Le Sac Vuitton, signe extérieur de pauvreté.

Le Sac Vuitton, signe extérieur de pauvreté.

J’ai connu des temps meilleurs, comme tout le monde : mais telles sont les années 2010, après Bush ou Blair, avec Lula ou les Chinois, les différents krachs si bienvenus pour Goldman Sachs&consorts ; elles dessinent un destin profondément crade et lamentable, dont même les plus repus de stupidité socialiste ou capitaliste se rendent compte maintenant.

 

De quoi veux-je parler ? Oui, de la côte d’usure, qu’on appelait jadis côte d’azur. C’était un endroit pour riches, naturellement, et pourquoi pas, ils avaient de la domesticité, comme le remarquait Lénine ; mais, depuis le passage à l’euro, c’est devenu un endroit invivable pour les autres, les pauvres, et les prix y sont devenus, comme à Paris, tellement invraisemblables, de 5 à 100 000 euros le mètre carré, que la vie y est devenue comme impossible. Et l’on se retrouve comme dans la grotte du Cyclope, avec personne précisément, en attendant d’être mangés tout crus lors du retour de l’huissier ou du proprio.

Les riches y ont acheté leur baraque à quarante millions, au cap d’Antibes, au cap Roux, au cap Ferrat, où jamais ils ne viennent, les pauvres, les autres, pardon, fuient ; quand ils ont un peu de raison. C’est un peu comme du Descartes : je pense, donc je fuis. Il n’est plus temps de rester. On y erre parfois vraiment dans l’ère du vide, comme disait ce bon Lipovetsky. A ces tarifs en effet, on y fait le vide, sur la nouvelle côte d’Adam, d’où ne viendra pas la prochaine Eve.

Il reste quelques gens. Mais sur la côte d’usure, au moins entre Cannes et Menton, plus personne ou presque n’a de voiture personnelle ; tout le monde y crève de faim, monte donc dans les bus, dans les trains, quand ils ne sont pas en grève ou hors de prix, et rêve de se loger dans plus de 20 mètres carrés, quand ils n’ont pas été achetés à temps, c’est-à-dire à temps, vraiment, avant les années Volcker ou les années rigueur, avant l’euro, entre autres.

Quand on n’a pas de place, il est difficile de se reproduire, ou même de penser aux sentiments. Quand la vie est trop chère, il faut aller voir ailleurs. Quand le mètre carré vaut un an de SMIG ou huit mois de bac+5 (puisque dans le Sarkostan, c’est à ce prix que l’on estime le DEA, si l’on estime le footeux insulteur et fainéant à six millions d’euros), il devient difficile de fonder un foyer et d’avoir des enfants, à moins de se les refiler, comme le font les innombrables familles recomposées.

Un Signe, le sac Vuitton

C’est ainsi que l’on voit plein de jolies jeunes filles, et même un petit peu vieilles, puisque tout vieillit sur cette terre, même Binoche ou Marceau, fort célibataires, mais peu endurcies, et qui, se rendant compte de leur prolétarisation récente, qui ne fut donc pas celle de leurs parents, mais celle seule de leur génération, se désespérer, et se raccrocher à ce qu’elles peuvent avoir : un sac Vuitton, un chihuahua, un Blackberry. Le reste est hors d’atteinte, sauf le pastis entre copines, qui est devenu d’usage sur la côte d’usure. La programmation cybernétique de la société postmoderne, décidée sous Nixon ou Pompidou, a ainsi porté ses fruits : on est désexualisé, on ne conteste pas, on est pauvre, et on fait profil bas. Et qui en profite ? Pas Nietzsche, pas Lénine, pas Sorel, non : Bernard Arnault ou Bettencourt, les people les plus riches de l’Hexagonie.

Alors on voit de splendides sirènes monter dans des bus bondés avec leurs attributs nouveaux, crème machin, colifichet : si je ne peux me payer un mètre carré, du moins pourrai-je, moi qui vis dans une chambre de bonne ou chez mes parents, me payer un Signe. Et ce signe c’est le sac Vuitton. On reconnaît une pauvre à son sac Vuitton.

Le luxe n’est plus ce qu’il fut : il est aujourd’hui symbole de prolétarisation, signe de désespoir, symbole d’une civilisation terminale, où les anciens princes charmants, hommes désexualisés n’ont plus rien à apporter aux femmes ni l’inverse.

Pendant trente ans, nous avons eu des rêveries richissimes, comme aurait dit Baudelaire. Aujourd’hui, la société bat de l’aile. Bernard Arnault n’a cependant pas de soucis à se faire : les pauvres de son Nouveau Monde ne voudront pas d’un nouveau petit Livre Rouge, ils voudront l’un de ses sacs. A quand un chat botté, qui défiera ceux qui ne se rallient pas à un sac Vuitton, mais à un panache blanc ?

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Comments (6)

  • WatsonCorsica Répondre

    Pourquoi s’en prendre à une région ?

    C’est un débat stupide et ringard de vieux cons qui n’ont plus rien à dire…

    11 juillet 2010 à 22 h 50 min
  • Clément Répondre

     

    Oh que oui! La côte d’azur n’a plus d’authentique que la mer et les roches. J’ai connu Nice et Toulon en 1962 lors de l’exil d’Algérie. la Provence m’était étrange mais bien dans sa terre! Et Nice méritait encore son surnom de "bella".

    Je l’ai quitté il y a 20 ans en y revenant chaque année, et la dégringolade m’est apparu dans la manière des femmes de s’avilir par le comportement et la tenue! Même les plus agées! Et la saleté d’envahir ce qui fut une promenade bien entretenue!

    Et les Russes, et les émirs à Cannes, et tutti quanti!

    Car les Russes ne sont plus ceux de l’église du Tsarévitch!

    Reste la Mare Nostrum qui les défie de son étal bleu.

    Un Méditerranéen "for ever"

    10 juillet 2010 à 10 h 07 min
  • Jaures Répondre

    Inutile de vous lamenter sur l’évolution des moeurs, cher Nicolas:" Quae fuerant vitia, mores sunt" disait votre auteur favori.

    Faîtes comme moi: profitez de la montagne, la vraie, et laissez cette faune sordide s’ébattre entre-soi.

    9 juillet 2010 à 15 h 47 min
  • mag Répondre

    Je vis près de Nice depuis quelques années et je dois dire que la caricature n’est pas fausse… , bravo Mr Nicolas Bonnal ! Le sac Vuitton ,c’est une des choses d’ailleurs qui m’a frappé içi en French Riviera !Oui je l’appelle encore ainsi… , nos amis Américains l’idéalisent tellement ,un peu trop d’ailleurs !(Je suis d’origine Lyonnaise et mes enfants y sont nés )Cet article me plait et est écrit avec beaucoup d’humour et lucidité ! d’ailleurs je m’étais faite certaines constatations identiques et je pensais que cela venait uniquement de moi….

    9 juillet 2010 à 15 h 05 min
  • Toulonnais Répondre

    Un article au cynisme bancal, mal écrit et perclus de contre-vérités (pour ne pas dire mensonges).

    Enfin, reclus dans vos bureaux capitonnés de votre région bobo-francilienne, on vous pardonne de méconnaître parfaitement la Côte d’Azur.

    9 juillet 2010 à 12 h 00 min
  • next63 Répondre

    "On reconnaît une pauvre à son sac Vuitton"

    Je dirais plutôt à son imitation de sac Vuitton acheté sur le marché de Vintimille juste à côté.

     

     

    9 juillet 2010 à 11 h 05 min

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