L’enfer ordinaire et la résurrection de Dieu

L’enfer ordinaire et la résurrection de Dieu

Non ! L’enfer n’est pas situé dans les entrailles de la terre et, contrairement à ce qu’on a toujours raconté aux petits enfants, toujours prêts à faire de grosses bêtises, il n’y a pas de grandes flammes qui brûlent chaque jour et font donc horriblement souffrir tous ceux qui durant leur vivant, ont passé leur temps à être méchants avec leurs semblables et à en jouir. Car l’enfer est une chose bien plus insidieuse. Il est reptile, il rampe et se faufile pour ne pas être vu, pouvoir attaquer et faire mal quand bon lui semble, c’est à dire chaque jour. Il est en effet sur la terre ferme et sévit en chacun des points les plus reculés de celle-ci. Il est tout simplement ordinaire, bassement ordinaire.

Depuis que l’homme est homme, il prend plaisir à l’accabler sans se lasser. Il agit par la maladie pour le décimer et rendre malheureux ses proches. Il fait de la majorité d’entre eux de pauvres types qui ne seront toute leur vie que des êtres insignifiants. Par les tempêtes, il détruit leurs récoltes, leurs villages et leurs villes, c’est à dire bien sûr, tout leur travail. Il s’amuse à délier les liens d’amour qui s’étaient tissés il y a parfois longtemps entre l’homme et la femme et se réjouit de voir le désespoir de leurs enfants pour qui, en un instant voient le monde réconfortant jusque là, se fendre en deux. Sans compter qu’il est l’auteur d’une autre espèce d’enfants malheureux : les orphelins ! C’est lui qui fait qu’il y a beaucoup de pauvres et très peu de riches, des riches qui, la plupart du temps, dédaignent les pauvres.

Il aime faire trembler la terre et causer des milliers de morts. Sur ses océans, il a toujours apprécié engloutir les marins. Il a créé le très chaud ; il a créé le très froid pour que les hommes ne se sentent jamais bien dans leur peau. Et surtout, il fait d’eux, comme les animaux qui les entourent, deux grands groupes différents qui ne pensent qu’à se détruire, les prédateurs et leurs proies. C’est lui qui est à l’origine de cette notion imbécile de territoire qui veut que celui-ci appartienne à l’un – le plus fort bien sûr, car il a aussi créé les forts et les faibles ] et soit interdit à l’autre. Il est parfois tellement résolu dans sa volonté de répandre le mal, qu’il pousse un grand nombre d’entre eux au suicide.

Bref, il est partout et est la couleur de tout. Elle est, là la seule raison pour laquelle on l’appelle “l’enfer ordinaire” ! Tout simplement parce qu’on ne le perçoit même pas distinctement ; qu’on n’est pas capable de lui donner une forme précise, une identité. Il est simplement multiple parmi nous, une nature faux-jeton.

Mais il arrive un jour que, dans la très grande histoire des hommes, des peuples se dressent soudain et cela, sans qu’on ne connaisse réellement les ressorts de ce sursaut contre ce qu’il faut bien nommer l’ordre des choses. Car voilà en fait ce que serait cet infâme enfer ordinaire, ce miasme et cette horrible glue sur les hommes. Et c’est un immense refus, un non catégorique que ceux-ci jetteraient à sa face hideuse. Comme si, dans un même moment, leurs consciences jusque-là embrumées, percevaient la lumière ; comme si la vie se dévêtait de ses horribles oripeaux ; comme si, en un instant, ils avaient reçu la sublime intuition qu’ensemble ils allaient pouvoir enfin maîtriser la bête immonde ! Car désormais en effet, ils vont devenir les maîtres exclusifs de leurs destins. Car désormais, ils se sentent emplis d’une même exaltation, une exaltation partagée en quelque sorte.

Et derrière cet élan fou, cette vitalité nouvelle, étrangement, se profile toujours et très distinctement, comme dans l’exercice d’une mécanique bien huilée, un “conducteur d’âme” selon l’expression de Hegel qui précise : “s’ils suivent ces conducteurs d’âmes, c’est parce qu’ils y sentent la puissance irrésistible de leur propre esprit intérieur venant à leur rencontre”. A examiner au plus près l’histoire des hommes, on constate qu’il existe trois sortes de conducteurs d’âmes : les créateurs d’empires, les créateurs de religions et les créateurs d’une nouvelle vision du monde. Or, ce qui frappe, c’est que derrière l’exaltation partagée, c’est l’obsession inconsciente de territoire qui anime le mouvement grandiose, comme si l’enfer ordinaire n’avait pas totalement disparu des esprits rénovés, comme s’il était resté sous forme de résidu. Or, l’exaltation partagée de ces peuples en quelque sorte survoltés, se traduit toujours par des marches, des avancées, des mouvements imparables qui, en toute bonne logique, bouleversent jusqu’à détruire, les autres peuples restés dans la léthargie de leur enfer ordinaire. Et invariablement, on assiste alors toujours à de véritables apocalypses c’est à dire à des destructions de villes, d’industries et de champs cultivés et bien sûr à des extermination de populations. Car derrière l’exaltation partagée des peuples en mouvement se greffe la certitude inébranlable d’être dans le droit chemin ou plutôt dans la voie de la vérité ce qui confère un indicible sentiment de supériorité. Et ce sont dans ces moments précis d’histoire que surgissent les pires tyrans même si, paradoxalement, les créateurs de religion sont dans leur très grande majorité, animés de la volonté de répandre la paix et l’amour parmi les hommes celles-ci se dévoyant tout naturellement dans une propension à se répandre et donc à renouer avec la notion négative de territoire propre à l’enfer ordinaire.

Alors une morale toute simple s’impose – un peu comme dans les fables de La Fontaine : il est préférable de ne pas susciter la colère de l’enfer ordinaire sous peine de le voir prendre une ampleur apocalyptique. Et il est impératif d’affirmer alors, contrairement à ce qu’a déclaré pompeusement Hegel que ces peuples pris d’exaltation partagée et conduit par des hommes hors du commun, ne vont nullement vers l’Universel qui ne serait finalement que Dieu. Ils ne s’élèvent pas vers Lui mais ai contraire, ils s’effondrent. Et paradoxalement, ils ne font que du sur place car tous leurs efforts d’un nouveau monde enfin enchanteur, n’est que funeste illusion !

Alors, l’humanité entière serait-elle donc condamnée à errer pour l’éternité dans cette brume épaisse et opaque ? A avancer à tâtons, en se heurtant elle-même et heurtant les obstacles évoqués plus haut ? Certainement pas ! Car les choses de la vie en fait sont beaucoup plus simples qu’il n’y paraît. En effet, dans toute brume, il arrive toujours des espaces où elle se lève et dans ces moments précis, une luminosité extraordinaire s’impose toujours, rendant souvent le paysage le plus ordinaire en un paysage tout enveloppé d’une luminosité indicible et irréelle comme sécrétée par une force hautement réparatrice. Et les hommes alors tomberaient comme dans une sorte d’envoûtement sans même que leurs consciences en soient éveillées. Ils seraient sous l’effet de la contemplation et à travers cette même contemplation, ils ressentiraient un grand souffle de paix et d’amour et un besoin irrésistible de se rapprocher les uns des autres. Ils comprendraient alors tous ensemble que ce souffle irrépressible n’est autre que Dieu mais Dieu libre cette fois de toute appropriation partisane comme cela avait toujours été le cas jusqu’alors, appropriation partisane qui n’avait fait de Lui qu’un objet magnifié pour servir leurs seuls intérêts égoïstes. Chacun de nous a ressenti dans sa vie et plusieurs fois une telle emprise bienfaitrice sur son âme. Les exemples abondent : c’est la beauté d’un paysage, le charme fou d’une femme qu’on rencontre un jour, la pureté de petits enfants qui s’agitent devant vous, l’éclat inouï d’une oeuvre d’art…

Le problème est que l’homme n’a pas cherché jusque là à l’intégrer dans sa conscience comme étant un phénomène placé hors la routine de la vie ; qu’il n’a pas cherché à en analyser la provenance de façon rationnelle. C’est cet effort qu’il doit réaliser aujourd’hui dans le but de favoriser en lui l’émergence d’une foi nouvelle. Il doit en quelque sorte, rechercher le ciel par la recherche quasi-continue de toutes ces beautés qui émergent de la brume de l’enfer ordinaire ; il doit garder sa conscience en perpétuelle ouverture de celles-ci. Jusqu’alors, il restait étrangement hermétique, dénué de cette curiosité bienfaitrice, presqu’aveugle et sourd, embrumé finalement dans l’enfer ordinaire sans même se poser la question d’une possible beauté générale du monde. En fait, il demeurait proche de la bête, une sorte de mécanique remontée comme l’aurait écrit Descartes. Et de cette foi nouvelle, il va sentir émerger en lui une force indicible. Mais cette appréhension nouvelle et régénérée du monde doit être impérativement collective.

D’où l’intérêt de ce livre, car la prise de conscience individuelle, dans ce monde foncièrement matérialiste et menacé par cette religion fondée essentiellement sur la haine qu’est l’islam – il suffit de lire le coran et de faire le constat de ses méfaits sanglants pour s’en convaincre – serait sans effet. La prise de conscience en effet doit être générale. Il est vrai qu’il lui arrive cependant de l’être parfois lorsque, réunis par centaines et même par milliers, nous sommes pris par un véritable envoûtement collectif lors d’un concert, lors de la contemplation d’un tableau de Claude Monet ou autre grand peintre, lors de la vision d’un film, lors de notre participation à une fête ou lors de la célébration d’un événement exaltant notre appartenance à notre unité nationale. Tout cela serait comme une unité autrefois perdue qui nous implorerait de la reconstituer ; des fleurs magnifiques éparpillées sur le sol ayant formé il y a longtemps un bouquet immense qui aurait un jour glissé d’une main féminine fragile ;  une “symphonie fantastique” de la vie qui demanderait qu’on la recompose ; ou encore le tableau d’un grand maître enlaidi d’une poussière graisseuse due au temps qui passe et qui exigerait une rénovation !

Il ne s’agit surtout pas bien sûr de créer une nouvelle Eglise sclérosée comme elle le fut par le passé et qui ne ferait que choir de nouveau dans une pitoyable apocalypse : mais de s’orienter spontanément dans une nouvelle exaltation partagée qu’on doit créer, une exaltation partagée, mais cette fois purifiée. Et pour ce faire, il n’y a pas honte à nous référer à Jésus car il s’inscrit depuis plus de 2000 ans dans notre propre identité et surtout car c’est l’amour qu’il nous a enseigné. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’ il nous a enseigné la naïveté : aimer n’est pas accepter la haine de ceux qui veulent nous exterminer. Aimer, c’est d’abord nous aimer entre nous pour leur résister, nous qui venons de prendre conscience qu’un jour Dieu a été brisé en multiples morceaux qu’il nous appartient aujourd’hui de rassembler ! Aimer, c’est leur faire front dans une inébranlable solidarité – ce qui est bien loin d’être le cas aujourd’hui ! – jusqu’à aller les faire douter de la haine dont, tout petits, ils ont été emplis, cette haine qu’ils veulent user contre nous dans le seul but de nous détruire et de dominer le monde sur son seul fondement. C’est à une nouvelle chrétienté qu’il nous faut faire appel, ou plutôt qu’il nous faut reconstruire, à la chrétienté des origines qui était celle de la pureté parfaite parce qu’elle n’était que la moisson de toutes les beautés du monde originel, celle d’avant le Déluge en quelque sorte parce qu’elle n’avait pas encore été souillée par la vilénie de l’homme, cette vilénie qui est en fait à l’origine de l’enfer ordinaire. Beautés éparpillées à réunir en un immense bouquet d’où naîtra l’amour, mais un amour lucide qui sait que la haine restera toujours à l’affût dans ce monde de surcroît perpétuellement attiré comme par une drogue, dans le matérialisme destructeur.

C’est à la résurrection de Dieu qu’il nous faut, sur le champ, nous consacrer. Dieu est blessé, Il est brisé. Il attend qu’ensemble, on s’éveille, qu’ensemble, on se baisse pour ramasser ses multiples luminosités que naïfs, inconscients, on perçoit à peine, chacun égoïstement, dans son petit coin obscur ; et qu’ensemble enfin, on les réunisse pour qu’Il puisse de nouveau jaillir ! Il aspire à ce que nous devenions des chrétiens régénérés !

Philippe Arnon

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Comments (4)

  • BAINVILLE Répondre

    Les 4 vérités sont de plus en plus décevantes.

    Cet article commence mal, avec la négation de l’existence de l’Enfer et de ses peines physiques et morales pour l’éternité. Et pourtant Le Christ a suffisamment affirmé son existence et certaines de ses caractéristiques.
    L’auteur, emporté par son”inspiration” nous assène que Dieu “est brisé en mille morceaux”, et que nous devons aller vers une”exaltation partagée.”
    La “pureté parfaite” d’avant le Déluge, est une idée totalement fausse, puisque le péché originel avait déjà blessé la nature humaine et que le déluge venait à titre de châtiment pour tous les crimes commis par les hommes aveugles et obstinés dans leur refus de Dieu.

    2 janvier 2021 à 17 h 42 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    Le ciel et l’enfer se côtoient étroitement en chacun(e) de nous
    Tantôt nous sommes dans l’un ou dans l’autre suivant les circonstances extérieures auxquelles nous sommes livrés.
    Par nos contributions individuelles bonnes ou mauvaises nous influençons le cours des évènements dans la société humaine.

    Le combat entre le choix du ciel ou de l’enfer est permanent et dure toute notre existence terrestre.
    Le bilan global de cette lutte sera déterminant pour ce qui nous attendra après avoir quitté notre enveloppe charnelle.

    Jésus-Christ doit rester notre unique exemple pour nous guider dans la bonne voie.
    Ce n’est pas facile car le chemin est tortillleux et plein de ronces.
    Mais c’est l’unique chemin.

    31 décembre 2020 à 17 h 45 min
  • Jean de Bridiers Répondre

    La présentation que fait l’auteur Philippe Arnon, dans un style flamboyant et inspiré, de la « Résurrection de Dieu », donne une furieuse envie de quitter tous les enfers dans lesquels il nous plonge et que nous connaissons bien pour notre malheur, pour imaginer ce que serait notre monde débarrassé de cette engeance : un paradis. Le Paradis qui nous est promis par notre Créateur au terme d’une vie exemplaire d’amour de Dieu et de notre prochain. Il est tentant de suivre l’auteur qui pourrait avoir découvert dans l’histoire de Jésus, les trésors de vie qui nous ont échappé ou que nous devons nous remémorer pour renouer avec l’Espérance de vivre un jour au Paradis, dont le même Jésus nous a demandé de réunir les conditions de son existence sur cette terre.

    29 décembre 2020 à 19 h 37 min
  • Gérard Pierre Répondre

    L’Enfer ?

    Sartre, cet exécrable littérateur pontifiant, dépourvu de tout courage physique, vivant en permanence à contre courant des événements, prétendait que l’Enfer, c’était les autres ! … ce qui révélait plus qu’il ne l’imaginait toute sa bassesse : …

    Il avait simplement oublié qu’il était lui-même l’Autre du reste de l’Humanité !

    L’Enfer, c’est plutôt, ici bas, un lieu insaisissable, à la fois physique, intellectuel, mental, spirituel, affectif, … un espace polymorphe, … dans lequel l’Amour est totalement banni !

    On peut le connaître ou l’avoir connu, sans pour autant l’avoir mérité !

    Dans ce segment d’existence qu’est la vie terrestre, l’Enfer peut concerner tout un chacun, bon ou mauvais ! … C’est l’Homme, qui dans ce qu’il a de plus égoïste, de plus cruel, de plus bestial, de plus mauvais, qui décide d’instaurer l’Enfer pour ses semblables !

    C’est donc un lieu d’apprentissage, un lieu de réflexion, un lieu d’observation où tout un chacun se détermine non seulement en fonction de ce à quoi il aspire pour lui, mais aussi et surtout en considérant ce qui, à ses yeux, est bon pour l’Humanité dont il n’est qu’un humble Élément.

    L’Enfer peut prendre les aspects les plus hideux lorsqu’il est conceptualisé et mis en œuvre par une pseudo religion qui « divinise » l’homme et le mets au centre de son idéologie ! … Il y eut ainsi l’Enfer révolutionnaire de 1789 et des années suivantes, l’Enfer communiste, l’Enfer national socialiste, et, … comme certains « myopes » semblent le découvrir aujourd’hui : l’Enfer islamique !

    Mais il y a aussi d’innombrables Enfers plus softs, moins spectaculaires, voire plus « tolérés » : l’Enfer au travail, l’Enfer familial, l’Enfer scolaire, l’Enfer de la solitude, de l’indifférence, de la déchéance physique, sociale, … et tant d’autres Enfers encore !

    Mais, … Dieu Merci, … il existe aussi, ici et là, des îlots de Paradis !

    Dans ces lieux tout aussi insaisissables, à la fois physiques, intellectuels, mentaux, spirituels, affectifs, … dans ces espaces tout aussi polymorphes, … l’Amour règne !

    Et cela constitue toute la différence !

    Mais, attention ! … ces Paradis sont fragiles.

    Les instigateurs de l’Enfer banal de ce monde les ont à l’œil et cherchent à les réduire pour les détruire ! … Ils constituent, à leurs yeux, d’insupportables lieux de défiance envers leurs pouvoirs, des îlots d’arrogance qui offensent leurs incommensurables orgueils, leurs dignités mal placées !

    Parfois, la lutte peut sembler inégale !

    Pourtant, je suis convaincu qu’au fond de Lui-Même, le plus grand nombre est viscéralement habité par le besoin d’Amour, de Justice, d’Équité, … et qu’il finira par l’emporter sur cette minorité dominante et paralysante qui cherche à entraîner la Multitude dans le malheur !

    Courage et confiance : « Spiritus ubi vult spirat » – Saint Jean.

    29 décembre 2020 à 18 h 28 min

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