Proche-Orient : Inquiétants progrès du chiisme

Proche-Orient : Inquiétants progrès du chiisme

Les Libanais tentent de rééditer l’exploit ukrainien d’une « révolution de velours », en manifestant, sans discontinuer depuis l’assassinat de Rafic Hariri, sur la Place des Martyrs à Beyrouth.
Ils ont récemment obtenu une première victoire, avec la démission du gouvernement pro-syrien d’Omar Karamé.
Confortés par le soutien des Nations Unies, et surtout par l’accord – rare, dans cette région du globe ! – entre Paris et Washington pour exiger le retrait des troupes syriennes du Liban, les Libanais semblent décidés à aller jusqu’au bout.
Devant cette détermination du peuple libanais, devant cette union de forces politiques et religieuses autrefois disparates et divisées, et devant la pression internationale, pour la première fois, le gouvernement syrien de Bachar al-Assad a envisagé un retrait sans condition de ses troupes hors du sol libanais.
Il y a évidemment lieu de se réjouir de la perspective de voir un pays retrouver sa liberté, et plus encore un pays aussi cher au cœur des Français que le Liban.
Pourtant, cet enthousiasme ne doit pas empêcher de demeurer lucide sur les événements en cours.
Or, nous regardons trop volontiers le Liban avec des yeux d’Occidentaux. En gros, les chrétiens formeraient une forte minorité, les musulmans une courte majorité et, aujourd’hui, l’oubli des divergences religieuses permettrait une union politique.
La réalité est infiniment plus complexe. D’abord, parce que les chrétiens, comme les musulmans, ne forment pas des groupes homogènes. Ensuite, parce qu’aucune union politique conjoncturelle ne peut faire oublier des morts trop récentes. Enfin, parce que le Liban est un pays indépendant depuis trop peu de temps pour qu’il soit facile d’y faire triompher une logique politique, que nous pourrions dire d’« union sacrée ».
Par comparaison, souvenons-nous de nos propres guerres de religion. Alors qu’une « conscience nationale » française existait depuis trois ou quatre siècles, les forces centrifuges ont failli l’emporter et il fallut la poigne de fer d’Henri IV pour imposer le triomphe du parti des « politiques »…
En tout cas, la proximité historique et culturelle entre la Syrie et le Liban ne facilitera certainement pas l’établissement d’un climat politique sain dans le pays, après le départ des troupes syriennes. D’autant plus que les pro-syriens détiennent la quasi-totalité des ressources économiques du Liban.
Mais le danger principal vient d’ailleurs : il vient du poids de la communauté chiite au sein de l’islam libanais, et partant au sein de la vie politique libanaise. On estime son poids électoral autour de 40 % ou 45 %. Ce n’est certes pas autant qu’en Irak ou en Iran, mais c’est tout de même la principale force du Liban. Par ailleurs, que cela plaise ou non en Occident, le Hezbollah est auréolé de la gloire d’une victoire sur Israël, puisque le retrait de 2000 est le seul cas, depuis 1948, où l’armée israélienne s’est retirée sans contrepartie d’un territoire qu’elle avait conquis. Enfin, le chiisme vient de remporter largement les élections irakiennes. Le chiisme iranien, pour sa part, tient tête à la communauté internationale et aux États-Unis en particulier, sur le dossier de son armement nucléaire. En un mot, le chiisme, longtemps persécuté par l’islam « officiel », a le vent en poupe.
Par ailleurs, contrairement à l’islam sunnite, le chiisme présente un avantage considérable pour le combat politique – ou militaire : les chiites obéissent à une hiérarchie religieuse bien repérée. Au contraire, au sein du sunnisme, l’autorité d’un Ben Laden peut être balancée par l’autorité d’un imam « modéré ».
La guerre que les États-Unis ont déclenché contre Al Qaïda, après avoir soutenu l’islam wahhabite pour faire pièce au chiisme iranien, ne peut, pour le moment, que faire le jeu du chiisme.
Certes, qui dit chiisme ne dit pas nécessairement terrorisme. Mais il est évident que des chiites au pouvoir en Irak, en Iran et au Liban changeraient considérablement la face de cette partie du monde, d’autant plus que l’Arabie saoudite et la Syrie ne sont guère en odeur de sainteté actuellement.
À trop réclamer l’affaiblissement de la Syrie, comme naguère l’anéantissement du régime baasiste en Irak, les États-Unis et la communauté internationale font un choix, dont les conséquences ne me semblent pas mesurées, ni même prévisibles…

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Comments (5)

  • T.LARGER Répondre

    je n’y connais pas grand chose au Liban, mais j’aimerais quand même savoir si la france est pr^te à renvoyer une force d’interposition si tout ça tournait à nouveau mal?

    17 mars 2005 à 13 h 26 min
  • SAS Répondre

    La grande modification du moyen orient pour la création et la consolidation du grand israel est commencé…Après l’afganistan,l’irak,le liban,la syrie et enfin l’iran…le problème c’est que charogne ne lachera “jamais” la bande cotière de “gaza” comme le stipule la feuille de route signées des parties aus states…dans peu de temps ,ils vont s’inventer des pseudo-attentat et ils ne lâcheront rien,de rien de rien….c’est cela la stratégie sioniste, le reste sont bilvesés et farandoles pour gogo heu pardon gogoyes… SAS

    15 mars 2005 à 21 h 44 min
  • Jean-Claude LAHITTE Répondre

    Tous ceux qui, aussi bien au Liban qu’à l’étranger (USA, France, Union Européenne, ONU, etc.sans parler de la diaspora libanaise) réclament à cor et à cri, le départ de la SYRIE “non-démocratique” devraient penser aux leçons du passé et du présent qui, souvent, répondent de l’avenir. Le passé ? la SYRIE (qui ne demandait que cela !) s’était installée (avec l’aval des “puissances”) au LIBAN pour remettre de l’ordre dans un pays mis à feu et à sang par une guerre civile entre factions rivales. Le présent ? qu’est-ce qui est pire pour les habitants d’un pays musulman ? une dictature “sunnite” (façon HUSSEIN – “tyran” déchu – à quel prix, pour le malheureux peuble irakien ? – en IRAK ou façon HASSAD, en SYRIE, deux pays où les femmes comme les religions chrétiennes avaient, ou ont encore – une certaines libertés), OU une dictature CHIITE (celle qui sévit en IRAN depuis que l’Occident a lâché “lâchement” feu le shah d’Iran considéré comme un autre “tyran”). Et l’avenir ? que se passera-t-il au LIBAN lorsque, comme cela est prévisible, les Syriens auront levé le camp? Faut-il s’attendre à une dictarure “chiite”, celle imposée par le HEZBOLLAH, seule milice à ne pas avoir été désarmée et qui se glorifie d’avoir obligé Tsahal à quitter le pays du Cèdre. L’avenir le dira. Sans doute trop tard, une fois de plus ! Entre deux maux, entre deux “dictatures”, espérons que les Libanais (je pense à ceux qui manifestent patriotiquement sur la nouvelle Place de la Liberté) ne déchantent pas dès que le dernier soldat syrien aura tourné les talons. A propos de liberté, paraphrasant Mme ROLAND, j’oserai dire : “Liberté, que d’erreurs a-t-on commis en ton nom !”. Cordialement, Jean-Claude Lahitte

    15 mars 2005 à 18 h 08 min
  • Didier Répondre

    Pour étayer les éléments de votre article, vous puisez des faits dans le passé pour les projeter dans l’avenir. C’est une méthode qui manque singulièrement de sérieux et de rigueur. Il y a des chiites en Iran et en Irak; et alors ? Rien de bien comparable, en Iran une dictature sanguinaire s’est caché derrière une interprétation radicale de la religion pour prendre le pouvoir par coup d’état. Les Américains avaient fuit. En Irak il y a eu un processus démocratique dégageant une majorité au Parlement, majorité légitime puisque représentant la réalité de la population. Les Américains sont très présents, et le seront longtemps, ainsi garants d’une impossibilité de dérive. Les gens se regroupe sous forme d’appartenance religieuse parce les partis politique sont bien trop récent. C’est leur plus petit dénominateur commun. Plus tard nous verrons s’affirmer ces partis et les groupes religieux perdront de l’importance. Le fait d’être chiite n’est par forcément porteur de totalitarisme. Ces gens ont eu l’expérience du chaos, du sous développement; ils ont gouté un peu, au progrès matériel, à l’organisation avec les Américains, vous verrez qu’ils sauront saisir leur chance de sortir de la misère, à leur manière. Ils savent qu’il n’y en aura pas deux ! Le pire n’est jamais sûr. L’histoire doit être inventée.

    14 mars 2005 à 9 h 39 min
  • Justinien Répondre

    Vos compétences en matière d’analyse politique et religieuse me semblent très limitées et vous conduisent à préférer à contrario “le renforcement de la syrie” pour maîtriser des minorités religieuses préjugées homogènes partout (en iran, Liban et Irak), ce qui revient à préférer un régime militaire qui a opprimé les libanais et qui les a utilisés comme une carte pour des négociations avec des politicisn étrangers qui, en raison de leur ignorance, croient que tous est imprévisible avec la société civile! Vos analyses sont catastrophiques pour la démocratie et bénéfiques pour encourager la peur et les préjugés!

    13 mars 2005 à 20 h 13 min

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