L’enseignement des sciences en France

L’enseignement des sciences en France

Quel avenir pour l’enseignement scientifique en France ?

Notre système éducatif connait une crise sans précédent. Certes les résultats du baccalauréat sont bons ou plus exactement conformes aux quotas préalablement fixés par nos dirigeants. Les taux mirifiques de réussite au bac s’affichent au prix de savantes manipulations : des épreuves qui n’ont plus ni queue ni tête, des barèmes de correction surveillés en haut lieu. Une gigantesque et coûteuse tartufferie qui se reproduit d’années en années. Jusqu’à quand ?

Plutôt que de sanctionner un niveau de fin d’études, il s’agit surtout de faire sortir une classe d’âge donnée de la formation où elle a été placée. Collège unique officiel, lycée unique officieux, les parcours scolaires sont devenus très monolithiques. En dix ans, l’éventail des spécialités du baccalauréat s’est considérablement réduit : il ne reste que trois sections pour le baccalauréat général : L, S et ES. Finis les bacs D, E, F, G, qui rendaient pourtant de très grands services en termes d’orientation. Mais il s’était institué une hiérarchie dans l’imaginaire des cadres de l’Education Nationale, puis dans la société toute entière, hiérarchie insupportable aux yeux des égalitaristes de l’institution ! Il fallait donc que nos politiques se croient obligés de casser du bac « S », symbole de la « C-lection » comme le qualifiaient les soixante-huitards de l’époque. Sarkosy et Darcos qui ne souhaitaient pas rester à la traîne, se sont officiellement offusqués de l’existence de filières sélectives. (cf l’interview au journal Le Monde du 18 juillet 2007). Quelle hypocrisie !

En France, chacun veut être soigné par les meilleurs médecins, conduit par les meilleurs pilotes, défendu par les meilleurs avocats, hébergé dans les meilleures constructions, transporté dans les meilleures voitures, mais on ne supporte pas l’idée de la moindre sélection dans les formations professionnelles !

La filière dite scientifique reste pourtant, dans l’imaginaire des parents, la plus formatrice au point qu’il est fréquent de penser qu’avec un bac « S » toutes les portes vont s’ouvrir.. Douce illusion !

Pour « lisser » les différences, on a commencé par un savant brouillage des programmes. La soit disant nécessité d’un décloisonnement des disciplines offrait un prétexte tout trouvé. L’enseignement de la physique, pour ne parler que cette discipline, inclut désormais de nombreux développements sur des thèmes « transversaux » à la mode.  Ainsi les développements sur les diagnostics médicaux en classe de seconde, l’astrophysique, les médicaments, les colorants … le tout sur fond d’écologie bienpensante ! Les TPE (ou « travaux personnels encadrés » ) s’inscrivent dans ce même courant de pensée consistant à faire croire à l’élève qu’il peut traiter n’importe quel sujet, quand bien même il n’aurait pas les prérequis nécessaires. Mais qu’importe ! L’élève se fait plaisir et c’est ce qui importe à l’institution.

On voit désormais une nouvelle génération d’inspecteurs venir dire aux professeurs qu’ils ne doivent plus faire cours, qu’ils ne sont pas là pour ça.
Pas étonnant que le malaise grandisse chez les enseignants ! Animation, facilitation, voici les nouvelles missions dévolues aux enseignants qui doivent « accompagner les élèves dans la construction de leurs propres savoirs ». Il n’empêche qu’il y a encore des programmes, aux contenus ambitieux et sophistiqués, histoire de noyer le poisson et de ne pas trop affoler les parents. On n’est plus à une contradiction près !

Et pour justifier cette mini révolution, peu visible pour le grand public mais néanmoins très nocive, plutôt que de mettre en avant les pédagogies « miracles » de Philippe Mérieux, censées enrayer l’échec scolaire, on préfère désormais s’en remettre à l’argument plus pragmatique selon lequel internet permet d’accéder à tous les savoirs, et que, par conséquent, le prof doit tout simplement cesser de faire cours.
Pourtant, si effectivement l’internet constitue une avancée prodigieuse en matière d’accès à la connaissance, il est loin d’être suffisant pour permettre aux jeunes de construire leurs propres savoirs. Déjà pour la bonne raison, qu’avec plus de 30 heures de  cours  par semaine, collégiens et lycéens ne sont guère motivés pour aller chercher le soir, des cours sur internet.. Et on les comprend !

De plus, faudrait-il qu’ils maîtrisent correctement ce nouvel outil. Or la grande diversité des sites et leur manque de transparence, rendent souvent difficile une navigation raisonnée. Autant internet est bien adapté à des recherches ponctuelles, autant l’appropriation d’un cours n’est guère facilitée par cet instrument.

En réalité, le jeune se disperse et ne construit rien du tout. L’apprentissage via internet se résume souvent à une dichotomie questions /réponses. Il en résulte une difficulté évidente à faire des liens entre les informations reçues, difficulté souvent compensée par un travail de mémorisation à outrance.

Une tête plutôt bien pleine que bien faite… voilà le résultat d’un enseignement de plus en plus déstructuré. Et il est bien difficile pour le professeur d’inverser la vapeur. Placé d’égal à égal avec l’élève, passé du statut de maître à celui de grand frère, son autorité n’est plus ce qu’elle était !
Si l’on parle de plus en plus des ravages produits par la méthode globale en primaire, on passe trop sous silence l’inquiétude régression de l’apprentissage des mathématiques. La démonstration étant devenue discriminatoire, on n’en fait plus ! Idem pour le calcul mental jugé d’un autre temps. Les dégâts sont là ! Un pourcentage, une simple règle de trois posent des problèmes insurmontables à bon nombre de bacheliers, y compris dans les sections dites scientifiques. A l’illettrisme tant déploré s’ajoute désormais une dyscalculie massive et inquiétante.

Et, le plus grave est qu’on n’en parle jamais ou très peu. Bien sûr, ce constat va de pair avec ce qu’il est convenu d’appeler une baisse de niveau, un nivellement par le bas… Faut-il voir dans l’effondrement d’une structure à Roissy en 2006 ou bien dans le crash d’un airbus d’Air France au large du Brésil les signes avant-coureurs d’un déclin technologique français ?

Et pour ne pas affoler les familles, qui s’imaginent encore que la poursuite d’études est une chance de promotion pour leur progéniture, l’enseignement supérieur reproduit les recettes appliquées au lycée pour traiter l’échec massif en première année d ‘université : quotas de passages, gonflage des notes, discours diabolisant sur le redoublement… On se moque bien de l’intérêt de l’élève, pourtant placé par décret « au centre du système éducatif ».

Or certaines analyses assez en vogue, tendent à dire que ce déclin éducatif est voulu, afin de faire des citoyens qui réfléchissent peu, qui soient surtout de bons consommateurs et d’obéissants électeurs… Relayé par les syndicats qui y voient la conséquence d’une réduction drastique des moyens, ce discours n’est guère crédible.

Personnellement je ne pense pas que nos dirigeants soient aussi machiavéliques. L’intérêt de toute nation n’est- il pas d’avoir une jeunesse la plus instruite possible ? D’ailleurs l’allongement sans fin de la scolarité va bien dans ce sens. Alors pourquoi ?

Il y a d’abord le déni de réalité : le refus de regarder en face la baisse de performance du système éducatif français, pourtant mis en exergue dans les comparaisons internationales. Il convient d’évoquer ici les enquêtes PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves) qui ont lieu tous les trois ans. En 2012, 7500 élèves français y ont participé (les résultats seront publiés en 2013). Concernant l’enquête de 2009, la France se situait au 22ème rang pour les mathématiques et au 27ème rang pour les sciences, loin derrière la Chine et les pays émergents d’Asie du Sud Est.

Il y a surtout le manque de courage politique de nos dirigeants qui se refusent à admettre une évidence : une sélection raisonnée et fondée sur le mérite est nécessaire dans toute société qui se respecte. C’est vrai de la Chine communiste aux Etats Unis d’Amérique !

Il y a enfin l’inertie des acteurs institutionnels : syndicats enseignants d’obédience communiste, associations de parents d’élèves comme la puissance FCPE affiliée à la FEN (Fédération de l’éducation nationale) dont le rôle politique, en sous-main, est loin d’être négligeable. Autant d’intouchables que l’on ménage depuis 1945 en dépit de leur très faible représentativité (environ 15 % de syndiqués à l’Education Nationale, bien qu’il soit difficile de trouver des statistiques fiables … et pour cause !)

Quant aux ministres, à de rares exceptions près, ils connaissent souvent bien mal les dossiers. Mais comment pourrait-il en être autrement, lorsqu’on passe du jour au lendemain d’un ministère X ou Y à l’Education Nationale … A quand la société civile au pouvoir ?
Les décisions prises sont essentiellement politiques. La vision d’ensemble fait défaut, le pragmatisme aussi. Une seule devise : céder à la facilité et ne pas faire de vague. Ce n’est pas ainsi que la France relèvera les défis technologiques nécessaires à sa survie !

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Comments (8)

  • charlie harper Répondre

    @ quinctus

     

    D’accord dans l’ensemble avec votre message.

    Il va dans mon sens : si crise il y a , c’est une crise de l’éducation publique occidentale (les plus sinistrées étant l’anglaise et l’américaine) ; de plus , la "bonne réussite" des élèves chinois (ou taiwanais ou japonais…) relève plus du ‘gavage d"oie" – comme vous le citez , que d’autres chose.

    Donc, on en revient à mon 1er message, il est absurde de faire des comparaisons entre pays sans prendre en compte toutes les composantes.(et il encore plus stupide de renser que c’est en France que celà va le plus mal.)

    bonne journée.

    3 septembre 2012 à 13 h 38 min
  • Anonyme Répondre

    @ CHARLIE HARPER

     1 ) le doyen d’une des plus fameuses facultés des sciences chinoises ( je ne me souviens plus de laquelle malheureusement pour la crédibilité de ce que j’avance ) affirmait que : " les étudiants chinois étaient pareils à des oies que l’on gave "

     2) le niveau " américain " n’est pas comparable au niveau russe , japonais , finlandais etc …

    que ces deux pays soient au niveau de l’enseignement français ne plaide donc  pas en notre faveur …

    quant aux " class sup " que vous évoquez j’ai connu nombres de bonnes familles qui envoyaient leurs enfants dont l’intelligence arrivait avec peine à un QI de 110 faire des études dans des établissements privés  " chics " anglais ou " des universités belges "

    bien cordialement

    2 septembre 2012 à 14 h 02 min
  • charlie harper Répondre

    Autre erreur, le taux de syndiqués est de 30 %

    Faible c’est vrai, mais il faut être maso en France pour se syndiquer car en étant non syndiqué on a le beurre (tous les avantages obtenus par les syndicats ) l’argent du beurre (la garanti d’être , malgré tout défendu – voir lors des fermetures d’usines, c’est tous les salaries qui sont défendus) et la crémière (pas de cotisation).

    1 septembre 2012 à 20 h 52 min
  • charlie harper Répondre

    Beaucoup de méconnaissance sur les tests PISA : dans beaucoup de pays (pas la France ) , ils sont "préparés" avec les questions que l"on va poser..Et même en           admettant qu’ils ne sont pas pipotés, les jeunes français ont exactement ( à quelques centiemes de points prés , en plus ou en moins) que les jeunes allemands, anglais et américains, alors que l’etat français dépensent moins (par rapport au PIB) que ces pays. (par exemple 6 % pour la France, 7% pour les USA)

    Lorsque l’on veut faire des comparaisons, faisons les précises.

    Alors si crise il y a , il y a plutôt crise de l’éducation des pays occidentaux

    @ quinctus

    votre exemple est curieux : on ne comprend pas alors pourquoi les lyçées français à l’etranger (qui ont exactement le même programme que ceux de Bretagne ou de Bayonne) attirent tant les gamins des classes sup sup étrangères, quelles soient brésiliennes, chinoises (le lyçée français de Pekin pourrait acceuillir 10 fois plus d’élèves chinois)….ou américaines…

    1 septembre 2012 à 20 h 44 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    <> Je suis d’accord avec votre analyse, ce n’est que le ton qui m’offusquait. Il est difficile de changer le système d’instruction en France car il est squatté par des idées collectivistes relativisant les différences entre niveaux intellectuels des élèves. Pour rompre la monotonie la nature est ainsi faite qu’elle alloue 5 deniers à l’un et seulement un denier à un autre. Ce n’est pas la différence qui compte mais ce que chacun fait de son pécule. Si l’élève à un denier aura doublé sa mise et bien il aura plus fait que le premier qui sera resté improductif et assis sur son potentiel. Voilà mon point de vue et fi de l’égalitarisme à outrance prôné par certains.

    1 septembre 2012 à 12 h 33 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    @ Jean l’Alsacien

    il n’empêche , vous en conviendrez ,  que ce billet n’a pas suscité beaucoup de commentaires et que la grande majorité des intervenants sur ce blog portent plus  d’intérêt à la " politique " qu’à la " connaissance " … alors que le pays ne peut s’en sortir  ( je ne  m’excuse pas pour ce nouveau rappel à l’intelligence ! ) " QUE PAR LE HAUT " …  à moins que vous pensiez que " la politique " soit pratiquée par une élite intellectuelle ce que je pense que vous ne pensez pas

    que voulez vous , je suis , reste et demeurerai  un "aristocrate de l’esprit " , comme bien de gens modestes , oui modestes ,que je connais

    1 septembre 2012 à 9 h 16 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    Hello Quinctius, vous allez vite en besogne, mon fils aÎné a un MSc et un PhD en Telecommunication d’une université anglaise. Ce n’est pas parce que personne ne répond à cet article qu’il faut en tirer des conclusions hâtives. Il y a sur ce site de nombreux intervenants qui peuvent vous répondre “tit for tat”. Don’t get carried away and watch your words in the future. Modesty never killed anybody as far as I know! Thanks for listening.

    31 août 2012 à 21 h 53 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    de toute évidence le blog des " 4V2 " n’est pas un site " d’intellectuels " ( c’est à dire dans mon esprit : " ceux qui raisonnent , qui aiment à s’instruire , à connaître etc … pas le parisien de salon télévisé  " ) puis qu’à ce jour il n’y a aucun commentaire sur cet  EXCELLENT billet ..

    oui , nous dégringolons l’échelle du savoir scientifique

    j’ai deux petits enfants du même âge , deux garçons d’un niveau intellectuel absolument identique ,  l’un vivant en France dans une commune " privilégiée "  , l’autre dans un autre pays de l’U.E. vivant dans le même environnement sociologique

     l’élève " français " n’a ni les connaissances scientifiques de son cousin , ni d’intérêt pour les sciences , les arts , la littérature , il est une éponge durant l’année scolaire et un enfant passif  durant ses ( trop longues ) vacances

    de sorte que " l’étranger " étant venu faire un stage en France a stupéfait ses professeurs par ses connaissances et sa créativité

    on nivelle , on nivelle et surtout que pas une tête ne dépasse ( sauf pour une petite " élite " auto-proclammée comme le disait J.-M. le P.

    31 août 2012 à 9 h 36 min

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