L’euro a cessé d’exister !

L’euro a cessé d’exister !

Donc, M. Draghi, qui s’engageait l’an dernier à faire tout le nécessaire (« whatever it takes ») pour sauver l’euro, vient de signer son arrêt de mort.

Il est vrai que beaucoup se demandaient ce que pouvait bien recouvrir ce fameux « tout le nécessaire ». Autant s’engager à barrer les chutes du Niagara si le trou qu’elles creusent devient préoccupant !

Après de nombreuses et adroites manipulations, après s’être quasiment brouillé avec la chancelière d’Allemagne, après s’ê­tre pris de bec avec le gouverneur de la Bundesbank, il a fini par lancer son QE, néologisme moderne pour « planche à billets », que ces deux derniers refusaient absolument.

Mais il leur a fait une grâce discrète : seuls 20 % de ces rachats d’obligations d’État pourries seront mutualisés, le solde relevant de la responsabilité des banques centrales de chaque pays membre.

Comme l’explique Charles Sannat, « chaque banque nationale va racheter ses propres obligations d’État et la BCE en elle-même ne portera que 20 % du risque… En clair, chaque banque centrale nationale vient d’obtenir le droit de battre monnaie pour des montants différents, et à sa convenance ou presque » pour racheter au nominal ses propres obligations – ce qui réduit donc notablement le risque encouru par l’Al­lemagne de supporter mutuellement la dépréciation effective de ces titres.

Mais, de ce fait, Super-Mario met un terme à la monnaie unique, la BCE n’en ayant plus la gestion exclusive, au profit, si l’on peut dire, des 18 banques centrales nationales. Cette brèche ne pourra pas se refermer, mais elle peut s’élargir.

La monnaie unique Euro disparaît donc, au profit d’une monnaie commune, ce qui semble avoir été dès l’origine le choix de l’Allemagne, qui voulait éviter, précisément, de se trouver en première ligne en cas de problème grave de la zone.

Que va-t-il se passer maintenant ? À défaut d’un accord explicite entre les 18 membres, et en l’absence d’expérience, les paris sont ouverts.

On ne peut pas absolument évacuer l’hypothèse d’un retour con­certé à l’indépendance complète des banques centrales nationales, ou de l’une ou de l’autre au gré des circonstances.

Le cas grec ne doit pas être sous-estimé. Si son poids réel est faible, sa capacité explosive est intacte. Le nouveau gouvernement essaie de faire chanter l’UE, en fait l’Allemagne, mais qu’est-ce qui garantit à Mme Merkel que ce qu’elle accordera à la Grèce ne lui sera pas réclamé par d’autres ?

Il paraît douteux que cette marge d’indépendance des banques centrales ne s’élargisse pas de facto par glissements successifs, et finisse par se traduire, du fait des taux d’inflation différents, par des écarts de valorisation qu’il faudra bien un jour acter, d’autant qu’ils risquent plutôt de s’aggraver. C’est le retour aux monnaies nationales.

Pour tranquilliser un de nos amis, chacun pourra toujours, s’il le veut, garder le nom « euro », mais c’est bien tout ce qui lui restera, et qui ne sera bientôt plus qu’un désagréable souvenir.

Jean-Pierre Delmau

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Comments (2)

  • Claude Roland Répondre

    On vient doucement à la solution intelligente que préconisait un polytechnicien. Chaque pays va battre son propre euro et comme il y a 28 dollars différents dans le monde, il y aura plusieurs euros avec une parité entre chaque. C’est toujours mieux et plus naturel que de revenir à la monnaie initiale de chaque pays comme le préconise le FN qui veut ressusciter le franc.

    5 février 2015 à 11 h 52 min
  • DESOYER Répondre

    On comprend que les Allemands ne veuillent pas payer pour les bras cassés du sud.

    4 février 2015 à 22 h 19 min

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