L’insurmontable contradiction du « modèle social français »
Il ne faut pas se faire d’illusions; le sacro-saint modèle français est à bout de souffle, fondé sur un niveau très élevé de dépenses publiques (56% du PIB annuel) et sociales (500 milliards d’euros de transferts sociaux par an), un secteur public pléthorique (25% de la population active), un nombre d’élus par habitant exceptionnel (1 pour 226), un pouvoir considérable des collectivités publiques (nationales et locales), une économie dirigée par la puissance publique, un niveau élevé de redistribution, grâce à une fiscalité très progressive et des charges sociales très lourdes, et enfin, une idéologie de lutte de classes très largement répandue grâce à des médias, des syndicats, une Éducation nationale et des hauts fonctionnaires majoritairement acquis aux thèses socialistes…
Le propre de ce modèle français est de ne pouvoir être réformé, car la majeure partie des gens qui ont de l’influence politique, idéologique et culturelle, dans ce pays, sont extraordinairement conservateurs et nous annoncent la fin du monde, si nous touchons à un poil dudit modèle.
Selon eux, ce serait dire adieu à l’égalité sociale, aux droits sociaux idolâtrés, à la distribution gratuite et généreuse des allocations en tous genres.
Le principe de réalité et notamment les impératifs économiques, qui devraient s’imposer à nous comme aux autres, sont présentés comme autant d’horreurs économiques, qui justifient de cracher sur le système, même si celui-ci a permis d’améliorer la vie de chacun dans des proportions considérables depuis plus de 100 ans. Ajuster simplement les dépenses en fonction des richesses que l’on produit est vécu comme une abomination morale, une volonté de tuer les pauvres et de favoriser les riches. Pour eux, tout est idéologique. Si le capitalisme ne permet pas de faire suffisamment de social, eh bien tuons le capitalisme, vous expliqueront-ils !
Cette position idéologique n’a rien à voir avec l’extraordinaire maturité des socialistes allemands qui, il y a 50 ans (1959), à Badesborg, se sont convertis aux vertus de l’économie de marché et ont rejeté les thèses marxistes. La synthèse de leur conversion tenaient dans la devise suivante : "le marché autant que nécessaire, le social autant que possible"…
En France, le modèle économique et social est au contraire présenté, à droite comme à gauche, comme étant "le social autant que nécessaire, le marché autant que possible". Les Français refusent de comprendre que si l’on ne préserve pas le système qui crée la croissance dont nous manquons cruellement, quitte à consentir des sacrifices en termes de dépenses publiques, nous aurons une économie en berne et perdrons consécutivement les extraordinaires avantages sociaux. Car sans argent, il n’y a pas de modèle social pérenne.
Gérard Gelé
Comments (9)
L’analyse est excellente et d’ailleurs archi connue pour peu que l’on s’intéresse a minima à l’économie. De plus, il y a de telles évidences que prétendre ignorer la situation relèverait de l’imposture.
Sur ce sujet -o combien important- comme sur beaucoup d’autres, ce ne sont pas tant les très bon diagnostics qui manquent que les propositions de remèdes, furent-ils drastiques (ce qu’ils ne peuvent qu’être d’ailleurs).
Si l’on fait le parallèle avec la médecine, on peut dire que l’on se trouve devant certaines maladies, bien connues mais que l’on ne connais pas le remède "soft" ou que l’on craint que l’application du remède n’ait de tels effets secondaires qu’aucun médecin ne veut s’engager. Tandis que si le malade meurt après qu’on ait expliqué qu’il n’y a rien pour le soigner, la responsabilité apparente est dégagée.
Sans aucune prétention, je ne vois qu’une approche pour faire accepter, au moins en partie, les potions amères au bon peuple : qu’il ait suffisamment la trouille de tout perdre pour accepter de la boire, sans écouter ceux qui l’en disuaderait.