Les socialistes français ont déjà gagné
Le socialisme a mal commencé. Ses racines se trouvent dans les mysticismes divers qui naissent du christianisme au moment où la féodalité commence à s’effriter et où quelques illuminés en viennent à penser que l’élan de liberté qui conduit des serfs à s’émanciper et à devenir marchands est un signe de décadence annonciateur d’une apocalypse prochaine. Ses prolongements se trouvent chez d’autres mystiques, certains de disposer de la vérité absolue et voulant faire le bonheur des hommes contre eux-mêmes en créant des sociétés collectivistes par la coercition.
Il continue très mal, puisqu’à l’époque de la Révolution française, il est déjà tout entier dans la terreur robespierriste, et croise le communisme naissant au travers de la Conjuration des Égaux de Gracchus Babeuf. Après avoir traversé une phase utopique où des hurluberlus imaginent des phalanstères et des communes primitives qui verront parfois éphémèrement le jour, il se fait violent et putschiste chez des gens comme Auguste Blanqui ou, plus tard, les excités qui instaureront la Commune de Paris.
À peu près à la même époque, il fait l’objet des élucubrations de Karl Marx qui, aigri sans doute de devoir vivre aux crochets de l’entrepreneur Friedrich Engels, se défoulait en pestant contre l’exploitation des ouvriers et en rêvant maladivement du jour inéluctable où les autres entrepreneurs seraient supprimés tandis que verrait le jour la « dictature du prolétariat ».
Au XXe siècle, il verra se séparer de lui les léninistes dont certains se reconnaîtront dans Staline et d’autres dans Trotsky, sans que les uns et les autres ne voient quoi que ce soit à redire dans l’instauration d’une société totalitaire. Il connaîtra aussi quelques excroissances dans lesquelles il se refuse jusqu’à ce jour à voir ses enfants : le fascisme et le national-socialisme. Il survivra aux multiples crimes et traces de sang dont il est chargé et sa survie sera très explicable : on trouvera toujours des intellectuels nostalgiques du temps où leurs ancêtres étaient tout-puissants parce qu’ils siégeaient à la droite du seigneur…
Ses adeptes aujourd’hui se trouvent en Europe dans quasiment tous les partis politiques. Ils peuvent discerner en Barack Obama aux États-Unis un cousin par alliance. À peu près aucun gouvernement de la planète ne leur échappe à un degré ou à un autre. La plupart des entrepreneurs sont domestiqués ou tenus en laisse. Leur discours et ses variantes, de l’écologisme à ce qui reste de l’alter-mondialisme, sont en situation de quasi-hégémonie dans les médias où les derniers défenseurs de la liberté individuelle ont bien du mal à se faire entendre.
Cette quasi-hégémonie pourrait bien expliquer la déliquescence actuelle du Parti socialiste français : comment trouver un discours original quand ce qui est censé constituer la « droite » est composé, pour l’essentiel, d’étatistes, de dirigistes, d’adeptes de la « justice sociale » ? Comment se démarquer quand on est cerné par des représentants du marxisme le plus rigide et par des adeptes d’une social-démocratie douce qui, après avoir failli être PD (parti démocrate) sont devenus Modem ?
Restent des souvenirs : le Front populaire et François Mitterrand. Pour le reste ? On pourra compter sur le geste réflexe de gens qui voteraient pour une vache laitière si on collait l’estampille PS entre les cornes et des promesses de « faire payer les riches » et de « changer la vie » juste en dessous. On pourra répéter jusqu’à la nausée : « la gauche, la gauche », comme Obama a répété aux États-Unis : « le changement, le changement ».
Mais, au-delà, ce sera un concours de beauté télégénique et, à ce jeu, Ségolène Royal finira sans doute par l’emporter. Son discours est nul et assez vide pour être compatible avec n’importe quoi pourvu que ce soit « de gauche ». Malheureusement, pour tenir un discours vide et « de gauche », il y a déjà Sarkozy qui, puisqu’il s’efforce de dire qu’il n’est pas vraiment de gauche, capte les votes de droite et, néanmoins, assez de voix de gauche pour que cela fasse une majorité. Les socialistes français vont rester encore longtemps, sans doute, dans l’opposition. Ils en seront frustrés. Ils devraient prendre du recul, et voir qu’au-delà de leurs propres personnes, leurs idées sont partout ou presque.
Et plutôt que de trépigner dans la frustration, ils devraient regarder : le naufrage de la France, les difficultés que connaît l’économie sur la planète, c’est leur œuvre ou celle de leurs semblables !
Comments (14)
A Emeric, bonjour
Personnnellement, je pense que le droit du sol est une notion ambigüe qui fait la part belle à l’arbitraire du fait. N’importe qui peut arguer de ce droit sans rien justifier d’un attachement quelconque à sa patrie d’adoption. C’est ainsi que bien des gens se retrouvent un beau matin décrétés ‘français" sans l’avoir voulu, ni même souhaité. Mais c’est un sujet qui demanderait de plus amples développements.
Si l’on ne peut parler d’une continuité biologique – qui reste effectivement indémontrable (et d’ailleurs impossible sur cette terre où se succédèrent tant d’envahisseurs), il reste néanmoins, en dépit des vicissitudes des temps, une continuité historique entre les juifs d’aujourd’hui et le peuple hébreu de Canaan. La Bible, pour les chrétiens héritiers du judaïsme; la Thora, le Talmud et autres écrits, sont le support de cette historicité. Il n’est nul besoin de chercher d’autres justifications. La création de l’Etat d’Israël en 1948, comme une conséquence directe de la Shoah peut être perçu comme un écho réparateur de la destruction du Temple par les légions de Titus en 70 et la dispersion du peuple juif en tant qu’entité nationale.
Mais je crois que nous sommes d’accords sur l’essentiel. Mais n’oubliez pas, l’ami, que votre Hugo est le prince des romantiques qui virent la Révolution comme une épopée pleine de Majuscules, et non pour ce qu’elle fut: un despotisme, matrice de toutes les tyrannies à venir. Hugo eut la chance de naître en 1802, l’année où Bonaparte s’autoproclama consul à vie, à la façon dont Caligula nomma son cheval gouverneur. André Chénier, autre grand poète lyrique, n’eut pas cette chance, comme vous le savez. Sa tête roula au bas de l’échafaud en 1794, en ce mois de juillet/thermidor qui fut fatal à Robespierre et à ses comparses. A quelques jours près, le pauvre Chénier eut sauvé sa tête. Cordialement vôtre.
Cher Aregundis,
je regrette que mes remarques ironiques sur le libéralisme de Jésus aient fait l’objet d’une interprétation littérale. Mais j’en prends la responsabilité, le blagueur ayant toujours tort quand le message n’est pas reçu. Je pensais précisément à vos références bibliques en écrivant mon commentaire sarcastique. Je n’ai rien à redire de substantiel à votre réponse.
J’ai aussi fait référence à Hugo pour interpréter les interactions ou les dettes du socialisme envers le Christianisme. Je n’y trouve pas d’opposition avec vos affirmations, qui correspondent à mes convictions profondes, sauf sur un point: vous parlez du Pape comme porte-parole du Christianisme, le limiter au Catholicisme serait plus exact et encore j’avoue en rougissant que je me situe dans le monde catholique mais ne me sens pas représenté fidèlement par le Pape (je ne suis pas le seul). L’encyclique a donc une valeur consultative, pas le poids d’un dogme.
Concernant les droits des Juifs actuels sur la terre d’Israël en raison de leurs très anciennes et indémontrables parentés avec les Hébreux (rares sont les gens qui sur cette terre peuvent se prévaleur d’une arbre généalogique dépassant les 500 ans…), je la récuse complètement et ne crois qu’au droit du sol, qui me semble la seule façon rationnelle (même si elle est insatisfaisante en termes d’attachement symbolique et de reconnaissance) de gérer les droits des peuples et des individus. Par conséquent, c’est à mes yeux le droit international qui légitime l’existence d’Israël.
Bien à vous
Coluche : http://leweb2zero.tv/video/tasmant_85463c337354013
Je mets cette chanson car c’est le jour d’anniversaire de mon petit frère ( il a 8 ans ! ).
http://www.youtube.com/watch?v=pbm9KGwO2nM
1) Il est difficile de voir un « libéral » chez un homme qui n’a cessé de condamner les riches et l’accumulation de la richesse (paraboles de l’homme riche ; Du danger des richesses ; Le mauvais riche et Lazare ; Le riche notable ; et bien d’autres encore)
2) Non seulement il n’a pas approuvé le petit commerce qui avait lieu vers l’entrée du Temple (le parvis des Gentils), mais il en a chassé les marchands et renversé leurs échoppes. C’est un épisode tellement célèbre qu’il semble vraiment impossible de le comprendre de travers.
3) Il y une dizaine de personnages du nom de Simon dans le Nouveau testament. Le seul identifiable avec ce que vous racontez est Simon le Pharisien. L’épisode est celui de la Pécheresse pardonnée. Il y est question d’une remise de deux dettes d’importances différentes. Il n’y est nullement question de taux d’intérêt.
L’État d’Israël à sa fondation en 1948 se désignait comme socialiste. D’ailleurs les kibboutz fonctionnaient comme les kolkhozes soviétiques, la liberté en plus. L’expression « judéo-bolchevique » est une injure à caractère raciste. C’est aussi une contradiction dans les termes. En face les staliniens parlaient de judéo-fascistes en désignant Trotski et les trotskistes. Cela dit, vous avez raison de faire observer le nombre élevé de juifs (de juifs athées), dans les partis de gauche, et surtout d’extrême et même d’ultragauche. Un grand nombre de nos philosophes contemporains, beaucoup de nos intellos de gauche (ou de droite) sont juifs : A. Adler, J. Daniel, Bernard Henri Lévy, Benny Lévy, A. Finkielkraut, A. Glucksmann… les citer tous prendrait des pages. Il y aussi des juifs antisionistes. On trouve même des juifs antisémites. Oui, ça existe aussi ! Il faut de tout pour faire un monde. Le bonjour à tous.
"Les excités qui proclamèrent la commune de Paris".
C’est vrai. Beaucoup plus calme, A.Thiers se fit un plaisir discret en massacrant ces illuminés lors des "semaines sanglantes". Plein de sang-froid, il se fit rembourser par l’état Français ruiné la coquette résidence privée que la racaille de l’époque lui avait brûlée. Réalisant au passage, en bon libéral, une solide plus-value. Il a dû longtemps en rire avec ses amis teutons !
<<Mais tout cela n’est finalement qu’un problème de conscience>>
Les socialistes ont-ils jamais eu une conscience, si ce n’est celle de voir leurs idées saugrenues prévaloir même par la force s’il le fallait.
<<Le socialisme est une réalité politique et un non-sens économique>>
Une réalité politique qui anime les conversations du café du commerce et qui attire tous les frustrés du monde.
Tiens, tiens, tiens… Christianisme et socialisme… intéressant, mais je préfère Hugo à Millière, qu’on m’excuse! Tout interlocuteur rationnel croulerait sous les doutes et suspicions devant tant de manichéisme voire de contrevérités. Quant à Jésus libéral, c’est bien connu depuis son approbation des pratiques des marchands du temple (changeurs notamment) et son encouragement au taux d’intérêt à Simon, sans parler, cela va sans dire, de sa lutte contre l’extorsion fiscale romaine de "César". Déjà à l’époque l’Etat parasitait le libre marché! D’ailleurs, s’il revenait, nul ne doute qu’il serait trader à la City.
Je me contente de mendier à Millière, qui connaît et aime les Juifs, un article nous expliquant pourquoi aux origines du sionisme qu’il révère on trouve tant de socialistes et pourquoi dans la communauté juive on trouve tant de fervents socialistes et/ou communistes (que ceux qui feindraient de l’ignorer se renseignent)… si le socialisme est fondamentalement une hérésie chrétienne. Autrefois, on disait d’ailleurs judéo-bolchévique pour disqualifier l’adversaire, il faut croire que les temps ont changé… mais combien d’exemples faudra-t-il pour admettre que la vérité est partagée, que les propositions socialistes, libérales ou autres ont trop d’enjeux, posent trop de questions à chaque homme honnête pour être clivées en bien et mal si ontologiques???
du national socialisme au socialisme soviétique en passant par notre modèle social(iste) tous les socialismes sont des horreurs et les affreux jojo qui veulent nous l’imposer ne sont que des abrutis ou des salauds…
je suis d’accord sur l’acte d’accusation catho-socialo-communiste pour le déclin de la France. Je ne cesse de le dire. J’avais réclamé des Etats Généraux des Cityens pour la France et même pour l’Europe mais sans illusion. Etats Généraux cela évoque un tel dérapage!
Aujourd’hui il est évident que nous assistons à l’éradication par la technologie de ces visions institutionnelles, systématiques et idéologiques. Ces pyramides. Le micro et le nanno ont déboulonné le macro d’où les troubles dans nos sociétés gérontocratiques en gésine de quelque chaos mondial faute justement d’avoir simplement compris , accepté et mis en oeuvre l’impulsion technologique, sa vitesse. Les jeunes le disent enfin. Ils sont cocus. C’est évident. mais sont ils prêts à se remettre en cause comme il le faudrait…j’ai quelque doute! parce qu’ils ne sont pas vraiment jeunes mais vieux jeunes. Les vrais jeunes jeunes sont pour bcp déjà partis ailleurs!
Quel commentaire ajouter à ce ramassis de shématisme écrit par un intellectuel qui voit s’effondrer tout ses discours assénés ici depuis des années . Les socialistes seraient donc responsables de la crise économique mondiale ? G.Bush dont Millière fut durant 8 ans le thuriféraire aurait donc été à la solde des étatistes mystiques ?
Le socialisme n’a pas gagné: alors qu’on licencie par milliers, les actionnaires continuent à se partager des profits, certes en baisse, mais toujours conséquents. Chez Renault, un milliard d’euros se verront ainsi attribués aux actionnaires. Le cynisme pour les capitalistes est de toujours arriver à tirer quelques profits même dans le pire des naufrages. Le cynisme pour les intellectuels qui les servent est d’attribuer aux socialistes les carnages économiques qui adviennent lors même qu’ils n’étaient pas au pouvoir.
Mais tout cela n’est finalement qu’un problème de conscience.
A Barthélémy,
excellents commentaires !
Et avez-vous lu le livre de l’économiste et chef d’entreprise Charles Gave "Un libéral nommé Jésus" où il s’efforce de démontrer (de façon très convaincante) l’antinomie totale entre tout ce qui fait la gauche et tout ce qui fait l’essence du christianisme ?
Selon lui, il n’est tout simplement pas possible d’être un bon chrétien et d’être de gauche. Un chrétien de gauche n’a pas compris le message du Christ ou pas assimilé les conséquences de celui de la gauche. Si les idées de gauche ont des racines (pas toutes) dans le christianisme ce n’en sont pas moins des hérésies radicales.
Le Christianisme est d’abord personnel, Il s’adresse à la fine pointe de l’âme. Ce n’est que dans la mesure où il est personnel, où il imprègne l’âme, qu’il devient social, qu’il édifie une société chrétienne et qu’il introduit dans les rapports de l’homme avec autrui le lubrifiant de la charité. Le Christ n’est pas le premier "socialiste"ou " le premier démocrate "ni même le premier " anarchiste "… comme l’affirme parfois une exégèse décervelée et dévitalisée, il est tout simplement le premier chrétien.
Il est à peu près inévitable que l’homme politique chrétien subisse, s’il n’y prend garde, l’attraction du système socialiste. Le marxisme est un système breveté pour solidifier l’opinion instable et dévitalisée. Il lui suffit de promettre aux citoyens non point ceci ou cela, mais tout, mais la félicité totale et saturante du bonheur collectif. " La poursuite du bonheur collectif s’avère la plus vaste opération d’escroquerie que le monde ait jamais connue et qui dissimule son mobile véritable : la résurrection de l’esclavage."
Chaque fois que nous tentons d’aller au fond des choses en matière historique, nous touchons du doigt la présence irréductible et ubiquitaire du christianisme sous sa forme orthodoxe ou sous sa forme HERETIQUE
Sur le plan social en particulier, tout désordre, tout détraquement s’est toujours traduit depuis le Christ sous forme d’hérésie. Au moyen àge, il n’est point d’attaque contre l’ordre social qui ne soit en même temps une hérésie chrétienne. Le cas des Albigeois est typique à cet égard. Celui du protestantisme à l’aube des temps modernes ne l’est pas moins. Quant à la Révolution française, nul n’a mieux aperçu que Michelet son caractère hérétique. Il l’a exprimé dans une phrase lapidaire « La Révolution continue le christianisme, elle le contredit. Elle en est à la fois l’héritière et l’adversaire »
Ou Jacques Maritain, l’illustre filleul de Léon Bloy: « Les idées révolutionnaires sont des corruptions d’idées chrétiennes » et « un ferment divin corrompu ne peut être qu’un agent de subversion d’une puissance incalculable."