Pédaler dans l’absurde

Pédaler dans l’absurde

absurdité rire pour en guérirCinq morts dues aux accidents de vélo en 2008. Voilà le bilan de l’explosion anarchique de la circulation des cyclistes à Paris. Les procès-verbaux dressés par la police ont augmenté de 250 % entre 2004 et 2008.
Chacun peut le constater : de nombreux cyclistes brûlent les feux rouges, prennent les sens interdits et roulent sur le trottoir. L’avenue de la Grande Armée à Paris est devenue un « cyclodrome » où les piétons sont en danger.
« Je suis tout petit et gentil, semblent penser les cyclistes, comment pourrais-je blesser quelqu’un ? » Nous sommes ici face à une première absurdité par « non-perception de la dichotomie ». Le cycliste garde à l’esprit la possibilité d’un accident par choc direct avec une voiture, mais il oublie qu’un accident peut être causé indirectement en incitant l’automobiliste à une manœuvre brusque, elle-même provoquant le choc. Il oublie aussi (ou feint d’oublier) qu’il peut être lui-même la victime de l’accident.
Les cyclistes doublent par la droite les véhicules à l’arrêt au feu rouge. Lorsqu’il s’agit d’un camion-remorque, tournant lui-même à droite et manquant de visibilité, l’accident peut-être mortel. Parmi les cinq morts de 2008, un juge, Mme Catherine Giudicelli qui pédalait paisiblement, en pensant que le monde est parfait quand tous les citoyens respectent la Loi…

Pendant des vacances en Italie, j’ai lu cette remarque digne d’Ubu, signée du ministre italien des transports : « Tout accident impliquant piétons et automobilistes aura ces derniers comme responsables ». Les coupables, il est en effet plus pratique de les désigner que de les découvrir suivant la méthode de Merlusse, le vieux pion cynique de la pièce de Marcel Pagnol. Et cette théorie italienne est appliquée aussi en France.
Il est vrai qu’Ubu est le maître à penser de la politique des transports. J’ai mené une petite enquête auprès de chauffeurs de bus parisiens sur les couloirs d’autobus qui ralentissent le trafic automobile :

– Vous devez être bien heureux avec ces couloirs à disposition, demandai-je à un chauffeur de la ligne Montparnasse-Nation ?
– Détrompez-vous. Ces couloirs, nous ne les avons pas demandés. Ils alternent avec les couloirs automobiles, à chaque fois avec un sens de circulation différent, et les piétons n’y comprennent plus rien. Nous conduisons avec la hantise permanente de l’accident.

Et voilà le comble de l’absurdité : la solution politique ne consiste plus à trouver une solution au problème, mais à supprimer le problème. Les cyclistes brûlent-ils les feux rouges ? Un arrêté prévu pour juillet 2010 permettra aux cyclistes parisiens de passer au feu rouge s’ils veulent tourner à droite. Prennent-ils les sens uniques à contre-sens ? Une nouvelle règle « expérimentale » va les y autoriser dès l’année prochaine.

Lors de la campagne présidentielle de 2007, des passagers clandestins dans le RER provoquèrent un esclandre gare du Nord et refusèrent de payer leur billet. Un conseiller régional socialiste, suivant ce même principe de suppression du problème, proposa la gratuité dans les transports. J’attends avec impatience que la nouvelle méthode soit appliquée à la fraude fiscale. Politique de Gribouille, héros fameux de la littérature enfantine qui plongeait sous l’eau pour éviter la pluie.

Car l’absurdité concerne les assemblées comme les individus. Un sénateur seul est intelligent, mais le Sénat est bête. En voici comme preuve la décision que prit, dans les années quatre-vingts, le ministre des transports et son cabinet contre les automobilistes qui grillaient les « rouges » : puisque les conducteurs ne respectent plus le rouge, interdisons de passer même à l’orange.

Mais comment s’arrêter dès le début d’un feu orange, sachant qu’il faut une seconde et demie pour percevoir le signal, presser la pédale de frein et s’arrêter au terme d’une certaine distance de freinage ? C’est précisément pour cela qu’on a inventé les feux orange. Autant vaudrait dire : dès que vous voyez qu’il n’y a plus qu’une seconde de feu vert, arrêtez-vous !

« L’absurdité : en rire pour en guérir »
Edition Via Romana.
Philippe Bornet

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Comments (7)

  • stefek Répondre

    " ce n’est pas la bouteille qui est vide, c’est l’ivrogne qui est plein" ( de moi meme).

    18 octobre 2009 à 12 h 25 min
  • Guillermo Répondre

    La réplique du chauffeur de taxi est pleine de bon sens et reflète bien la réalité.

    Sinon je m’insurge contre cet article. C’est un peu un article à la Trémeau : si le pays est ruiné c’est la faute aux smicards.

    Ici  c’est la faute aux cyclistes .  Delanoê peut dire merci à quelqu’un qui abonde dans son sens.  Ce dernier a fait une politique des voies catastrophique  Et il essaye d’en faire endosser la responsabilité aux cyclistes.   De suite après son élection je me suis dit "Enfin un maire qui fait des voies de bus et des pistes cyclables".   Le malheur c’est que les voies tracées sont sorties de la tête d’un fou.

    En outre quand un cycliste roule sur le trottoir s’il s’agit de jeune merdeux qui font la course on devrait les foutre en tôle.  Si c’est des gens qui roulent au pas et avec attention pour éviter un endroit éminemment dangereux je n’ai strictement rien contre.   
    Mais les flics ont la consigne pour emmerder le second et ne pas perdre de temps avec le premier.

    18 octobre 2009 à 9 h 40 min
  • Anonyme Répondre

    104, Vélib’ et autres gouffres à chimères

    Le contrat bâclé du Vélib’ et l’aberration du 104 produisent les mêmes résultats : Delanoë est sollicité pour refiler discrètement des rallonges budgétaires. Il va falloir surveiller tout cela de près.



    104, Vélib' et autres gouffres à chimères
    Cela va devenir lassant mais, que voulez-vous, le Delanopolis fut le premier à dénoncer l’échec du 104, qui a englouti plus de 100 millions d’euros pour un concept fumeux dans un endroit inapproprié ( voir en cliquant ici ).

    Le premier anniversaire de la bête est à peine célébré que les animateurs du lieu, MM. Canterella et Fisbach demandent déjà qu’on leur alloue des millions d’euros supplémentaires pour faire tourner leur boutique. Même les journaux les plus indulgents pour Delanoë et sa clique toussent désormais et se posent des questions : voir . Un conflit social est en cours et les espaces sont toujours aussi vides. Quant aux abonnés, ils sont au nombre de 500 ! D’ici quelques années le scandale sera inévitable et nous vous promettons de beaux éditoriaux !

    Autre dossier épineux : Vélib’ où nous avons également pointé les zones d’ombre du contrat signé avec Decaux et notamment de son avenant où la ville se fait plumer. Elle rembourse (sans pouvoir contrôler la réalité des dégâts) 400 euros par vélo volé ou endommagé. Là aussi, la presse finit par se poser des questions ( voir en cliquant ).

    La régularité de ce remboursement est toujours aussi douteuse. Mais cela ne suffit pas à Decaux qui est, nous disent les Echos, sur le point d’obtenir de la ville qu’elle lui fasse remise de ses pénalités et lui accorde une part plus grande des recettes.

    Et puis quoi encore ? Le Delanopolis suggère une solution toute simple : si Decaux fait du chantage, que Paris remunicipalise Vélib’ et l’affichage municipal. Chiche ?


    Mardi 13 Octobre 2009

    17 octobre 2009 à 18 h 24 min
  • Florin Répondre

    Dans un pays où l’on a le plus grand mal à trouver le pognon pour toute chose, comme rénover les lycées, les universités et les hôpitaux par exemple, MIRACLE : jamais, mais VRAIMENT JAMAIS, on n’a manqué de pognon pour bâtir d’énormes ronds-points en rase campagne, à coup de millions d’euros, ni pour les démentiels aménagements de voirie parisiens – et pas seulement. En même temps, il y a à Paris assez de rues comparables à celles du tiers-monde, avec des nids de poule qui exigeraient des 4×4.

    L’argent est gaspillé à un point qui fait douter de la santé mentale des dirigeants, fussent-ils politiques ou techniques (j’aimerais bien rencontrer les gens de la DDE – ça doit valoir le détour …).

    Si encore tout cela était limité à Paris …

    L’autre jour, j’étais en pleine zone industrielle dans le fin fond du neuf-quatre, loin de tout, là où il y avait une large voie 3×3, adaptée aux camions qui y circulent.
    Hé bien, les fous sont passés par là : double couloir de bus, trottoirs de 6 m de large de chaque coté, (alors qu’il n’y a jamais aucun piéton biensur), double terre-plein central envahi par les herbes folles, (et c’est moche comme tout), ronds-points tous les 200 m, plus deux minuscules voies de circulation (si vous êtes en Twingo, ça va encore, si vous êtes camionneur, il vous faut beaucoup de courage et de patience).

    Lors des campagnes électorales, j’aimerais voir, comme en Suisse, de VRAIES affiches pour attaquer cette politique que la gauche ET la droite ont mené ensemble depuis tous ces années. Hélas ce n’est pas demain la veille … 

    17 octobre 2009 à 15 h 55 min
  • jonathan66 Répondre

    Les homos-bobos-ecolos integristes de la ville de paris n’ont visiblement rien à faire des contraintes de la vie quotidienne des parisiens. Ces fonctionnaires de la nomenklatura socialo-communiste se fichent pas mal des commerçants et des artisans parisiens. Et vu leur taux de fecondité ce ne sont pas eux qui doivent emmener les enfants à l’école, faire les courses et se taper les corvées familiales diverses. Les travaux ubuesques dont nous avons été témoins ces dernières années dans Paris n’avaient qu’un seul but : chasser la voiture de paris pour en faire une vaste piste cyclable pour bobos. Les couloirs de bus sur-dimensionnés, les pistes cycles assez larges pour faire passer un peloton de coureurs du tour de France, les rues qui changent de sens de circulation tous les 200 mètres, la généralisation du stationnement payant ; toutes ces joyeusetés, et j’en passe, son autant de crachats à la face du peuple de paris. Quand je dis peuple je veux bien sûr parler des vrais parisiens ceux qui à cause de cette clique de verts staliniens méprisants sont forcés de s’entasser dans des transports collectifs bondés nauséabonds, et en grève toutes le cinq minutes. En plus, pour se justifier, ils se contentent de traiter les partisans de l’utilisation de moyens de transports individuels, de pollueurs et en profitent pour nous repasser une couche de matraquage de leur propagande pseudo-scientifico-écologiste. Ce faisant ils nous apportent une preuve supplémentaire de leur ignorance crasse et de leur mépris. Ils dépensent des milliards en travaux de voirie dans le but de rendre la vie des automobilistes si insupportable qu’ils en seraient amenés à troquer leur véhicule au carburant surtaxés contre un abonnement mensuel à la R.A.T.P. Ces messieurs n’ont pas compris ou feignent de ne pas comprendre qu’un flux de circulation fluide pollue bien moins qu’une masse compacte de voitures engluées dans les embouteillages. mais ça, ils se gardent bien de le dire.

    16 octobre 2009 à 5 h 26 min
  • bobfuck Répondre

    En ce qui concerne les contresens cyclables, je trouve que c’est une bonne idée dans les rues à sens unique qui sont suffisamment larges, ça ne pose aucun problème. Bien évidemment, on parle de les généraliser un peu partout, y compris dans les rues si étroites qu’il est en pratique impossible de s’y croiser avec une distance de sécurité correcte (1m). C’est idiot. > la solution politique ne consiste plus à trouver une solution au problème, > mais à supprimer le problème Un exemple : puisque les cyclistes pourraient se faire écraser par des voitures, on les met sur le trottoir. Les cyclistes écraseront donc des piétons.

    15 octobre 2009 à 23 h 55 min
  • bobfuck Répondre

    A Lyon, je ne me déplace pratiquement qu’en vélo : pratique, rapide, peu cher, ça fait faire du sport, etc. Une excellente alternative à la bagnole (jamais aucun bouchon ni stationnement payant) et aux transports en commun staliniens, toujours en grève, et qui dépassent péniblement 4 km/h de moyenne. Comme je ne suis pas un sale con, il va de soi que je m’arrête aux feux rouges, etc. Ah, le regard plein de surprise du piéton qui va traverser (car le feu piéton est vert) mais ne s’engage pas car il voit un vélo arriver, donc il pense automatiquement que le vélo va griller le feu… et là je m’arrête… un petit moment de flottement, lol. Bien évidemment, il m’arrive assez souvent quand je prends ma voiture, de manquer écraser des connards de cyclistes qui grillent les feux. Et quand je suis à vélo, il m’arrive assez souvent aussi de manquer shooter d’autres cyclistes aussi. Les morts dont vous parlez se sont tous faits aplatir alors qu’ils étaient dans l’angle mort d’un poids lourd. C’est donc la sélection naturelle au travail, ni plus, ni moins. La seule conclusion qu’il y a à en tirer est : la connerie tue, mais c’est pas grave. Quand aux aménagements de voirie, ils sont généralement à chier, mais ce n’est pas nouveau.

    15 octobre 2009 à 23 h 50 min

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