Prix alimentaires la dure loi de la réalité

Prix alimentaires la dure loi de la réalité

Selon Robert Zoellick, président de la Banque mondiale, 33 États seraient menacés par des troubles politiques liés au renchérissement des denrées alimentaires.

Dans ce contexte, la Banque mondiale et le FMI, souvent décrits comme les temples de « l’ultra-libéralisme », demandent des interventions urgentes des gouvernements – de ces 33 pays d’abord, mais aussi du reste du monde.

Quelle est la réalité ? L’augmentation de la demande de biocarburants, de la consommation, des coûts de transport, et la mise en jachère de nombreuses terres arables dans les pays développés, se conjuguent pour entraîner une forte hausse des prix alimentaires. La Banque mondiale estime cette hausse à un doublement au cours des trois dernières années !

On savait déjà que le contrôle de l’eau était un enjeu majeur pour le Proche-Orient. Nous (re)découvrons ces derniers temps la place des matières premières dans l’économie mondiale.

En un sens, cette crise tombe à point nommé pour nous rappeler une fois de plus que l’économie purement virtuelle – qu’elle soit socialiste ou de spéculation financière – n’a aucun avenir : les opérations financières n’ont d’intérêt que pour aider au développement à grande échelle de l’économie réelle, pas pour la remplacer.

Or, l’Occident en général et l’Europe et la France en particulier continuent à se gargariser des charmes de la « désindustrialisation ». Et l’UE pousse même l’aberration jusqu’à financer – sur les deniers du contribuable – la mise en friche des terres agricoles. De la fin des années 1990 jusqu’à la récolte 2007, il a même existé un taux de jachère obligatoire (!) de 10 % des terres. Fort heureusement, à l’automne dernier, ce taux de jachère obligatoire a été passé à 0 % pour tenir compte des tensions sur les marchés agricoles (le cours du blé a augmenté de 120 % en un an !).

Souhaitons que cette saine réaction marque le commencement d’un retour à la sagesse et que l’UE et les gouvernements non seulement ne reviennent pas à la scandaleuse jachère obligatoire mais cessent aussi de subventionner la mise en friche !
Et, pendant qu’on y est, peut-on se prendre à rêver que la France et l’UE redécouvrent par la même occasion qu’abandonner toute compétence industrielle, que fantasmer sur des usines entièrement délocalisées, comme naguère le patron d’Alcatel, n’est certainement pas de bonne politique dans la situation actuelle de la concurrence mondiale…

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Comments (18)

  • UN chouka Répondre

    Il y a un ouvrage assez ancien qui traite bien ce sujet, mais je ne l’ai pas encore fini, tant il est lourd et documenté.

    Toutefois les thèmes sont bien traités et l’idéplogie ne devrait pas géner le lècteur . ;-)

    Renè Dumon et Bernard Rosier ont écrits en 1966:"Nous allons a la famine"

    Collèction esprit  "frontière ouvèrte" des éditions du seuil.

     

    23 avril 2008 à 7 h 27 min
  • UN chouka Répondre

    Grutjack,vous avez raison,car j’ai lu quelques ouvrages "d’opignon "sur le sujet, dont un écrit par une (doc. en biologie,ou je ne me souviens plus exactement) Indienne qui a des idées proches des miènnes sur la vrais fèrtilité des sols ,et la polyculture .

    J’ai bien lu votre comm en entier pourtant.Mais mes idées faussent  votre disours .Ne m’en veillez pas pour ça  .

    Cèrte je ne vis pas de mon jardinage de bricoleur !!!  .-)

    21 avril 2008 à 8 h 14 min
  • VITRUVE Répondre

    AVE
    trés pertinent article de Jean ROUXEL avec une brillante intervention de Gérard PIERRE sur la sidérurgie en particulier.
    Je me suis permis d’en communiquer des extraits à des amis sidérurgistes sur Gandrange.
    VALE

    20 avril 2008 à 18 h 37 min
  • UN chouka Répondre

    Vous nous avez adréssé une tres belle métaphore Gérard Pierre .Merçi a vous .

    20 avril 2008 à 10 h 45 min
  • grutjack Répondre

       A Un Chouka –  Vous semblez avoir compris tout de travers l’histoire de Rajiv Papamma, faute sans doute de l’avoir lue entièrement. J’avoue que j’ai été un peu long, contrairement à mes habitudes.

       Je n’ai pas écrit une "métaphore", mais simplement raconté à ma manière une anecdote que j’avais trouvée dans Le Monde et qui m’avait paru fort intéressante. A part quelques petits détails, tout dans mon récit est authentique, en particulier le cadre indien, dans la mesure évidemment où on peut se fier à ce que racontent les journaux.

       La réaction d’Un Chouka confirme mon impression qu’on ne lit pas les commentaires très longs ; on ne fait que les parcourir. Aussi, à l’avenir, je reviendrai à mes habitudes de concision.

    20 avril 2008 à 0 h 55 min
  • Gérard Pierre Répondre
       J’ignore si c’était dans les intentions subliminales de Jean Rouxel mais il me semble qu’il vient d’écrire là un excellent réquisitoire contre Bruxelles et les arcanes de la communauté européenne. La phrase forte sur laquelle le texte pivote me paraît devoir être relevée pour que l’on s’appesantisse sur son sens profond : « les opérations financières n’ont d’intérêt que pour aider au développement à grande échelle de l’économie réelle, pas pour la remplacer. »
     
       Voilà qui flanque aux orties le traité de Maastricht édifié sur le contraire de ce principe qui veut précisément que l’économie soit subordonnée aux décisions de la finance (en l’occurrence la banque européenne) et non que les finances constituent une retombée induite et positive de l’économie.
     
    Illustration didactique du principe : Lorsqu’un hôtel de dix étages a un taux de remplissage de 90%, deux cas de figures se présentent. Le chef d’entreprise normalement constitué dit : « je prends mon bâton de pèlerin et je pars à la recherche de nouveaux clients afin d’améliorer ma rentabilité ». Le financier type Bruxelles dit : « pas question ! …… rasez le dixième étage et votre taux de remplissage sera alors de 100% »……… et comme dans le système « libéral européen » c’est le financier qui fait la pluie et le beau temps, ………… on rase le dixième étage ! ………… moyennant quoi on ne règle rien car les prix augmentent. Forcément, puisque les frais fixes sont ventilés sur un diviseur plus petit. Comme les prix augmentent, les clients sont sensiblement moins nombreux, ………… et le taux de remplissage repasse naturellement à 90% ………… mais sur 9 étages ! ………… Alors le chef d’entreprise, toujours normalement constitué, dit : « On a fait une fois une co…… n’ bêtise, on ne la recommencera pas ! ». Mais le financier bête, méchant et sans imagination dit : « pas question ! …… rasez le neuvième étage et votre nouveau taux de remplissage sera alors supérieur à 100%, …… vous serez donc obligé de refuser du monde ! » ……… et le schéma se répétera régulièrement jusqu’à ce que, l’hôtel étant réduit à un seul étage, le financier annonce au chef d’entreprise « incapable » qu’il est dans l’obligation de l’hypothéquer sinon il ne s’y retrouvera pas.
     
       Vous pensez que je galèje ?…… Qu’a fait Bruxelles lorsque Usinor Sacilor et Arbed ont annoncé leur intention de fusionner pour former Arcelor ?…… nos doctes technocrates ont compté les installations sidérurgiques, les tonnes qu’elles produisaient et ont décrété : « Avant de vous regrouper commencez par revendre telle et telle installation (1) car vous constitueriez un groupe industriel trop puissant vis-à-vis de la concurrence européenne ! ! ! ……… ces distingués ignares polyglottes n’avaient oublié qu’un détail : Le caractère mondial de cette activité industrielle lourde. Les sociétés sidérurgiques les plus puissantes sont encore loin en effet de représenter individuellement un poids significatif dans la concurrence mondiale. Aujourd’hui, …… Cockerill (pardon …… Arcelor Mittal) est dans l’obligation de remettre en marche des hauts fourneaux condamnés depuis plusieurs années par les ……… financiers !
     
    *****************
     
    (1) par exemple, …… les laminoirs de Strasbourg
    19 avril 2008 à 16 h 08 min
  • ozone Répondre

    La politique de l’offre

    trés basiquement;

     

    Soit un nombre de conssomateurs qui peuvent ingurgiter 100 parts d’un produit.

    En l’état,une mise a disposition de 100 parts n’evitera pas que le prix soit a la hausse,n’importe quel petit désequilibre peut le faire flamber;

    Donc,on rajoute en pérmanence 20 parts supp sur le marché;

    Mais toujours 100 parts de vendus

    Arrivé a la date de péremption on jéte

    Or,ces 20 parts on étés produites a grands frais,entre autres les transports a divers stades

    18 avril 2008 à 21 h 32 min
  • UN chouka Répondre

    Grutjack,vous avez écrit une bonne métaphore ,mais, peut etre avez vous négligé la notion d’énèrgie?

    L’énèrgie, est lourde,et couteuse ,il me semble?

    Ainsi remplacer la fumure naturelle biologique prise au sol par les animeaux et les plantes , par de la fumure artificielle ,puisque maintenant, "nous " utilisons une fumure chimique(angrais en tous genre ) qui a besoin d’énèrgie artificielle et de matières premières isues de lieux qui jusqu’a aujourd’hui, n’etaient que peu employées,ne fait que nous endéter a tèrme ?

    Ce ne sont que de petits exemples, mais significatifs pour moi :

    L’arrosage par caneaux, aporte bien plus d’eau que l’aspèrtion ou le goute a goute ,mais quantifions nous vraiment le volume d’eau?

    Aporter du compost au sol, artificiellement, nous éveile t’il vraiment sur la quantité de plante qu’il faut faire pousser pour rien ?

    Placer de l’angrais chimique dans le sol, nous rend vraiment compte de la richesse naturelle qu’il fadrait aporter réellement au sol par d’autres moyens naturels ?  

    Se rend t’on compte que les énormes tracteurs consomment une quantité énorme de GO ?

    Se rend t’ on compte que les récoltes d’aujourd’hui, n’ont pas la teneur de celles d’hier ?(des céréales vides ,mais volumineuses ………………………..)

    Que d’énèrgie dépensée sans que les gens en prènent vraiment la mesure (que cela soit en labeur, ou en valeurs )?

    Désolé pour le style :-(

    18 avril 2008 à 9 h 26 min
  • beligue Répondre

    Subventionner les jachères est la même morale qui consiste à payer les rmiste à ne rien faire. Comme tous mes confrères agriculteurs ce genre de système nous fait vomir et nous étions certains que cela ne durerait pas. Pour soutenir les profits de l’industrie agro alimentaire on a caché au monde entier que sur les 10 dernières récoltes mondiales 8 ont été déficitaire et pour prendre en comptela réalité de la planète faites un tour sur worldometers.
    En ce qui concerne le cours des céréales je vous rappele qu’en 1972 le cours du blédur ét du tournesol était au même prix qu’aujourd’hui mais alors les populations accepté de payer un juste prix à la nourriture et les industries agro alimentaires de payer leurs fournisseurs.
    La grande bouffe a prix bradé, les supers benefices pour nestlé danone et les autres aussic’est fini et la fin des jachères subventionées annonce la fin de la fainéantise subventionné c’est à dire le remi. De tous ces systèmes immoraux comme celui de la bourse ou l’on voit un traders jouer en un an l’équivalent du déficit budgétaire français sans que cela ne choque personne.
    On assiste au retour normal de la morale.

    18 avril 2008 à 8 h 09 min
  • grutjack Répondre

        Voici une petite nouvelle que j’ai composée il y a quelques ammées en m’inspirant d’une histoire vraie racontée par les journaux de l’époque et qui contient divers éléments qui expliquent , du moins en partie, la crise alimentaire actuelle.

          

    Le paysan, les pesticides et l’or blanc. Histoire vraie.

     

     

                Il y avait, vers la fin du vingtième siècle, dans l’Etat indien de l’Andira Pradesh, un paysan nommé Rajiv Papamma, qui était très malheureux, parce qu’en travaillant toute la journée sur son terrain d’un acre, il n’arrivait pas à nourrir convenablement sa femme et ses trois fils. Rajiv, comme tous les êtres frustes, ne réfléchissait pas beaucoup, mais il se demandait quand même parfois si son pays natal n’était pas frappé de malédiction. Les paysans, dans un pays essentiellement agricole, ne roulent jamais sur l’or, mais il lui semblait que les choses ne faisaient qu’empirer. Il avait été élevé par son grand-père, qui avait connu le régime anglais et lui en avait souvent parlé. Les Anglais faisaient preuve d’une rare arrogance et considéraient l’immense péninsule indienne, berceau de la civilisation occidentale, comme un ramassis de débiles mentaux. Mais ils gouvernaient efficacement, maintenaient l’ordre et admettaient que ces colonisés minables, pour servir utilement Sa Grâcieuse Majesté, devaient conserver une forme physique décente. Aussi tout le monde mangeait plus ou moins à sa faim.

                Mais alors étaient venus le prophète Gandhi et le Pandit Nehru, qui avaient lancé une grande croisade pour l’Indépendance, la Liberté et le Bonheur. Ils avaient expliqué aux paysans qu’il suffirait de chasser les Anglais pour créer la Prospérité. Après bien des efforts, ils avaient réussi et Nehru avait pris le pouvoir. Il avait aboli les privilèges nobiliaires, abandonnant lui-même son titre de Pandit. Le remplacement des droits de l’hérédité par la démocratie expliquait sans doute pourquoi ses heureuses réformes avaient été continuées à la tête de l’Etat par sa  fille, ses petits-fils, ses neveux et ses arrière-cousins. L’Indépendance avait coïncidé avec l’arrivée du Progrès. Des vaccinations massives avaient arrêté net la mortalité infantile, ce qui, en une vingtaine d’années, avait provoqué un énorme accroissement de population. Et comme l’agriculture n’avait pas du tout crû dans les mêmes proportions, la famine s’était installée dans de vastes régions. De continuels massacres entre Hindous et Musulmans, dès le départ des Anglais, n’avaient pas résolu le problème.

                Rajiv Papamma appartenait cependant aux plus chanceux, parce que, grâce à l’acre de terre que lui avait laissé la sagesse de son grand-père, il parvenait à survivre avec sa famille. Il s’abrutissait de travail, menait une existence grise et sans but, mais enfin s’assurait un minimum vital. Un jour, un homme nouveau, Chandrabah  Naidu, devint le “ministre en chef” de l’Etat d’Andirah Pradesh. Cet homme instruit avait étudié aux Etats-Unis. Il ne se séparait jamais d’une étrange machine, qu’on appelait un ordinateur. Il était persuadé que la pauvreté de Rajiv et des autres poaysans était due à leur ignorance, à l’utilisation de méthodes traditionnelles surannées. Aussi avait-il amené avec lui une longue suite d’experts agricoles et d’affairistes pour éduquer ses administrés.

                Un jour que Rajiv travaillait à son champ, il avait reçu la visite d’un homme fort sympathique qui lui avait parlé franchement : “Tu te tues au travail pour pas grand-chose, Rajiv. Tu fais simplement pousser la nourriture nécessaire à ta famille et il ne te reste qu’une misérable parcelle de terre pour gagner un peu d’argent. Ce qui te manque, Rajiv, c’est quelques bonnes notions d’économie. Ne préférerais-tu pas consacrer tout ton champ à la production et acheter ta nourriture au marché ?

     – Bien sûr, répondit Rajiv alléché, mais comment faire ?

     – En faisant pousser de l’or blanc, répondit l’expert.

     – De l’or blanc ! Qu’est-ce que c’est donc ?

     – Le coton, Rajiv. Elimine toutes ces cultures diversifiées qui ne te rapportent rien et ne fais plus pousser que du coton, grâce auquel tu gagneras dix fois, vingt fois plus qu’avec du riz ou des légumes. Tu feras ton épicerie au marché et il te restera encore plein d’argent pour acheter des choses qui rendent la vie vraiment intéressante, comme une télévision en couleur ou même un ordinateur. Ou encore tu placeras l’excédent de tes gains dans des fonds mutuels ; tu deviendras capitaliste et, après un certain temps, tu feras travailler les autres et tu pourras te reposer.

     – Tout cela est très joli, très tentant, répondit Rajiv, mais il y a quelque chose que je ne comprends pas. Tu veux que je ne fasse plus pousser que du coton ; or mon grand-père m’a appris que si l’on cultive toujours la même chose, la terre s’épuise après quelques années et bientôt, elle ne produit plus rien. De plus, comme la terre perd de sa vigueur, les végétaux ne résistent plus aux insectes et à la vermine.

     – C’était vrai autrefois, répondit l’expert, lorsque la Nature commandait à l’Homme. Mais nous vivons maintenant à l’époque de la Science, qui permet à l’homme de corriger la nature. Si la terre souffre à cause de la monoculture, il suffit de lui donner de l’engrais chimique et elle retrouvera immédiatement sa jeunesse. Quant aux insectes et autres bestioles, aucun problème. Tu vois ceci, dit-il en tirant une bouteille de sa serviette. C’est du Pesticide. Tu en arroseras généreusement ton coton et il résistera à toutes les attaques. Il restera parfaitement sain.

                Les yeux de Rajiv brillaient d’envie, mais comme tous les paysans, il était assez méfiant. Après un moment, il objecta :

     – Tous ces produits, où vais-je me les procurer ?

     – Rien de plus facile. Tu devras simplement les commander au magasin où tu achètes tes semences. Mes amis en ont fait venir d’énormes quantités

     – Et cela me coûtera cher ?

     – Assez cher. Mais les nouveaux commerçants qui sont arrivés sont très compréhensifs. Ils te feront crédit. Et c’est sur tes énormes profits que te donnera ton coton que tu les rembourseras.

     

                Cette fois, Rajiv était convaincu. Que risquait-il, puisqu’il ne devrait rien débourser ? Il suivit en tous points les conseils de l’expert. Il ne fit plus pousser que du coton, qu’il arrosa copieusement de pesticide et bourra ses terres d’engrais chimique. Les trois premières années, le succès dépassa ses espérances. Rajiv n’arrêtait pas de recueillir du magnifique coton, qu’il vendait très cher au marché. Il ne consacrait plus qu’un tiers de son budget à la nourriture, ce qui lui avait permis de s’équiper avec toutes sortes de belles machines modernes. Pour la première fois de sa vie, il avait – en pensée – manqué de respect à son grand-père, qui, avec son assolement triennal, lui apparaissait maintenant comme une vieille baderne.

                Avec de si grands profits, Rajiv aurait pu, à ce moment, rembourser les commerçants qui lui avaient généreusement avancé l’argent des graines de coton, des pesticides et de l’engrais. Toutefois, sur les conseils de l’expert qui était venu sur place constater les heureux effets de son enseignement, il préféra louer à un voisin deux autres acres de terrain pour augmenter sa production. La quatrième année de l’ère nouvelle arriva, qui devait donner à Rajiv l’allure définitive d’un paysan moderne, versé dans les affaires. C’est alors que tout commença à aller de travers. D’abord à cause de la sécheresse. Pendant trois mois, il ne tomba pas une goutte d’eau. Rajiv fit des efforts prodigieux d’ingéniosité pour tirer d’une rivière voisine de quoi arroser son coton, mais bientôt la rivière elle-même se mit à dépérir. Il ne restait plus à notre brave paysan qu’à prier, ce qu’il fit abondamment. Dieu l’exauça, malheureusement un peu trop. Le ciel se couvrit de tellement de nuages qu’il en résulta des pluies torrentielles. Les plants de coton, qui avaient survécu à la sécheresse, furent noyés dans la tempête. A la fin de l’année, Rajiv ne recueillit qu’une production médiocre, le dixième des années précédentes, en dépit de la location de deux acres supplémentaires. C’était la catastrophe. Lorsqu’il eut  nourri sa famille, il ne lui resta rien pour rembourser ses dettes. Le paysan se répandit en lamentations auprès de l’expert. Celui-ci le rassura. De tout temps, dans tous les pays, les cultivateurs avaient dû faire face aux intempéries. La récolte prochaine serait excellente et tout rentrerait dans l’ordre.Il téléphona aux créanciers de Rajiv qui, une fois de plus, firent preuve de générosité. On “consolida” sa dette : au lieu d’être engagé pour dix ans, il l’était désormais pour vingt.

                La cinquième année, le temps revint au beau, mais Rajiv s’aperçut que ses plants, qu’il avait pourtant bien traités chimiquement, étaient attaqués par des chenilles. Les insectes avaient été revigorés par le mélange de  sécheresse et de pluies abondantes de l’année précédente. L’expert, consulté, lui expliqua qu’il ne mettait pas assez de pesticide : un remède donné à petites doses fait parfois plus de mal que de bien. Rajiv s’endetta encore plus et inonda son coton de pesticide. Les chenilles ne résistèrent  pas à ce traitement de choc et disparurent. Cependant la récolte fut médiocre. Après déduction de l’argent nécessaire pour vivre, le paysan ne put rembourser qu’une toute petite partie de ses dettes. Il s’aperçut alors que les commerçants-créanciers, naguère si gentils, commençaient à s’impatienter. Il invoqua la force majeure, mais il fut traité d’incapable, de traditionaliste indécrottable, de crétin fermé à jamais à la modernité. On lui fit comprendre que si, l’année suivante, il ne remboursait pas correctement ses mensualités, on saisirait l’acre de terrain que lui avait laissé son grand-père.

                Rajiv eut très peur et alla suivre un cours de perfectionnement agricole qui se donnait dans les environs. il mit toutes les chances de son côté, s’endetta encore plus. Il gava sa terre d’engrais chimique et imbiba littéralement son coton de pesticide. Cette fois, l’invasion des chenilles fut irrésistible. Elles étaient partout et dévoraient tout. C’est que, le premier choc passé, les insectes s’étaient habitués aux effets de la chimie et, comme Mithridate, s’étaient parfaitement immunisés. A présent, le désastre était sans remède : toute la récolte était perdue. Loin de pouvoir rembourser ses dettes, Rajiv n’avait même pas de quoi manger. Il n’eut pas besoin d’aller trouver ses créanciers ; il reçut un avis de saisie.

                En désespoir de cause, notre paysan pensa à Chandrabah Naidu, le grand politicien, qui était à l’origine de toute cette affaire. Lui sûrement montrerait de la compassion et trouverait un moyen de l’aider. Hélas ! il ne réussit même pas à s’approcher de son bureau. Naidu s’était barricadé et ses gardes repoussaient impitoyablement les solliciteurs. Rajiv n’était pas, loin de là, le seul paysan qui avait “bénéficié” de sa politique et s’en était trouvé ruiné. Aussi avait-on pris des dispositions draconiennes pour éviter les émeutes. Il fallait s’incliner devant la force et renoncer à espérer une aide quelconque.

                Rajiv revint pensivement de chez Naidu, entra dans sa misérable cuisine et s’assit sur un banc. Pendant près d’une heure, il resta complètement immobile, la tête vide, l’esprit égaré. Puis, alors qu’il faisait un effort pour s’arracher à sa torpeur, son regard tomba sur une bouteille de pesticide qui était restée là, oubliée. Il la regarda longuement, puis se leva brusquement et alla droit à elle. Il la saisit, la déboucha et avala son contenu d’un trait.

                Lorsque sa femme rentra, elle le trouva grimaçant sur sa chaise. Il lui dit simplement qu’il ne se sentait pas bien. Dans la soirée, comme il pâlissait à vue d’oeil, sa femme insista et il finit par avouer ce qu’il avait fait. Elle appela une ambulance qui emmena Rajiv à l’hôpital, mais il était trop tard. Au moment de mourir, en dépit de ses souffrances, le paysan se sentit un peu soulagé, en pensant que ses pesticides, qui lui avaient coûté si cher, avaient finalement servi à quelque chose.

     

    18 avril 2008 à 4 h 53 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    ozone a dit. <<Et j’ajoute que tout cela a été annoncé depuis quinze ans par des "troglodites" souverainistes,risé de ces brillantes "elites" qui nous ont mis la ou l’on est…>>

    Ah oui et tout cela planifié par les brillantes élites sortant de l’ENA et d’autres écoles à formattage abrutissant. Elites qui aujourd’hui osent accuser le libéralisme économique d’être la raison des maux qu’elles ont engendrés.

    Et puis de quel libéralisme parle-t’on? Y-a t’il déjà eu du libéralisme dans la ripoublique collectiviste à marxisme rampant?

    A force de bouffer gentiment son foin au ratelier commun le citoyen de ce pays arrive difficilement à discerner la saveur des carottes et des choux-raves.

    17 avril 2008 à 23 h 08 min
  • sas Répondre

    Les crises économiques

     

    Cette haine sera encore accrue par l’effet que produiront les crises économiques qui arrêteront les marchés et la production. .

    ca vous rapelle rien   ???????

    SAS qui dit qu’il faut arrêter d’être con……

    17 avril 2008 à 14 h 06 min
  • IOSA Répondre

    Voyons plus loin que le cours du riz ou des autres céréales alimentaires, certes il est vrai que les pays pauvres ont une démographie galopante, mais peut on reprocher à ceux qui n’on rien de vouloir perpetuer?

    Nous savons parfaitement que dans ces dits pays, il n’existe absolument pas de protection sociale ou d’assurance vieillesse et que le seul et unique moyen de survivre est la multiplicité du nombre des membres d’une famille et que chacun de ses membres apporte son obole aussi misérable soit elle à la ruche.

    Mais tant qu’il y aura des pauvres….il y aura des riches et personne ne se soucis de savoir ce qu’il adviendra de l’espece humaine à long terme.

    La vision des pays industrialisés est à court terme et personne ne veut donner aux pays pauvres les moyens réels de devenir un pays digne, capable de subvenir à ses propres besoins.

    On se contente de perfuser de temps en temps, en admettant les famines, en intervenant juste ce qui est nécessaire et pas plus et surtout en comptant sur la bonté des peuples favorisés.

    La terre entière ne peut nourrir X milliards d’humains car elle fait X surface de terre cultivable, la limite n’est elle pas atteinte ?

    C’est toute l’économie mondiale qui est à revoir pour régler ce problème, mais personne ne l’envisagera car personne ne veut être pauvre et ne rien laisser à ses enfants.

    Mais restera t’il quelque chose comme héritage si nous refusons de voir bien plus loin que les limites familiales ?

    17 avril 2008 à 9 h 47 min
  • Anonyme Répondre

    La dure loi de la réalité n’est pas dans la hausse des prix alimentaires, comme le laisse sommairement entendre le titre de cet article. Et le taux de jachères en occident, pas plus que le développement discutable du bio carburant, n’a rien à voir avec les réactions prévisibles de multitudes en détresse, offertes par la stupidité des pays riches aux premiers agitateurs venus.

    Parlons plutôt, sans repentance hypocrite, des dures conséquences de la cupidité et de l’égoïsme de ceux qui ont exploité des richesses sans se soucier le moins du monde des conséquences inéluctables de leur pillage.

    Les pays les plus avancés n’ont pas vocation à nourrir les pays pauvres -en continuant d’ailleurs à s’enrichir ainsi sur leur dos-, ce qui ne fait que les enfoncer toujours plus dans leur misère, mais à leur apprendre à se nourrir eux-mêmes. Plutôt que de réactiver nos jachères, aidons ces pays à mettre en valeur les leurs. Tout en les aidant à se doter des moyens de se développer par l’exploitation, par eux-mêmes, de leurs autres richesses.

    Puisqu’il le faut, citons Mao, qui savait de quoi il parlait : Mieux vaut apprendre à pêcher que de donner du poisson à celui qui a faim.

    Et souhaitons qu’il ne soit pas trop tard pour agir sérieusement en ce sens, car le nombre aidant, la submersion nous guette.

    17 avril 2008 à 9 h 33 min
  • richard83 Répondre

    la production diminue ou stagne..
    la population mondiale s’accroit a grande vitesse….
    c’est sur qu’il y a un problème!

    16 avril 2008 à 22 h 47 min
  • ozone Répondre

    Et j’ajoute que tout cela a été annoncé depuis quinze ans par des "troglodites" souverainistes,risé de ces brillantes "elites" qui nous ont mis la ou l’on est…

    16 avril 2008 à 20 h 29 min
  • Florin Répondre

    Parfait ! Pas de jachère et moins de subventions aux céréaliers (ils n’ont plus besoin, aux cours mondiaux actuels – tant mieux).

    A Vienne, le pain jeté chaque jour suffirait à nourrir la seconde ville d’Autriche … et pourtant, ce ne sont pas de gros mangeurs de pain, ces gens-là. Imaginez un peu la situation chez nous !

    Pour ce qui est des 33 Etats menacés par les émeutes : je constate que la Chine n’est pas sur la liste … et pour cause ! Celui qui bosse dur a le droit de manger. Expliquez cela à tous ceux qui passent leur vie à poil sur la plage – et ils comprendront.

    16 avril 2008 à 15 h 40 min
  • UN chouka Répondre

    Pour ma part, j’ai une petite parcelle qui a ete exploitée par un agriculteur qui se voulait localement céréalier.(aides financières ?)

    Il m’a falut 6 ou 7 ans pour voir cette parcelle renaitre un peut des produits qui y ont ete dévèrsés .Il n’y poussait aucune hèrbe que je suis en droit d’attendre sur ce sol.L’azote, mais aussi l’humus  y etaient incroyablement déficitaire .il m’a falut en metter de manière artificielle pour voir revenir peut a peut des hèrbes vigoureuses (trèfle ……..)

    Peut etre que la faune avait ete tuée ?

    Cette parcelle est désormais en jachère ,en vue d’asainir ce sol .ce n’est pas une vaine manoeuvre ,puisque la vie est de retour maintenant .

     Combien de terres sont dans cet etat?

    16 avril 2008 à 12 h 21 min

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