour férié parce qu’ils ne veulent pas perdre une journée de vacances; ils en demanderaient plutôt une supplémentaire si la semaine de 35 heures ne suffisait pas à satisfaire leur soif de loisirs. Personne n’ose le dire à haute voix, mais je pense — peut-être ai-je tort — que c’est ce refus du travail allié à l’augmentation des charges sur les salaires pour ceux qui en reçoivent un qui est la cause principale de la situation dans laquelle se trouve notre pays par rapport aux autres pays d’Europe.

    11 mai 2004 à 22 h 15 min
  • cast Répondre

    Le problème n’est pas que la droite est prisonnière du christianisme,mais plutôt qu’elle est prisonnière du marxisme au même titre que la gauche.Ainsi,elle s’est aperçue que les français ne travaillaient pas assez-ce n’est d’ailleurs pas étonnant puisqu’on fait tout ce qui est possible pour les en dissuader -Et bien,plutôt que de supprimer les 35 heures,elle préfère bricoler en voulant éliùminer un jour férié

    11 mai 2004 à 13 h 14 min
  • X Répondre

    À ceci près que ces deux fêtes s’inscrivent dans la continuité de 2 000 ans d’histoire, tandis qu’il n’en est pas de même de fêtes comme celles du 1er ou du 8 Mai. Alors que la seconde devient anachronique la première eu pu être facilement attaquée au prétexte (fallacieux, j’en conviens) de son origine vichyssoise. Le Maréchal en effet l’institua en 1941 en rappelant au peuple de France : « Je tiens les promesses, même celles des autres ! ». Ce n’est certes pas le chef de l’État actuel (ou ses féaux) qui pourrait en dire autant… Ceci bien sûr pour ne rien dire du 14 Juillet, aussi nul que non avenu, et du Jour de l’An dont, une semaine après Noël (nativité ET solstice d’hiver), on se passerait pourtant sans regret. Quand à « l’euthanasie » (pourquoi serait-elle « volontaire » d’ailleurs ?) ce n’est pas en France qu’il faudrait l’appliquer, mais ailleurs… et précocement. « Nier Dieu, c’est croire en soi – comme crédulité, je n’en vois pas de pire ! Nier Dieu, c’est se priver de l’unique intérêt que peut avoir la mort. Et, pour tout dire enfin, l’athée n’est à mes yeux qu’un fanatique sans passion, sans haine, sans amour – sans ironie d’ailleurs – et, partant, sans excuse. Et, s’il faut en conclure, que faut-il en conclure ? Les témoignages accumulés de la présence au Ciel du Divin Créateur sont loin d’être probants. Mais, d’autre part – assurément – la “preuve du contraire” est inimaginable. Or donc, précisément, il n’en faut pas conclure. Il faut laisser à Dieu le bénéfice du doute. » Sacha Guitry, in Toutes réflexions faites

    10 mai 2004 à 23 h 37 min
  • Olivier Répondre

    France fille ainée de l’Eglise! tout bon français doit respeter le catholicisme. De plus, la liberté de conscience est une invention chrétienne et pas païenne.

    10 mai 2004 à 23 h 22 min
  • Malcolm X-XX-et-XXL Répondre

    Il est vrai que certaines années où ils sont mal placés les ponts sont une plaie pour notre économie. Mais à y calculer, que représente un jour férié de plus ou de moins réparti sur une année, une journée de travail de 7 heures, pour être légal : moins de 2 mn à rajouter aux autres journées de travail. L’Espagne qui est le pays d’Europe où l’on travaille le plus est également celui qui compte le plus de jours fériés. Tandis que l’effet moral de la suppression serait terrible, croyez bien que ça va traîner les pieds ce jour-là dans les entreprises. Ces breaks du printemps nous permettent de retrouver la famille quand on est dispersés. Souvenez vous de ce qui se passait à Solutré les lundis de Pentecôte.

    10 mai 2004 à 23 h 03 min
  • christophoros. Répondre

    Cet article approximatif de Monsieur Lance (on mélange tout style amalgame PRAVDA !) qui prouve une nouvelle fois qu’il n’est pas un “glaive”, m’ouvre enfin les yeux. Bon sang, mais c’est bien sûr ! La droite qui a voté la loi Weil est “prisonnière du christianisme”. Si c’est le cas, je m’en vais voter pour l’UMP… Cordialement.

    10 mai 2004 à 20 h 40 min

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